N’est-ce pas un progrès ? Sinon, qu’est-ce qu’un progrès ?
Monsieur le président de la commission, vous avez indiqué tout à l'heure que des avancées patentes avaient été accomplies, même si elles restent absolument insuffisantes pour les villages afghans que nous ne pouvons atteindre.
La semaine dernière, deux médecins afghans de l’OMS qui s’occupaient des vaccinations sont morts. Et qui les a tués ? Les talibans ! Est-ce bien avec ces gens-là que nous devons discuter ? Bien sûr, certains talibans sont peut-être accessibles à la raison, comme ceux dirigés par le mollah Omar, mais de grâce, qui enclenchera, sinon les Afghans, les pourparlers nécessaires avec cette partie de la population ? Nous ? Vous savez que les Anglais l’ont tenté et que cette tâche s’est révélée très ardue…
Localement, les gens se parlent, c’est évident. Dans les familles, dans ce que l’on appelle les clans, il s'agit d’une tradition bien ancrée. Certes, à Kaboul – qui d'ailleurs n’est pas tout l’Afghanistan –, la situation est difficile, mais il existe tout de même un gouvernement et des élections vont être organisées, ce qui n’était pas le cas auparavant !
Il y a donc eu des progrès en Afghanistan, comme l’attestent les six millions d’enfants qui vont à l’école ; je sais que ce chiffre a souvent été mis en avant, mais ne s’agit-il pas là, au moins, et malgré tout, d’une petite marque de succès ? Si ça, ce n’est pas un succès, je me demande vraiment ce que pourrait être, pour nous, un succès en Afghanistan ? Quitter le pays ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y aurait mille réponses techniques à adresser à vos questions. Comme notre débat en serait excessivement allongé, nous devrons nous en passer, mais je reste à votre disposition. Nous avons d'ailleurs créé un groupe de suivi pour les parlementaires qui s’intéressent à l’Afghanistan, et nous les rencontrons une fois par mois. Je serai très heureux de vous accueillir au Quai d’Orsay pour maintenir ce contact.
Après vous avoir écouté avec soin, je pourrais reprendre à mon compte l’immense majorité de vos observations. Oui, nous savons quelle est la situation en Afghanistan. Oui, il ne s’agit pas d’un pays parfait. D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il existe un très beau livre, que je vous recommande, qui s’intitule Afghanistan, le royaume de l’insolence. Ce pays n’a jamais été soumis : qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, c’est la réalité ! En tout cas, si nous partons, une chose est sûre : ce sera une belle victoire pour les talibans !