Lors de l'examen de cet amendement par la commission des finances, la tension est quelque peu montée. J'ai donc bien conscience de ne pas avoir suffisamment expliqué sa raison d'être.
En quoi consiste cet amendement ? Il a pour objet la création d'un fonds de rénovation urbaine destiné à participer au financement de l'ANRU. Nous proposons que ce fonds soit abondé tout d'abord par une partie des excédents exceptionnels de la Caisse des dépôts et consignations, puis, dans les années ultérieures, par le fléchage d'une partie des crédits consacrés aux MIG, les fameuses missions d'intérêt général de la Caisse, à hauteur de 100 millions d'euros par an au moins, en direction de l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU. Ces crédits n'étant aujourd'hui pas « fléchables », la Caisse des dépôts et consignations peut les utiliser comme elle l'entend.
Nous sommes trois à cosigner cet amendement : Roger Karoutchi, mon co-rapporteur sur la mission « Ville et logement », Pierre André, rapporteur pour le Sénat de la fameuse mission d'information commune sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années, et moi-même. Nous proposons cet amendement, parce que nous savons tous que, à partir de l'année 2008, les besoins de financement de l'ANRU seront très importants, c'est-à-dire nettement supérieurs aux crédits de paiement que l'ANRU a reçus jusqu'à présent. Pour mémoire, en 2006, seulement 190 millions d'euros en crédits de paiement ont été inscrits. Il est convenu de désigner ces nouveaux besoins de financement par l'expression « bosse de l'ANRU ».
Pourquoi ces besoins seront-ils plus importants ? Il y a plusieurs raisons simples à cela.
Tout d'abord, à une phase d'élaboration, les collectivités locales ayant, depuis 2004, formé et porté devant l'ANRU leurs projets, va succéder, à partir de 2007, une phase de réalisation. Donc, tout naturellement, l'Agence, qui a anticipé le phénomène, sera amenée à apporter un financement très important en 2009, soit 1, 4 milliard d'euros de crédits de paiement.
En outre, Jean-Louis Borloo s'est engagé à faire en sorte que les collectivités locales puissent disposer d'avances sur les sommes qui doivent leur être attribuées. L'ANRU a donc promis aux collectivités d'avancer entre 10 % et 15 % du montant des financements.
La troisième raison qui explique l'apparition de la « bosse de l'ANRU » et qui contraindra l'État à contribuer très fortement, tient au fait que le second financeur de l'ANRU, c'est le 1 %. Or nous savons que, par convention avec l'État, le 1 % contribuera au financement dans les mêmes proportions que l'État, c'est-à-dire à hauteur de 5 milliards d'euros environ sur la période, mais de manière quasi linéaire sur les dix années.
Donc, le 1 % financera 600 millions d'euros jusqu'en 2008 et 400 millions d'euros par an ensuite, et pas plus, jusqu'au terme du plan national de rénovation urbaine.
En d'autres termes, c'est l'État qui devra faire en sorte que l'ANRU puisse passer cette fameuse bosse qui apparaîtra dans les trois ou quatre prochaines années. Comment permettre à l'ANRU d'y parvenir ?
Il existe des solutions assez simples. Soit nous autorisons l'ANRU - cette possibilité assez étonnante me semblerait peu orthodoxe - à trouver sur les marchés les sommes correspondantes. Mais cela lui coûtera de l'argent et une telle pratique peut nous inquiéter, les uns et les autres. Soit nous nous tournons vers l'État, qui peut trouver une solution sur ses crédits budgétaires ou par d'autres moyens.
En 2000, l'État, à la suite d'un comité interministériel sur la ville, avait décidé la création, au sein de la Caisse des dépôts et consignations, d'un fonds de renouvellement urbain, doté à l'époque de 457 millions d'euros. En 2004 et en 2005, le FRU avait contribué, en lieu et place de l'État, à apporter de l'argent frais à l'ANRU.
Donc, nous nous sommes dit tout simplement, Roger Karoutchi, Pierre André et moi-même, qu'il serait possible d'envisager à nouveau la création d'un fonds de renouvellement urbain, qui pourrait profiter d'une situation particulière, celle de l'excédent exceptionnel dont dispose la Caisse des dépôts et consignations sur l'exercice en question.
Et pourquoi ne pas flécher une partie des crédits des MIG, puisque, je le rappelle, sur ces bénéfices ordinaires, la Caisse doit en consacrer un tiers aux missions d'intérêt général, un tiers à l'État, et que le dernier tiers lui revient ? Cela pourrait concerner au moins 100 millions d'euros de ces MIG, dont les crédits se chiffrent aux alentours de 500 millions d'euros par an. Ce n'est pas rien ! Et, d'après les données dont nous disposons pour les deux ou trois dernières années, la totalité de cette somme n'aurait pas été consacrée par la Caisse des dépôts et consignations aux missions d'intérêt général.
Il y a donc moyen, sur les deux ou trois exercices antérieurs, de demander à la Caisse des dépôts et consignations d'apporter une contribution au financement de l'ANRU, à hauteur d'une centaine de millions d'euros, tout simplement en revenant au taquet des 500 millions d'euros qu'elle doit consacrer aux missions d'intérêt général.
Voilà pourquoi nous avons proposé, par voie législative - c'est discutable, j'en conviens -, le principe de ce nouveau FRU. Je rappelle que cette idée avait déjà été avancée par Roger Karoutchi et moi-même dans le rapport d'information sur l'ANRU que nous avons rendu l'été dernier au nom de la commission des finances, rapport intitulé : L'ANRU : un succès qui nous oblige. Car il s'agit bien d'un succès !