Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la directive européenne du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes, sans aucune distinction, et l'article 13 du traité d'Amsterdam invitent les Etats membres à adopter des politiques de lutte contre les discriminations et leur font obligation de se doter d'un organisme indépendant. Nous nous réjouissons donc que le Gouvernement nous propose enfin, par ce projet de loi, de la transposer en droit interne.
Rappelons que ces politiques vont au-delà de la seule transposition des directives européennes en matière de promotion de l'égalité de traitement. La France est, à cet égard, très en retard.
Aussi, nous pouvons nous poser la question de l'existence d'une véritable volonté politique ou d'une initiative qui semble uniquement répondre de manière minimaliste aux obligations européennes pour éviter à la France d'être une nouvelle fois condamnée.
Au préalable, il est important de réaffirmer que la lutte contre les discriminations doit s'inscrire dans un dispositif global, dans le cadre de l'action publique comme de l'action civile, où convergent les efforts du législateur, du Gouvernement et des acteurs locaux.
En outre, il doit offrir une protection juridique complète et donner à la Haute autorité les moyens de fonctionner en lui procurant des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux auxquels elle sera confrontée.
Dans un souci d'efficacité et de crédibilité, il est important que cette Haute autorité soit unique et universelle.
Unique, car elle aura ainsi une vision d'ensemble des différentes formes de discriminations, et elle évitera une superposition de diverses structures spécifiques, voire parfois une certaine hiérarchisation des discriminations, notamment en cas de cumul des handicaps.
Universelle, parce qu'elle doit couvrir toutes les catégories de discriminations, dans tous les domaines - emploi, formation, santé, logement, culture, école - et qu'elle doit contrôler tous les agissements discriminatoires, quels que soient leurs formes et leurs auteurs.
Les textes en vigueur ne prévoient que certaines catégories de discriminations. Il convient donc de compléter la liste de ces dernières pour prendre en compte de manière plus exhaustive tous les critères prohibés de distinction, en s'attachant à ne pas fermer toute possibilité d'évolution de cette liste avec le temps.
L'Europe avait, dès l'origine, bien défini le champ des discriminations, « fondées sur le sexe, l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle », et comme nous pensons que chacune de ces discriminations, sans aucune exclusive, doit être combattue, il nous semble nécessaire de reprendre in extenso dans le projet de loi cette définition donnée par l'Europe.
Le champ de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, doit comprendre toutes les discriminations, « directes ou indirectes, prohibées ou non par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie prenante ».
A ce jour, le projet de loi prévoit que la HALDE ne peut intervenir que sur les discriminations prohibées par la loi.
Or, le texte sur la pénalisation des propos homophobes et sexistes devrait être abandonné, ce que nous regrettons vivement : il s'agit d'un recul dans la lutte contre les discriminations. Certes, des amendements tenteront de pallier cette lacune, mais nous ne comprenons pas cette méthode arbitraire et tardive.
Par ailleurs, nous devons être plus particulièrement attentifs aux discriminations qui pourraient contrevenir aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 et de la Charte des droits de l'enfant de l'ONU du 20 novembre 1989, concernant le droit à l'éducation. Le droit international n'est-il pas supérieur au droit national, notamment lorsque ce dernier génère des discriminations ?
Pour enrichir ce texte, notre contribution a été élaborée à partir des auditions auxquelles nous avons procédé, qu'il s'agisse d'associations de défense des droits humains en général, mais aussi des personnes handicapées et homosexuelles, ainsi que d'associations spécifiques qui interviennent dans le domaine de l'emploi, du logement ou de l'école.
Ces associations ont, je le regrette, été peu entendues, parfois même ignorées lors de l'élaboration de ce projet de loi.
Leur mise à l'écart, qui s'est poursuivie pendant les travaux préparatoires à l'Assemblée nationale puis ici même, au Sénat, témoigne d'un mépris envers des acteurs pourtant incontournables sur le terrain et qui seront essentiels pour assurer le succès de cette structure.
Pour le moment, notre satisfaction reste mitigée, car, à notre sens, ce projet de loi souffre encore d'imperfections graves qui ne donnent pas à la HALDE les moyens qu'exigent les discriminations de toutes sortes qui sévissent dans notre pays.
Peut-être aurait-il fallu s'inspirer davantage des expériences européennes qui ont précédé la nôtre, et en retenir davantage les éléments dont l'efficacité a été prouvée ? Nous pensons, en particulier, à l'expérience belge du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, le CECLR, et, surtout, à celle du Conseil pour l'égalité britannique, qui a acquis une véritable légitimité et démontré son efficacité.
A l'image de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, je souhaite formuler un certain nombre d'observations autour de trois aspects qui me paraissent essentiels pour permettre une plus grande efficacité de cette institution : son indépendance et son pluralisme, la place centrale des victimes et leur accès à l'institution, le fonctionnement et les moyens que l'on se donne pour réussir.
Pour bénéficier d'une légitimité dans son action, la HALDE doit apparaître comme une autorité aussi légitimement fondée et autonome dans son établissement que dans son fonctionnement. En effet, l'administration publique pouvant, elle-même, être l'auteur de discriminations, ...