Intervention de Christian Cambon

Réunion du 23 novembre 2004 à 10h00
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où d'aucuns préconisent la mise en place de discriminations positives, un constat s'impose. Notre politique de lutte contre les discriminations est-elle suffisante ?

Aujourd'hui, vous le savez, la réponse judiciaire aux pratiques discriminatoires demeure très faible et sans réelle efficacité, la plupart des affaires étant classées sans suite. Il est donc de notre responsabilité, à nous qui sommes engagés en politique pour soigner les maux de notre société, de privilégier enfin un traitement plus long, mais plus efficace, de ce mal qu'est la discrimination et qui frappe hélas ! trop souvent notre société.

Tel est bien l'objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

En effet, le projet de loi prévoit de mettre en place un organisme doté de moyens réellement efficaces, qui privilégierait le traitement des discriminations par la médiation, et examinerait ce problème à la racine, en cherchant à développer les bonnes pratiques en matière d'égalité.

Par ailleurs, ce projet de loi répond à une triple volonté : celle du chef de l'Etat, de l'Union européenne et des Nations unies.

Le Président de la République a eu à coeur, depuis son arrivée au pouvoir, de lutter contre les discriminations et de promouvoir l'égalité.

Dès sa première élection en 1995, le Président de la République a fait de l'égalité des chances un des thèmes majeurs de sa campagne présidentielle. Peu de temps après sa réélection, il s'est également engagé, lors du discours qu'il a prononcé à Troyes en octobre 2002, à lutter « sans faiblesse » - ce sont ses propres mots - contre toutes les formes de discrimination. L'insertion des handicapés, par exemple, fut dès lors l'un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat.

La recrudescence du nombre des actes antisémites et racistes en France n'a fait que renforcer la détermination du chef de l'Etat, garant de l'égalité républicaine et de la cohésion sociale.

Le Gouvernement et le Parlement n'ont pas attendu le présent texte pour agir, qu'il s'agisse de la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ou de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Tous ces textes prévoient en effet un renforcement de la répression de certains actes discriminatoires. Ainsi, si un délit ou un crime est accompagné d'un acte de discrimination, ce dernier constitue désormais une circonstance aggravante.

Toutefois, à ce volet répressif, il convenait d'ajouter un volet plus préventif, par l'intermédiaire d'une institution juridique spécialisée, indépendante, qui favoriserait la médiation et agirait pour la promotion de l'égalité républicaine. Tel est d'ailleurs l'objet des recommandations du Comité des droits de l'homme de l'ONU et de l'article 13 du traité de l'Union européenne, qui sont à l'origine de plusieurs directives, notamment celle du 29 juin 2000, que nous devons transposer aujourd'hui dans notre droit interne.

C'est dans ce contexte que le chef de l'Etat a confié, il y a un plus d'un an, l'élaboration d'un rapport sur ce sujet à M. Bernard Stasi, ancien Médiateur de la République, auquel le groupe de l'UMP tient à rendre hommage pour la qualité de son travail. Les conclusions de son rapport ont été reprises, pour une large part, dans le présent texte.

Il nous est donc aujourd'hui proposé de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations et de promouvoir le principe d'égalité.

Composée de onze membres, choisis parmi des personnalités indépendantes, la Haute autorité sera dirigée collégialement, ce qui devrait permettre d'additionner les compétences, d'assurer le pluralisme des courants de pensée et de garantir ainsi son indépendance.

Les syndicats et associations qui travaillent depuis de longues années sur le terrain, et auxquels je tiens à rendre hommage, seront automatiquement associés au travail de la Haute autorité, à travers la création d'un organisme consultatif auquel ils appartiendront. Ils pourront également faire partie du collège, si certains de leurs membres sont nommés parmi les onze personnalités qualifiées.

La simplification de la saisine, qui pourra se faire directement par simple courrier, est aussi un point très positif. Elle devrait permettre aux victimes de discrimination de réagir plus facilement et plus rapidement.

Il est également essentiel que la Haute autorité puisse se saisir de toutes formes de discrimination, sans énumération limitative.

II était par ailleurs indispensable qu'elle soit dotée de prérogatives originales, pour éviter tout doublon de son travail avec celui des pouvoirs publics et des organismes de lutte contre les discriminations existants.

Sans être dotée de pouvoirs de police judiciaire, la Haute autorité pourra néanmoins procéder à des enquêtes et vérifications au sein des administrations, organismes et entreprises publics ou privés. Elle pourra également saisir la justice en référé si la personne incriminée refuse de fournir les informations ou documents demandés. Enfin, à la demande des juridictions, elle pourra présenter ses observations à l'audience.

La Haute autorité pourra également être consultée par le pouvoir législatif ou réglementaire, en plus du pouvoir judiciaire, sur les textes relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

Elle sera en outre - et c'est une nouveauté - dotée d'un budget de recherche en matière de promotion de l'égalité et devra chaque année rendre compte de ses résultats à travers un rapport public rendu au Parlement et au Président de la République.

Nous le voyons bien, cette Haute autorité, dotée d'un budget général de 9 millions d'euros, devrait pallier efficacement les insuffisances actuelles et notamment les carences du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, mises en lumière par le rapport de M. Stasi.

Les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, chargées d'assurer le traitement et le suivi local des cas signalés à ce groupe d'études, n'ont en effet pas été à la hauteur des objectifs qui leur avaient été fixés. La plupart des signalements transmis aux parquets ont, hélas ! abouti à des décisions de classement.

Le numéro d'appel gratuit, le 114, mis à la disposition de nos concitoyens par le groupe d'études pour signaler les cas de discrimination, n'a pas, non plus, obtenu les résultats escomptés. Seuls 2 % des appels recensés correspondaient à de réels problèmes de discrimination, les 98 % restants s'avérant purement fantaisistes.

C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire de rendre ce service payant. L'appel téléphonique doit être facturé.

Certes, il doit être d'un coût modique pour demeurer accessible à tous. La non-gratuité, même symbolique, devrait avoir un effet dissuasif et limiter, au moins en partie, les appels fantaisistes qui accaparent inutilement le temps et l'énergie des personnes travaillant pour ce service.

Concernant ces personnels du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, nous nous félicitons de l'apport de l'Assemblée nationale qui a veillé à ce qu'il ne soit pas procédé à des licenciements, en leur garantissant la possibilité d'être réemployés contractuellement par la Haute autorité.

A l'heure de la simplification administrative et juridique et de la réduction du nombre des commissions, il s'agit donc non pas de créer un nouvel organisme inutile, mais de remplacer progressivement un organisme existant par une autorité administrative réellement efficace, aux prérogatives élargies et originales, répondant ainsi aux recommandations européennes et internationales.

Son rôle essentiel sera le soutien aux victimes, la médiation et la mise en valeur des bonnes pratiques en matière d'égalité.

Le présent projet de loi prévoit, par ailleurs, d'intégrer les dispositions qui figuraient initialement dans le projet de loi visant à lutter contre le sexisme et l'homophobie déposé en juin par le Gouvernement.

Je me félicite que ces nouvelles dispositions, certes nécessaires, tiennent compte de certaines critiques formulées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et par les entreprises de presse qui redoutaient une atteinte grave à la liberté de la presse.

Si ces dispositions prévoient de réprimer la diffamation, l'injure et les provocations à la discrimination, à la haine et à la violence, en raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne, commises par voie de presse, il s'agit de ne les réprimer que dans un certain nombre de cas relativement graves et limitativement énumérés par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

Il s'agit notamment de cas relatifs à l'emploi - on sait combien cela est grave -, à la fourniture de biens et de services, au logement et au bénéfice des droits accordés par la loi.

Par ailleurs, au lieu des 12 mois prévus par le projet de loi initial, leur prescription est réduite à 3 mois, comme c'est aujourd'hui le cas pour tous les délits commis par voie de presse. Il s'agit d'une mesure de bon sens dont on ne peut que se féliciter.

Autre mesure de bon sens : le projet de loi initial sur l'homophobie et le sexisme prévoyait des peines plus lourdes pour les discriminations en raison de l'orientation sexuelle de la victime que pour les discriminations en raison de son sexe. Cela semblait particulièrement injuste et incohérent. Les dispositions insérées dans le présent projet de loi prévoient désormais que les propos sexistes et homophobes tenus par voie de presse seront réprimés avec la même sévérité.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe UMP et moi-même tenons, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à vous apporter notre soutien. Notre groupe, à une très large majorité, votera ce texte.

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