Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 12 octobre 2006 à 21h30
Secteur de l'énergie — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Il s'agit toujours, avec cet amendement, de définir une ligne de conduite, de préciser les contours d'une éthique à laquelle nous tenons fort au moment l'on se prépare à opérer un changement de statut important.

Cet amendement entend réaffirmer les trois principes fondamentaux du service public de l'énergie : la continuité, l'adaptabilité, l'égalité. Nous y avons ajouté la durabilité. En effet, dans ce débat, comment ignorer l'impératif de développement durable ?

À cet égard, il n'est pas question pour nous de nous plier à une sorte de discours obligé, voire à un effet de mode : il s'agit bien à nos yeux d'une nécessité. Car il ne suffit pas de clamer « qu'il y a le feu dans la maison ». Il faut aussi, en toute responsabilité, agir avec détermination, et une majorité de nos concitoyens en sont d'accord.

Face au changement climatique et aux défis qu'il pose, la problématique de l'énergie est en fait au coeur même des enjeux d'aujourd'hui et de demain.

Les nationalisations dans le secteur énergétique et gazier intervenues en France en 1946 visaient à assurer une égalité d'accès à l'énergie, à répondre aux besoins des entreprises et à assurer la sécurité nationale. Ces objectifs, nous en sommes convaincus, sont toujours d'actualité

Au-delà, force est de constater que ces nationalisations ont permis la mobilisation d'investissements massifs. Grâce à ces derniers, notre pays a pu se doter d'infrastructures productrices, qu'il s'agisse de l'hydroélectricité, des centrales au fuel, puis des centrales nucléaires.

Il est clair que seule la puissance publique a été en capacité de relever ces défis sociaux, économiques et de sécurité. Désormais, il lui appartient de relever celui de la durabilité. Pour ce faire, elle peut user de la régulation des normes, des prix ou des quantités globales disponibles.

Si les normes sont indifféremment applicables au secteur privé et au secteur public, il en va autrement des prix ou des quantités disponibles sur le marché.

Or, en la matière, nous savons bien que prévaut la logique du profit, notamment du profit à court terme qui caractérise le capitalisme financier contemporain.

En effet, les structures d'actionnariat existantes, en particulier celles de fonds de pension, ont remanié les échéanciers de retour sur investissement qui, nous l'observons avec effroi, sont de plus en plus courts et portent sur des montants de plus en plus élevés.

Cependant, qui dit durabilité entend adossement à un échéancier qui dépasse largement la périodicité des conseils d'administration des entreprises. Dès lors, il est certain que les fonds privés ne pourront pas suivre réellement des projets qui nécessitent de lourds investissements capitalistiques.

Gageons que, dans le cas où ils y seraient contraints par la réglementation et les normes, les actionnaires n'attendront pas le retour sur investissement, mais « se paieront sur la bête », en l'espèce sur les consommateurs et les entreprises.

Cela semble d'autant plus inéluctable que les contraintes tenant à la prise en compte de l'efficacité dynamique sont très importantes dans un secteur où le changement technique, les fluctuations des prix d'un marché fondé sur le concept de spot gas et les paramètres de temps jouent un rôle déterminant.

La durabilité s'inscrit aussi dans le cadre de l'après- pétrole. Or nous savons tous que cette transition sociétale nécessitera des investissements lourds, notamment dans le secteur de la recherche et du développement, car de nouvelles trajectoires technologiques sont nécessaires pour que soient respectés les engagements environnementaux qui ont été pris.

Seul un fort secteur public de l'énergie aura la faculté de relever ce défi majeur, de porter en 2010 la part de notre production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation, contre 14 % actuellement, et de développer des énergies renouvelables thermiques pour permettre, d'ici à la même date, une hausse de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.

Dans le très récent rapport d'information sur l'effet de serre, cosigné par Mme la députée Kosciusko-Morizet, en charge de l'écologie à l'UMP, nous pouvons lire que, concernant « les nouvelles technologies de l'énergie, les budgets publics de recherche qui leur sont consacrés sont trop faibles et que le Gouvernement a pris l'engagement de les augmenter significativement ». Bravo !

Or, avec ce texte, non seulement vous privatisez Gaz de France et le soumettez au diktat de la rentabilité immédiate, mais vous préparez aussi la privatisation future d'Électricité de France !

La concurrence exacerbée entre ce nouveau groupe et EDF risque de mettre à mal l'ensemble de notre service public de l'énergie.

À toutes fins utiles, je rappelle que le service public a été, dès le traité de Rome, inscrit au coeur des missions de l'Union européenne, dont il constitue une valeur fondatrice.

Face aux générations à venir, dans un monde qui évolue, notre responsabilité est d'encourager l'adaptation du service public au bénéfice des consommateurs et des citoyens, tout en évitant des réformes radicales qui, telle la vôtre, remettent en cause son esprit même.

Ainsi, sur l'autel des exigences de rentabilité immédiate, sera automatiquement sacrifiée la durabilité.

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