Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 22 septembre 2008 à 17h00
Prolongation de l'intervention des forces armées en afghanistan — Débat et vote sur une demande d'autorisation du gouvernement

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Non seulement l’aide internationale à la reconstruction et au développement est insuffisante, mais elle est aussi inefficace et mal utilisée.

En mars dernier, un rapport de l’Agence de coordination de l’aide à l’Afghanistan avait révélé que, sur les 25 milliards de dollars que la communauté internationale s’était engagée à verser depuis 2001, seuls 15 milliards avaient bel et bien été débloqués. Et encore, sur cette somme, près de 40 % sont revenus aux pays donateurs sous forme de contrats et de rétribution de consultants divers.

Tout cela est encore aggravé par la disparition sur place d’une grande partie de cette aide, détournée par les autorités locales et les chefs de guerre dans les provinces.

De plus, notre pays est loin d’être exemplaire dans ce domaine. En termes de contributions, il se situe loin derrière l’Allemagne, la Norvège ou le Danemark.

Certes, lors de la conférence des donateurs en juin dernier, le Président de la République a promis de renforcer notre aide à la reconstruction, qui devrait doubler, et de privilégier les secteurs de l’agriculture et de la santé.

À ce propos, pouvez-vous, messieurs les ministres, nous en dire plus sur la programmation de l’utilisation des 20 milliards de dollars réunis en juin lors de cette conférence ?

C’est pour cet ensemble de raisons qu’aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent de tous bords pour dire que les choix stratégiques opérés pour l’Afghanistan ont échoué et qu’il faut en changer. Il faut donc absolument les redéfinir, car il n’y a pas de solution militaire possible aux problèmes posés en Afghanistan.

La présence militaire ne saurait remplacer une politique économique, sociale, de développement et de démocratisation des institutions. Et l’on ne réglera pas les problèmes posés en intensifiant la guerre comme le souhaitent les États-Unis !

Pour nous sortir de ce bourbier, il faut d’abord proposer une perspective politique en relançant le dialogue entre Afghans.

Plus généralement, toute évolution de la démocratie, des mœurs, de la condition féminine et du système de valeurs de la société afghane ne peut intervenir sans la volonté du peuple afghan, avec l’aide de toutes les forces progressistes.

Il faut ensuite mettre en œuvre une solution régionale du conflit – elle pourrait prendre la forme d’une conférence régionale.

Il faut également mettre prioritairement l’accent sur les tâches de reconstruction et de développement civil menées avec l’aide de la communauté internationale.

La sortie de crise ne peut être de nature militaire. Le combat contre le terrorisme passe avant tout par un combat contre ce qui le nourrit : la misère des peuples et leur humiliation par des comportements dominateurs. Et que l’on ne vienne pas nous dire que ce serait laisser les Afghans aux mains des talibans et insurgés de toutes sortes ! Au contraire, poursuivre dans la même voie, c’est les jeter un peu plus dans leurs bras !

Notre pays devrait mettre à profit le poids que lui confère actuellement la présidence de l’Union européenne, mais aussi son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité, pour faire prévaloir auprès des autres membres de l’OTAN une nouvelle stratégie s’appuyant sur la reconstruction et le développement, et obtenir un calendrier redéfinissant les objectifs à atteindre.

Défendre cette position, ce serait mettre fin à la politique d’alignement atlantiste, de suivisme à l’égard des États-Unis et de l’OTAN qui veulent s’ériger en gendarmes et se substituer à l’ONU.

Il faut se garder de la naïveté et être lucides sur la partie qui se déroule dans cette région stratégique. La lutte contre le terrorisme et pour la liberté n’est pas la seule en cause là-bas. En effet, tout le monde le sait : cette région du monde, carrefour des routes pétrolières et gazières, est l’enjeu d’un conflit pour l’hégémonie de l’accès à ces ressources. Au premier rang des protagonistes figurent les États-Unis, avides de servir leurs propres intérêts économiques.

Pour ces raisons implicites, nous refusons que la France s’aligne sans conditions derrière l’OTAN et une administration Bush finissante qui pratique la fuite en avant.

La France doit également prendre des initiatives auprès de ses partenaires afin qu’ils acceptent d’élaborer une autre politique donnant un rôle central à l’Organisation des Nations unies.

Notre présence ne devrait désormais se concevoir qu’intégrée dans une opération de l’ONU avec un mandat global donnant la priorité à l’aide d’urgence, à la reconstruction et aux droits du peuple afghan.

Enfin, nous voudrions que le drame qu’a été la mort de nos soldats donne lieu à une réflexion approfondie sur le sens et les missions fixés à l’intervention de nos troupes à l’étranger.

Pour notre part, nous considérons qu’elles n’ont de légitimité que lorsqu’il s’agit d’opérations de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, comme au Liban, ou de l’Union européenne, comme celle de l’Eufor au Tchad et en Centrafrique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion