Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 9 mai 2006 à 10h00
Questions orales — Conséquences de la hausse du prix des carburants pour les pêcheurs professionnels

Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Monsieur le sénateur, votre question est importante.

Avant d'y répondre, je souhaite rendre hommage, devant le Sénat, aux deux pêcheurs morts en mer ce matin et au pêcheur porté disparu au large du cap d'Antifer en Seine-Maritime, devant le port du Havre, que les recherches n'ont pas encore permis de retrouver.

Malheureusement, cette profession difficile paye un tribut épouvantable chaque année à la mer. Ces disparitions s'ajoutent, en effet, à une liste déjà longue, et votre région, la Bretagne, monsieur le sénateur, est particulièrement touchée.

En dehors du problème de la dangerosité du métier, la pêche connaît des difficultés de deux natures.

D'abord, l'Europe, qui gère la politique de la pêche, diminue les quotas pour essayer de reconstituer la ressource.

Ensuite, les charges, en particulier le poste carburant, progressent.

Cette augmentation brutale des cours du gazole, malheureusement pérenne, est très difficile à supporter par les pêcheurs. Je pense aux chalutiers, qui ont particulièrement besoin d'énergie pour tracter le chalut. La flotte de pêche française est constituée encore en majorité de chalutiers, même si, depuis quelques années, d'autres techniques de pêche moins gourmandes, tels le filet, la palangre, la senne, se sont développées.

En outre, de nombreuses entreprises sont également fragilisées par des problèmes de gestion et se sont endettées pour acquérir leur navire.

Par ailleurs, se pose également le problème des marins salariés lorsqu'ils sont rémunérés « à la part », dans le cas de la pêche artisanale où les frais communs sont partagés entre l'armateur et l'équipage.

Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les moyens dont disposent les entreprises pour faire face à ces difficultés.

En ce qui concerne tout d'abord la couverture du risque d'envolée du prix du gazole sur les marchés à terme, nous avons mis en place en 2004 un outil, le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, qui permettait de lisser les pics du cours du gazole.

En tout état de cause, nous ne pouvons utiliser durablement cet outil pour des raisons de compatibilité avec les règles européennes sur lesquelles je ne m'étendrai pas.

Néanmoins, tant que les dispositifs que j'ai annoncés au mois d'avril ne seront pas partout effectifs, nous continuerons d'abonder ce fonds pour aller jusqu'au bout du traitement que nous devons aux pêcheurs.

La solution souhaitable, naturellement, est l'augmentation des cours du poisson. Cette dernière est réelle, mais limitée pour l'instant à certaines espèces. Faut-il rappeler que la France importe malheureusement les deux tiers de ses besoins en produits de la mer ? Cela signifie également que nos marins sont en situation de concurrence. Lorsque les pêcheurs d'Arcachon se mettent d'accord, comme ce fut le cas la semaine dernière, avec les autorités portuaires pour augmenter de dix centimes d'euro les prix - cette mesure est tout à fait compréhensible, car elle tire les revenus vers le haut -, cela pose des problèmes à l'égard des importations et de la concurrence !

Les deux autres pistes pour améliorer la situation sont la réduction de la consommation du gazole - j'y reviendrai - et l'amélioration de la productivité des entreprises.

En dehors du FPAP, qui ira vers l'extinction quand les autres mesures seront en oeuvre, j'ai proposé un plan de restructuration et de modernisation de notre flotte, solution durable pour permettre à nos entreprises de vivre avec un gazole qui sera certainement cher encore pendant de nombreuses années.

Des solutions existent d'ores et déjà pour réduire la consommation de gazole.

Il s'agit, par exemple, d'aider les pêcheurs à mieux régler leur moteur. Nous devons encourager la généralisation des dispositifs allant en ce sens.

À moyen terme, de nouvelles pratiques de pêche devront remplacer le chalut.

De même, les moteurs doivent être plus performants pour être moins consommateurs d'énergie. Des substituts au gazole doivent être testés, notamment les biocarburants. La loi d'orientation agricole a d'ailleurs ouvert la possibilité aux pêcheurs d'utiliser des huiles végétales pures.

Le Gouvernement accompagnera cette restructuration, et 40 millions d'euros y seront consacrés pour aider les entreprises à investir.

Néanmoins, les entreprises doivent disposer d'un peu de temps pour se restructurer. C'est pourquoi, monsieur Trémel, des soutiens immédiats seront apportés aux entreprises afin de conforter leur trésorerie jusqu'à la restructuration.

Des avances de trésorerie et des allégements de charges seront accordés aux entreprises qui s'engagent dans un processus de restructuration.

Pour les armements hauturiers, qui vont au-delà de la mer territoriale, un aménagement de la taxe professionnelle sera réalisé. Par ailleurs, des mesures sociales seront prises en direction de leurs équipages.

Ce volet « soutien » représentera également 40 millions d'euros, monsieur le sénateur, et je précise, pour répondre à votre question, que ce plan sera notifié à la Commission européenne. Il prendra effet après la réalisation d'un bilan précis de la situation, bilan que nous sommes en train d'élaborer. Sous trois mois, nous disposerons d'une analyse de la situation, entreprise par entreprise. Les aides seront accordées au regard de cette étude et prendront la suite des avances du FPAP.

Cette restructuration de la flotte est donc un chantier important.

Pour autant, je n'oublie pas les autres pistes à explorer : la productivité et l'augmentation des prix au producteur. Telle est la mission qui a été confiée à la députée du Finistère Mme Hélène Tanguy, dont j'attends les propositions pour le mois de juin prochain.

D'autres défis doivent aujourd'hui être relevés pour assurer un avenir à ce secteur : la gestion des ressources, la réforme de l'organisation professionnelle, l'installation des jeunes, la transmission des entreprises, la rémunération des marins, la formation et la sécurité - encore aujourd'hui au coeur de nos préoccupations.

Le plan d'avenir de la pêche, que j'ai annoncé en octobre à Nantes, sera proposé à la fin du mois de mai ou dans le courant du mois de juin. Sur tous les points que je viens de citer, en dehors du plan de restructuration, nous présenterons des solutions et des outils concrets, complétés par les propositions de Mme Tanguy, lesquelles seront naturellement intégrées en partie dans ce plan d'avenir de la pêche.

Tel est l'état des lieux de la pêche en France, monsieur Trémel. Il s'agit d'une filière qui connaît de vraies difficultés. Je sais que les collectivités territoriales, notamment la région Bretagne et votre département, s'attachent à être aux côtés de l'État dans la gestion de ce dossier, car nous devons unir nos efforts pour aider nos pêcheurs.

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