La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a abandonné le statut d'établissement public industriel et commercial d'Électricité de France et de Gaz de France, pour les transformer en sociétés anonymes, régies par le droit commun des entreprises.
Soulignons que, par la même occasion, cette loi a permis de diminuer le seuil de participation minimal de l'État au sein du capital de ces deux nouvelles sociétés, en le fixant à 70 %.
Cette transformation a été accompagnée des engagements que l'on sait, pris par le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, sur le maintien du caractère majoritairement public du capital de ces sociétés. Mais Nicolas Sarkozy n'a pas pris cet engagement seul, il l'a fait bien évidemment au nom de l'État.
Aujourd'hui, on nous demande de privatiser GDF, alors que rien ne nous y oblige sur le plan européen !
Faut-il vous rappeler les propos de Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, lors d'une audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des entreprises publiques, le 10 juin 2003 ?
« Il me paraît tout d'abord important de rappeler que le traité de Rome ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises [...]. S'agissant du principe de neutralité, il est parfois reproché à la Commission européenne de s'attaquer plus souvent aux entreprises publiques qu'aux entreprises privées et d'imposer la privatisation [...].
L'article 295 du traité instituant la Communauté européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.
Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'aspect strictement juridique, notre approche est également fondée sur le fait qu'en qualité d'autorité en charge de la concurrence, nous ne voyons aucune raison économique de privilégier ou de discriminer une catégorie d'entreprises. »
Vous prenez donc seuls l'entière responsabilité de privatiser Gaz de France, et ce malgré toutes les incertitudes entourant la fusion GDF-Suez, que nous venons, mes collègues et moi-même, de souligner et qui hypothèquent grandement la réussite du futur groupe.
À défaut de l'alibi européen, vous aviez invoqué les risques d'une OPA émanant d'ENEL. Ces risques se sont dissipés - d'autres sont cependant apparus ce matin -, et nous savons bien que la nouvelle entité ne sera pas à l'abri de la convoitise de grands opérateurs gaziers, tels que Gazprom. De telles convoitises pourraient d'ailleurs se traduire autrement que par des OPA.
Bref, vous faites courir à notre sécurité d'approvisionnement et à notre système régulé de tarification de graves risques ! Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement lors de l'examen du titre Ier de ce projet de loi.
Cela étant, on se souvient que, en avril 2003, la Commission européenne avait été sur le point d'engager une procédure formelle d'examen sur la garantie illimitée dont bénéficiait EDF du fait de son statut d'EPIC, laquelle rendait inapplicable la législation sur la faillite et l'insolvabilité. La Commission européenne avait donc demandé l'extinction du statut d'EPIC pour EDF et GDF, afin d'éliminer cet élément de distorsion de concurrence.
Or, faut-il rappeler que le statut d'EPIC peut être considéré comme fondamental pour l'organisation de nos services publics et le maintien de la cohésion économique et sociale de notre pays ? C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements tendant à le défendre, que nous présenterons ultérieurement.
Comment envisager, en effet, la faillite de nos services publics de l'électricité ? Ce serait aboutir à la paralysie de notre économie et priver nos concitoyens de l'accès à ce bien vital, de première nécessité, que constitue l'énergie. Qui y songe ? À titre d'exemple, la recapitalisation publique de British Energy, au bord de la faillite, a répondu à la nécessité de sauver ce bien public précieux !
C'est pour répondre à une telle préoccupation que le statut d'EPIC a été inventé. Il nous faut aujourd'hui réfléchir aux moyens, pour la collectivité, de se réapproprier ces biens de première nécessité, indispensables à la vie de nos concitoyens et au développement durable de nos économies.
Ainsi, dans le cadre des travaux européens sur les services d'intérêt général, il serait intéressant d'expertiser la création d'un nouveau modèle de société spécifique, qui aurait pour champ d'intervention la gestion des services d'intérêt général. Son caractère public la mettrait à l'abri de toute pression d'actionnaires privés et lui permettrait d'oeuvrer conformément à l'intérêt général.