Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 23 novembre 2004 à 10h00
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Discussion d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les adjectifs ne manquent pas pour dénoncer toutes les discriminations vécues chaque jour en France. Pour résumer, je dirai qu'elles sont inacceptables.

Comptabiliser chaque fait condamnable est impossible, se battre pour que tous disparaissent est nécessaire, bien sûr par obligation morale, mais aussi pour apaiser les graves tensions dont souffre notre société. En effet, chacune de ces pratiques discriminatoires non sanctionnée instille le doute, le désespoir et la révolte. Au nom du principe d'égalité des droits sur lequel est fondé notre régime politique, nous refusons tous ici de renoncer, car renoncer à se battre pour faire respecter le principe d'égalité, c'est rompre le pacte républicain. Si nous voulons refuser les révoltes individuelles ou les zones de non-droit, l'Etat doit affirmer fortement le droit et ses prérogatives régaliennes pour réussir le passage de l'égalité formelle à l'égalité réelle.

En préambule, je soulignerai que la création de cette Haute autorité est, de plus, une obligation communautaire : la France vient de recevoir une leçon de l'Europe dans un domaine où elle pensait avoir peu à apprendre, le domaine des droits de l'homme. Je rappelle que, par directive, le Conseil fait obligation aux Etats membres de désigner un ou plusieurs organismes chargés d'apporter une aide indépendante aux victimes de discrimination. En France, nos concitoyens pouvaient, certes, saisir la justice sur les fondements d'une législation très complète et récemment renforcée, mais chacun sait, ici, que les condamnations sont rares. Les victimes ne disposent toujours pas d'un organisme ad hoc permettant à la fois de dégager des solutions non contentieuses et d'aider les victimes devant les juridictions. Comme souvent, la France a tardé à transposer la directive. La mission de préfiguration présidée par Bernard Stasi va permettre à notre pays de se doter de cet outil, si longtemps attendu.

C'est l'occasion de redire à nos concitoyens qu'au-delà de sa réalité économique l'Europe doit aussi être pour tous un projet politique ambitieux fondé sur une conception humaniste de l'homme.

La création de la Haute autorité est donc une obligation. Elle est aussi une réponse à un besoin identifié : par sa compétence générale, qui l'autorise à lutter contre toutes les formes de discrimination, c'est-à-dire le sexe, le handicap, l'âge ou l'origine, prohibées par un engagement international ou par la loi ; par des moyens financiers non négligeables - 10, 7 millions d'euros -, supérieurs au budget du Médiateur de la République ; par des moyens humains évalués à 80 personnes, intégrant, si celui-ci le souhaite, le personnel du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, dont l'expérience acquise en matière de discrimination raciale sera très utile.

Je souhaite mettre en valeur trois prérogatives originales pour une autorité administrative indépendante : son habilitation à procéder à des enquêtes sur place, sa possibilité de saisir le juge des référés pour que ses demandes d'information soient suivies d'effet et sa possibilité de présenter ses observations à l'audience. Les victimes disposeront désormais d'une instance qui les aidera concrètement.

Sans attendre le premier rapport annuel de la Haute autorité, je proposerai deux dispositions qui rendront cette autorité plus efficace.

En plus de la saisine directe et de l'autosaisine, je souhaite que nos concitoyens puissent saisir la Haute autorité par l'intermédiaire d'un parlementaire, député, sénateur ou représentant français au Parlement européen.

Je souhaite également que tous ces parlementaires puissent la saisir de leur propre chef, ce qui constituera, avec près de mille élus, un maillage territorial très efficace.

Chargée d'une double mission, lutter contre les discriminations et promouvoir l'égalité de traitement, la Haute autorité sera un outil indispensable, mais, nous le savons, toujours insuffisant face aux discriminations insidieuses. Légiférer est utile, mais ne sera jamais suffisant : comme pour la défense de la laïcité, il faut faire adhérer et convaincre. Ce combat doit être mené à la source, c'est-à-dire à l'école, et je salue l'initiative du ministre de l'éducation, qui vient de diffuser à plus de 250 000 exemplaires l'excellent Guide républicain auprès des enseignants et dans chaque bibliothèque scolaire. Il rappelle « les fondements et les enjeux de notre ambition républicaine ».

La soif de justice à laquelle il ne serait pas répondu conduira à la révolte. Le groupe du RDSE soutiendra la création de cette Haute autorité, qui doit faire rapidement preuve de son efficacité. Il ne s'agit ni de dilution du pouvoir politique, ni de dilution du pouvoir des juges : la création de cette Haute autorité doit redonner l'espoir à ceux qui en ont été privés par notre indifférence ou notre passivité.

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