Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 9 mai 2006 à 10h00
Questions orales — Financement des contrats d'agriculture durable

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Monsieur le ministre, il y a peu, lors de questions d'actualité au Gouvernement, je vous avais interpellé en vous rappelant que l'agriculture française était soumise à trois contraintes : des contraintes administratives, liées aux déclarations de la politique agricole commune, la PAC ; des contraintes financières, avec la mise en place de la modulation et du fonds de réserve national pour les droits à paiement unique, les DPU ; enfin, des contraintes environnementales, liées à l'écoconditionnalité.

Nous avons tous connu la première réforme de la PAC en 1992, dont l'objet était de compenser les prix par une aide publique afin d'assurer le maintien du revenu des agriculteurs.

La compensation, à l'époque, était intégrale. Or, depuis cette date, Bruxelles n'a cessé de rechercher les voies et moyens lui permettant de diminuer le budget destiné à l'agriculture.

C'est ainsi qu'a été lancée la deuxième réforme de la PAC, avec la mise en place des DPU, qui érodent encore un peu plus le revenu de l'agriculteur. Non seulement ils ne compensent plus la baisse des revenus mais, de surcroît, ils substituent à un dispositif d'aide à la production des droits découplés, qui se traduisent par une baisse globale des aides, accentuée elle-même par la modulation et le prélèvement destinés à la réserve nationale !

Enfin, en vue de se montrer vertueux à l'égard de l'opinion publique, il a été décidé de conditionner le versement au respect de nouvelles contraintes environnementales qui pèsent sur les coûts de production, sans compenser les charges qu'elles engendrent.

Les agriculteurs et les éleveurs se trouvent donc ainsi doublement pénalisés.

M. Glavany avait inventé la modulation pour prendre de l'argent aux riches agriculteurs en vue de le redistribuer aux pauvres. En réalité, c'était prendre de l'argent aux grandes structures pour le redistribuer aux petites structures. C'est ainsi que fut créé le fameux contrat territorial d'exploitation, le CTE !

Le CTE, financé pour moitié par la modulation et pour moitié par les crédits européens, avait une double visée : sociale et environnementale. Il n'était pas plafonné.

M. Glavany en avait profité pour « vendre » la modulation à l'Europe. Cette dernière ne s'est d'ailleurs pas fait prier, prenant la mesure comme une aubaine lui permettant de diminuer son budget et de faire financer l'écoconditionnalité aux agriculteurs !

M. Gaymard, quant à lui, n'a pas remis en cause la modulation, que nous avions d'ailleurs condamnée au Sénat, et a transformé les CTE en contrats d'agriculture durable, les CAD, en les plafonnant. Il faut dire que son prédécesseur avait omis de financer les CTE !

Aujourd'hui, les CAD sont devenus peau de chagrin en raison de la régulation budgétaire. Bercy a fermé le « robinet » : 2 000 CAD seront finançables en 2006, alors que de 8 000 à 10 000 CAD par an avaient été financés en 2004 et en 2005.

Compte tenu de la baisse des crédits, les CAD sont donc dorénavant limités à la culture biologique, à la filière ovine et aux mesures agro-environnementales.

Ainsi, les exploitations céréalières du nord de la Loire continueront-elles à financer les CAD à travers la modulation, sans pouvoir y accéder puisqu'elles ne seront plus éligibles à ce dispositif. Pourtant, elles sont elles-mêmes soumises à de fortes contraintes environnementales au travers de l'utilisation des engrais - notamment l'azote - et des produits phytosanitaires.

Les CAD, comme les feus CTE, avaient pourtant pour objet le financement de mesures environnementales, ce qui constituait une compensation financière à ces contraintes pour les exploitations.

L'Oise, compte tenu des crédits qui lui sont octroyés, ne pourra financer que deux CAD pour 2006, monsieur le ministre, alors que ce département en avait financé soixante en 2005 !

Que comptez-vous faire pour permettre à ce département de financer les soixante CAD en attente et le renouvellement des CTE ?

Quelle agriculture réservez-vous à notre pays au-delà de 2013, monsieur le ministre, avec la disparition de ces aides qui font, vous le savez très bien, le revenu des agriculteurs ? La disparition de ces dernières entraînera le dépôt de bilan de milliers d'exploitations.

Une hausse des prix à la production est-elle envisageable alors que, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'Europe s'apprête à sacrifier l'agriculture au profit d'intérêts industriels ?

Quels professionnels en France, mes chers collègues, consentiraient, pour une baisse des prix à la consommation, à transformer une partie de leurs revenus en aide publique quand cette aide n'est compensée qu'à 70 % ou à 80 % de son niveau d'origine ?

Monsieur le ministre, il est plus que temps de rassurer la profession, car son moral est tellement bas qu'elle n'a même plus la force de réagir !

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