Intervention de Josselin de Rohan

Réunion du 22 septembre 2008 à 17h00
Prolongation de l'intervention des forces armées en afghanistan — Débat et vote sur une demande d'autorisation du gouvernement

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 18 août dernier, dix de nos soldats sont tombés en Afghanistan, et vingt et un ont été blessés. Ces hommes appartenaient à la quatrième compagnie du 8e RPIMa de Castres, au régiment de marche du Tchad de Noyon ainsi qu’au 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi.

Je voudrais une nouvelle fois, au début de ce débat, rendre hommage au sacrifice de nos soldats. Ces hommes, qui se sont battus avec courage et un très grand professionnalisme, sont tombés victimes d’une embuscade imprévisible, dans le cadre de cette guerre asymétrique qui nous oppose, avec tous nos alliés, au terrorisme international.

L’émotion légitime et le mouvement de compassion qu’ont fait naître ces événements ont relancé le débat sur la justification de l’engagement de la France en Afghanistan aux côtés de nos alliés, en particulier de vingt-quatre autres pays appartenant à l’Union européenne.

Certains s’interrogent sur le point de savoir si la France dispose d’une stratégie en Afghanistan. Pourtant, le 1er avril dernier, nos assemblées ont tenu un débat extrêmement complet sur cette question, après une déclaration du Gouvernement présentée par vous-même, monsieur le Premier ministre. La majorité, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, avait alors apporté son soutien au Gouvernement pour le renforcement de notre contingent au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, dont l’existence, je vous le rappelle, repose sur un mandat précis du Conseil de sécurité des Nations unies, renforcé et complété par de nombreuses et régulières conférences internationales dont les plus importantes ont été la conférence de Bonn, celle de Londres et, plus récemment, celle de Paris, consacrée au financement de l’aide à la reconstruction de l’Afghanistan.

La stratégie de la quarantaine de pays représentant la communauté internationale, dont la France, a été parfaitement définie lors du dernier sommet de l’OTAN à Bucarest, au mois d’avril dernier. En effet, l’OTAN, comme vous le savez, assume depuis 2003 le commandement de la FIAS.

Par l’intermédiaire d’une lettre adressée par le Président de la République à nos partenaires, notre pays a d’ailleurs été à l’origine de la définition des principes qui guident notre contribution, et celle des trente-neuf autres pays, à la reconstruction de l’Afghanistan.

Ces principes sont les suivants : « un engagement ferme et commun s’inscrivant dans la durée ; le soutien à une prise de responsabilités accrue par les Afghans, et au renforcement de leur leadership ; une approche globale de la communauté internationale, conjuguant efforts civils et militaires ; une coopération et un engagement accrus avec les voisins de l’Afghanistan, en particulier le Pakistan ».

Que faisons-nous en Afghanistan ? Là encore, je voudrais vous citer la déclaration des chefs d’État et de gouvernement à Bucarest : « Notre vision du succès est claire : que l’extrémisme et le terrorisme ne constituent plus une menace pour la stabilité, que les forces de sécurité nationales afghanes aient la direction des opérations et soient autonomes, et que le gouvernement afghan puisse faire bénéficier tous ses citoyens, dans l’ensemble du pays, de la bonne gouvernance, de la reconstruction et du développement. Notre vision s’appuie sur un plan politico-militaire interne à moyen terme – conforme au Pacte pour l’Afghanistan et à la Stratégie de développement national de l’Afghanistan. »

Telle est la vision stratégique de la Force internationale d’assistance à la sécurité. La dénomination de cette force est dépourvue de toute ambiguïté : elle est présente à la demande du peuple afghan et de son gouvernement, et œuvre au service de la paix et de la reconstruction de ce pays. Elle lutte contre le terrorisme international qui avait fait de ce pays, comme il a tenté de le faire également en Irak ou au Soudan, une base étatique de préparation des attentats qui ont frappé New York, Londres, Madrid, Casablanca et, plus récemment, le Maghreb dans son ensemble. C’est en prenant part à cette lutte, d’un intérêt majeur pour la sécurité de notre pays et de nos concitoyens, que nos soldats ont fait le sacrifice de leur vie.

Cette lutte sans merci exige un engagement déterminé et de longue haleine. Elle demandera sans doute encore bien des sacrifices. Notre opinion publique doit s’y attendre et y être préparée par une campagne de communication particulièrement importante pour expliquer les enjeux de notre engagement sur ce théâtre d’opérations.

Il est de notre responsabilité de manifester à nos forces sur le terrain tout l’intérêt que la nation porte à leur action et l’extrême fierté qu’elle lui inspire. Le déplacement de deux des membres de notre commission auprès de notre détachement à Kaboul au mois de mai dernier témoigne de cette attention.

Tout en étant conscients du caractère inéluctable et, pour une part, imprévisible de ces accrochages, il nous appartient également de vérifier que tous les moyens en équipements, en technologie et en renseignement sont déployés pour limiter au maximum les risques et les pertes. Nous avons entendu avec intérêt les précisions que vous nous avez apportées à cet égard, monsieur le Premier ministre.

En ce qui concerne les équipements, notre commission et, j’en suis sûr, le Sénat tout entier sont particulièrement attentifs à ce que le maximum soit fait pour assurer la capacité opérationnelle de nos unités et la protection de nos soldats. Les militaires engagés à Uzbin le 18 août dernier étaient parfaitement entraînés et équipés, c’est évident, mais il est sans doute possible d’améliorer encore l’équipement de nos soldats.

Le système FELIN me paraît devoir être en priorité affectée aux opérations extérieures. Il en va de même pour tout ce qui concerne les véhicules blindés et à protection renforcée contre les mines, les IED, et les projectiles balistiques du champ de bataille. Très concrètement, il semble urgent d’adapter des tourelles téléopérées aux véhicules de l’avant blindés, les VAB.

En matière de renseignement, il convient de développer les capacités de renseignement stratégique dont nous disposons avec des satellites, des avions ou des drones. Ce dispositif doit être complété par des moyens mis à disposition au niveau de l’unité de combat et, bien évidemment, par l’accroissement du renseignement humain.

L’axe central de notre stratégie doit conduire, comme le souhaite le Président de la République, à l’« afghanisation » des opérations en cours. Nous ne méconnaissons nullement l’extraordinaire travail déjà effectué pour la formation et l’entraînement de l’armée nationale afghane, à travers l’opération EPIDOTE, pas plus que les actions menées dans les OMLT. Le transfert de la responsabilité de la sécurité de Kaboul à l’Armée nationale afghane témoigne de cette ligne directrice, sans laquelle le conflit afghan ne saurait trouver de solution.

Comme l’a observé l’un des meilleurs connaisseurs de l’Afghanistan, Michael Barry, ce pays, en raison de sa situation géographique, de son histoire, de ses populations fractionnées en ethnies, en tribus rivales et en chefferies ennemies, ne peut ni se passer de l’aide extérieure ni accepter durablement la domination étrangère. Faire émerger un État unitaire acceptable par la population et capable d’assurer la sécurité des Afghans et le développement de leur territoire, tel est le défi auquel nous sommes confrontés. Chacun peut comprendre qu’il s’agit d’une œuvre de longue haleine.

Notre action militaire immédiate soulève un certain nombre de questions.

La première est celle de la concomitance de deux actions militaires : celle de la FIAS, dont j’ai rappelé tout à l’heure les objectifs, et celle de l’opération Enduring freedom, menée par les États-Unis depuis 2001, qui s’inscrit dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme international. Comme vous, monsieur le Premier ministre, j’estime particulièrement important qu’une meilleure coordination soit établie entre ces deux opérations, et que leurs méthodes d’action sur le terrain et leurs objectifs finaux soient aussi harmonisés que possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion