Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, nous mesurons tous le poids de nos responsabilités quand il s’agit du sort de nos soldats.
Nos soldats sont engagés en Afghanistan, et nous venons de l’éprouver douloureusement. Ils sont aussi engagés en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Kosovo ou au Liban.
Depuis la fin de la guerre froide, notre sécurité ne se joue plus exclusivement à nos frontières. L’interdépendance des enjeux et des menaces nous contraint à agir loin, parfois puissamment. Cette évolution stratégique n’est pas sans incidence sur le lien, si nécessaire, entre la nation, nos armées et leurs missions.
Se battre sur nos frontières est une chose. Se risquer pour d’autres, loin de l’Hexagone, en est une autre. L’entreprise est d’autant plus sensible que notre société, qui vit en paix, n’est naturellement pas rompue aux épreuves de l’affrontement.
Faut-il s’engager pour Beyrouth ? Faut-il s’engager pour le Koweït ou pour Sarajevo ? Faut-il s’engager pour Kaboul ? La nouvelle donne stratégique nous conduira de plus en plus souvent à nous poser la question. La réponse ne sera plus seulement du ressort du Président de la République et du Gouvernement puisque, dorénavant, conformément à l’article 35 de la Constitution, chacun d’entre vous sera aussi conduit à se prononcer par un vote.
Voulue par le Président de la République et adoptée par la majorité de la Haute Assemblée, cette nouvelle clause institutionnelle, qui signe la fin du domaine réservé, sera un progrès pour notre démocratie. Elle constituera un atout pour notre politique étrangère et de défense qui, par votre intermédiaire, sera l’affaire de tous les citoyens. Elle contribuera au soutien de nos armées, qui doivent pouvoir sentir que le Parlement est à leur côté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’Afghanistan, je crois à la nécessité du consensus national. Ce consensus se bâtit dans l’écoute des convictions et des interrogations de chacun.
La situation afghane ne se prête ni aux postures ni aux caricatures. Il faut regarder lucidement les choses en ne cédant ni à l’angélisme ni au catastrophisme.
Nous sommes, ensemble, suffisamment au fait de nos devoirs pour débattre de la situation avec gravité et responsabilité.
Depuis deux ans environ, la situation s’est tendue sur le terrain, notamment dans l’est et le sud de l’Afghanistan.
C’est sur la base de ce constat que la France a insisté pour rénover la stratégie de la coalition et a décidé au printemps dernier d’augmenter le nombre de ses hommes. L’Allemagne vient à son tour d’annoncer qu’elle comptait porter ses effectifs à 4 500 soldats.
Les talibans et les insurgés accentuent leur pression. Leur organisation et leurs méthodes se sont sophistiquées. Ils misent sur notre lassitude et sur nos doutes.
Le 18 août, dans la vallée d’Uzbeen, dix de nos soldats sont morts au combat, et vingt et un autres ont été blessés. Vous connaissez les circonstances de cette embuscade. Les événements se sont déroulés dans une région qui n’avait été le théâtre, jusque-là, que d’affrontements de faible intensité conduits par des insurgés qui ne s’accrochaient pas au terrain.
Partis pour une simple mission de reconnaissance, nos hommes sont finalement tombés dans une embuscade tendue par une centaine de rebelles lourdement armés et aguerris.
Au cours de cet accrochage violent qui a duré plusieurs heures et qui a occasionné des pertes importantes également chez nos agresseurs, nos troupes ont fait preuve sous le feu d’une cohésion et d’une vaillance exemplaires, allant jusqu’à des actes héroïques.
Je ne reviendrai pas sur les déclarations antérieures du ministre de la défense en réponse aux légitimes questions, mais aussi aux rumeurs infondées de ces dernières semaines. En réponse aux toutes dernières d’entre elles, relayées par un journal canadien, qui se fonde sur un compte rendu à chaud ne recoupant pas les informations complètes que nous avons recueillies, je veux toutefois confirmer de nouveau un certain nombre de points.
D’abord, les forces engagées dans les combats du 18 août ont toujours été en mesure de riposter aux tirs de leurs adversaires. Plus de trois tonnes de munitions supplémentaires ont été acheminées durant les combats à cette fin.
Ensuite, les moyens de communication, contrairement à ce qui a été dit, n’ont pas manqué. Une section d’infanterie est aujourd’hui équipée de vingt postes de radio de différentes natures. L’un d’entre eux, destiné aux liaisons avec l’arrière au sein de la section tombée dans l’embuscade, est resté muet quelques minutes seulement lorsque le soldat qui le portait a été mortellement touché.
Enfin, un seul de nos soldats a été tué à l’arme blanche et aucun d’entre eux n’a été capturé par l’ennemi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la réalité est suffisamment cruelle pour ne pas y ajouter le mensonge et la désinformation.