Cet amendement ne cède en rien au syndrome de la « rapportmania » qu'évoquait notre rapporteur tout à l'heure. En effet, le rapport que nous demandons au Gouvernement de transmettre au Parlement n'est pas annuel : c'est un rapport unique qui devra être rendu avant le 1er janvier 2007 afin que nous puissions connaître les mesures prises pour éviter les ruptures de fourniture d'électricité, ou, à défaut, y faire face.
Cela n'a rien d'anodin puisque la fourniture d'électricité relève du service public et que l'un des principes de celui-ci est la continuité. Dès lors, toute rupture pose des problèmes graves et je voudrais attirer l'attention de nos collègues sur le fait que des cas de rupture quasi historiques se sont produits dans des systèmes qui viennent d'être libéralisés ; je pense à la crise californienne et, d'une manière générale, aux secteurs déréglementés aux États-Unis. D'ailleurs, un certain nombre d'États de ce pays ont refusé de déréglementer compte tenu des résultats assez catastrophiques auxquels a conduit la dérégulation du secteur de l'énergie dans d'autres États.
Nous avons nous-mêmes connu des crises énergétiques graves, ou tout au moins nous avons failli en connaître. C'est ainsi que, au mois d'août 2003, nous avons été à deux doigts de manquer d'électricité et je me souviens qu'à l'époque EDF avait dû aller sur le marché acheter des kilowattheures à un prix qui défiait toute raison. Cela prouve, s'il en était besoin, que le risque existe bel et bien.
L'État a sans doute pris conscience de ce risque, mais ce que nous demandons, c'est que, avant une modification fondamentale du secteur de l'énergie, en particulier par la privatisation de certaines de ses entreprises, un point soit fait sur la question de la sécurité et de la continuité, et cela sur deux plans.
Le premier plan est celui de l'interconnexion des réseaux. Ce serait une occasion opportune de présenter le plan européen en la matière, la sécurité des uns dépendant naturellement de celle des autres.
Le second plan est le plan local. En effet, notre amendement est aussi un amendement de précaution, car il peut arriver qu'il y ait rupture dans la continuité. Or, dans ce cas, personne ne sait exactement ce qui se passe. Sans doute la protection civile dispose-t-elle de certains plans, même si ce n'est pas toujours clair, mais, à l'échelon national, nous n'en avons pas connaissance.
Je prendrai un exemple éclairant pour l'ensemble de mes collègues. En 1999, la Lorraine, dont je suis un élu, a connu une terrible tempête qui a mis à bas un nombre considérable de pylônes électriques. Je puis vous garantir qu'il n'a pas été simple de rétablir l'électricité ! EDF a fait le maximum en la circonstance et, si nous avons tous salué à la fois le dévouement et la performance des employés de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que nombre de quartiers ou de villages, sans oublier beaucoup de petites entreprises, sont restés pendant cinq ou six jours sans électricité.
Il ne serait donc pas inutile, me semble-t-il, que dans un texte à portée nationale, soient recensées toutes les initiatives locales - départementales en l'occurrence, puisque cela relève du préfet -, afin de connaître les dispositifs existants en cas de rupture de continuité. Où sont les groupes électrogènes et comment les mobilise-t-on ? Dans quelle mesure peut-on faire appel à l'armée ?
Étant maire à l'époque dont je parle, je n'ai pas eu le sentiment que toutes les précautions avaient été prises et nous avons dû beaucoup improviser. Je croyais que cela avait servi de leçon, mais je ne suis pas sûr qu'il en soit ainsi !
Tel est l'esprit de ce rapport que nous souhaitons et qui pourrait d'ailleurs prendre la forme d'une communication à l'occasion de l'examen du budget de l'énergie dans la loi de finances, rapport dont l'objet serait de nous faire savoir comment on fait en sorte que le service public d'électricité sera continu.