C’est cet événement tragique du 18 août qui vous oblige aujourd’hui, messieurs les ministres, à justifier devant la représentation nationale la politique menée par le Président de la République dans ce pays lointain.
Or, loin de tirer les enseignements de l’impasse dans laquelle conduit cette politique, vous nous demandez de donner notre accord à la prolongation de cette intervention militaire.
Nous vous refuserons cet accord pour deux raisons principales. La première, c’est que cette intervention a changé plusieurs fois de nature, sans d’ailleurs que le Parlement ait eu à en débattre. La seconde raison est que la stratégie qui la sous-tend a totalement échoué.
Rappelons-nous qu’à la fin de l’année 2001 il s’agissait, sous couvert d’une opération du Conseil de sécurité de l’ONU, d’une intervention américaine en coalition, ayant trois objectifs : détruire le sanctuaire d’Al-Qaïda, renverser le régime des talibans et établir un État de droit.
En France, c’est sur ces bases qu’a été prise la décision, que nous avons approuvée, d’intervenir aux côtés des États-Unis.
Par la suite, les conditions comme les raisons de l’intervention ont beaucoup évolué : les talibans ayant été chassés du pouvoir, il s’agissait de sécuriser et de reconstruire l’Afghanistan grâce à l’aide militaire, civile et financière de la communauté internationale.
En 2003, la Force internationale d’assistance à la sécurité, FIAS, est alors passée en catimini sous le commandement de l’OTAN, sans aucune consultation parlementaire sur les objectifs de la mission conférée à nos forces armées.
Sous cette nouvelle bannière, elles avaient, semble-t-il, un rôle de maintien de la sécurité, d’appui et de formation de l’armée afghane.
Enfin, en avril 2007, avec l’envoi de 700 hommes supplémentaires, décision prise par le Président de la République, seul, pour satisfaire une demande des Américains, nos militaires sont passés du maintien de la sécurité à des missions de combat.
Nous sommes donc aujourd’hui très éloignés du cadre et des objectifs initiaux de notre présence militaire en Afghanistan.
Aujourd’hui, malgré toutes les dénégations du ministre de la défense, nous participons directement à des opérations de guerre définies par les Américains dans le cadre de l’OTAN. Le drame du 18 août en est l’illustration tragique.
En envoyant massivement des renforts en Afghanistan, en étendant la guerre aux « zones tribales » du Pakistan sans solliciter l’avis de ce pays ni celui de leurs alliés, les États-Unis nous entraînent désormais dans une aventure aveugle qu’il faut avoir le courage politique de refuser ! L’attentat si meurtrier qui a eu lieu ce week-end à Islamabad nous y appelle fortement. C’est pourquoi il faut mettre fin à cette escalade et redéfinir la stratégie globale de notre présence.
La redéfinition de cette stratégie s’impose. En effet, quand le Président de la République a pris la décision d’envoyer des renforts, tout le monde a compris que son objectif était politique : il s’agissait essentiellement de céder aux demandes pressantes des Américains en contrepartie de notre réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN.
Il faut mettre fin à cette aventure, qui confirme à la fois les risques d’enlisement que nous avions dénoncés lors du débat sur le renforcement de nos troupes et l’échec de cette stratégie.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, l’échec est patent. Le bilan est catastrophique, malgré toutes les statistiques que vous nous avez livrées et qui sont fortement contredites par tous ceux qui opèrent concrètement sur le terrain afghan depuis de nombreuses années.
Voyons la réalité en face : le pays est morcelé entre les chefs de guerre, il n’y a pas d’État et le président Hamid Karzaï est une marionnette corrompue entre les mains des Américains.