Intervention de Hélène Luc

Réunion du 9 mai 2006 à 10h00
Questions orales — Situation de l'établissement de l'imprimerie nationale à choisy-le-roi

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Madame la ministre, je regrette que, bien qu'il m'ait prévenue, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Breton, n'ait pu être présent. Je pense que vous êtes tout à fait habilitée à me donner une réponse, pourvu qu'elle soit positive.

L'Imprimerie nationale, institution séculaire créée par le cardinal de Richelieu en 1640, est gravement menacée dans sa pérennité. Pourtant, elle a fait preuve d'un savoir-faire indiscutable, qui lui vaut une réputation allant bien au-delà de nos frontières, qu'il s'agisse de l'imprimerie ou de son atelier artistique, mémoire du travail effectué depuis plusieurs centaines d'années et que les salariés veulent transmettre.

Depuis plus de deux ans, malgré les engagements pris auprès des salariés, des autorités de la direction générale de la concurrence de la Commission de Bruxelles et de la profession, à la suite de sa recapitalisation par des fonds publics, l'Imprimerie nationale est progressivement démantelée.

Ce démantèlement s'est déjà traduit par la vente de ses imprimeries rotatives de Bondoufle et de Strasbourg, ainsi que de ses activités « Édition technique » et « Beaux-livres », et par la cession de ses services de logistique et de vente par correspondance implantés à Douai.

Ce démantèlement prend la forme d'arrêts d'activités, de restructurations ou de filialisations et résulte de décisions financières, industrielles et politiques qui ont des conséquences sociales intolérables.

En 1993, 1900 salariés travaillaient à l'Imprimerie nationale dans le XVè arrondissement à Paris. En 2003, après un premier plan social, ils n'étaient plus que 1450 ; en 2005, après un second plan social, il restait 550 personnes. Aujourd'hui, l'annonce de la cession de Choisy-le-Roi réduirait à nouveau de 120 personnes les effectifs de l'entreprise !

L'avenir de l'établissement de Douai n'est nullement assuré puisque, malgré la décision du Conseil d'État de lui confier la fabrication et la personnalisation des passeports biométriques, ce marché ne lui a été attribué par convention que pour huit mois, alors que des résultats remarquables ont pourtant été obtenus pour la qualité, le prix de revient et le temps de réalisation de ces passeports. Madame la ministre, voilà la preuve du savoir-faire de l'Imprimerie nationale, voilà pourquoi il faut le conserver à tout prix !

La vente de l'établissement de Choisy-le-Roi à une société privée signifierait le démantèlement complet de l'Imprimerie nationale alors qu'elle appartient au patrimoine industriel et culturel de la France Le déménagement du XVè arrondissement vers Choisy-le-Roi n'aurait été qu'un leurre, alors qu'il devait être un nouveau départ !

Ce serait un véritable gâchis économique, culturel et social.

Gâchis économique, tout d'abord, puisqu'il serait la conséquence d'un désengagement de l'État, détenteur de 100 % du capital de l'entreprise, sur un site dont l'installation a été largement financée par l'argent public de l'État, de la région, du département et de la ville de Choisy-le-Roi. En outre, ce site étant implanté dans l'une des zones franches supplémentaires créées par le projet de loi pour l'égalité des chances et voulues par le Premier ministre, il serait incohérent que l'État disparaisse ainsi d'un territoire de développement prioritaire.

Gâchis culturel, ensuite, de par la perte de mémoire ; gâchis social, enfin, puisqu'un accord d'entreprise avait fixé à l'année 2008 le bilan des restructurations qui se sont traduites par la suppression de 900 emplois au niveau du groupe. Cet accord et l'échéancier annoncé doivent être respectés pour permettre le déploiement des stratégies industrielles et commerciales prévues.

Madame la ministre, il est hors de question d'accepter la vente du site de Choisy-le-Roi, car tout nouveau plan social compromettrait irrémédiablement l'avenir de l'ensemble du groupe !

Dans cette affaire, la responsabilité de l'État est entièrement engagée, car il n'a pas joué son rôle, directement ou par l'entremise du secteur public, et n'a pas assuré une charge de travail suffisante à l'imprimerie de Choisy-le-Roi.

C'est ainsi que, par exemple, depuis la décision de France Télécom de ne plus lui confier l'impression de ses annuaires, le chiffre d'affaires de l'entreprise ne cesse de diminuer, son département « sujets d'examens et de concours » ne pouvant, à lui seul, suffire à pallier ce manque. D'autres commandes, comme la note Évaluation de l'Éducation nationale ou les imprimés d'autres ministères, lui ont également fait défaut.

À quoi donc servirait une imprimerie nationale, si l'État ne se réserve pas un certain nombre de travaux, en premier lieu les documents sécurisés, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays européens ?

Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir m'informer des mesures que vous avez l'intention de prendre pour contribuer à assurer une charge de travail suffisante aux établissements de Douai et Choisy-le-Roi, et empêcher la vente de Choisy-le-Roi. Quelles mesures comptez-vous prendre, avec le ministre de la culture, pour reloger et faire fonctionner l'atelier d'art, provisoirement abrité dans un entrepôt à Ivry-sur-Seine ?

Ce sont les conditions essentielles pour garantir le statut de l'Imprimerie nationale et préserver sa mission de service public.

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