Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 9 mai 2006 à 16h00
Volontariat associatif et engagement éducatif — Article 11

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

Monsieur le ministre, dès la première lecture de ce projet de loi, nous avons refusé d'inscrire le contrat d'engagement éducatif dans le code du travail, car il déroge aux principaux piliers de notre droit social.

Après les modifications apportées par l'Assemblée nationale, notre refus est encore plus résolu. Dorénavant, les sociétés privées auront accès à ce contrat, alors que leur seul engagement est de dégager du profit. Nous ne pouvons accepter que cela se fasse par la remise en cause de tous les droits sociaux de leurs salariés.

Ainsi, finalement, les choses sont plus claires. Votre alibi de l'engagement militant au service de l'action éducative tombe. Il ne reste alors que des salariés sans droits.

Ce type de contrat de travail est pire que le CPE. Corvéables à merci durant leur mission, ces jeunes salariés ne se verront rémunérés qu'à hauteur de deux heures de travail, pour les quinze ou vingt-quatre heures qu'ils effectueront journellement. Et ils devront toujours payer des impôts sur les repas qu'ils prendront.

Comment peut-on accepter un tel projet, d'autant que, pour avoir accès à ce type de contrat, il leur faudra toujours payer leur formation, notamment au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, le fameux BAFA ?

Comment peut-on accepter un tel projet alors que cette activité professionnelle exige une qualification toujours plus grande, mais qui ne sera jamais reconnue ?

Comment peut-on accepter un tel projet alors que le décalage est énorme entre les responsabilités confiées à ces jeunes, y compris sur le plan juridique, et le niveau de leur rémunération ?

Pis, l'oeuvre destructrice inscrite dans votre projet ne s'arrête pas là, car l'ensemble des structures socio-éducatives et médico-sociales pourront dorénavant prétendre à ce type de contrat.

C'est donc un démantèlement complet de la profession d'animateur qui est mis en oeuvre à travers votre projet.

Il aboutit à une telle remise en cause d'une profession naissante que nous n'en comprenons pas le sens. La seule raison possible est la recherche effrénée de réduction drastique des coûts salariaux. Personne n'avait encore osé le faire dans de telles proportions !

Nous sommes persuadés que l'ensemble des associations d'éducation populaire, pourtant à l'origine de ce texte, comprendront mieux, alors, pourquoi il nous est impossible d'adopter ce texte.

Nous regrettons que les nombreux problèmes auxquels elles sont confrontées vous aient finalement servi, monsieur le ministre, de cheval de Troie pour une remise en cause du code du travail d'une telle envergure.

Comme je le disais en première lecture, une autre vision est nécessaire pour replacer le droit aux vacances et aux loisirs au centre d'une véritable politique de l'enfance dans notre pays. Cela passe obligatoirement par un retour de l'investissement des pouvoirs publics dans le financement des actions d'éducation populaire.

C'est une erreur que de penser que l'on peut faire l'économie d'une remise à plat de l'organisation et du financement des activités d'éducation populaire, en usant du salaire des animateurs comme seule variable d'ajustement, pour tenter de ne pas rendre inaccessible les séjours aux familles les plus modestes. On se trompe même de cible !

En tant que maire, je connais bien le problème : la caisse des écoles de ma commune, que je préside, organise chaque année le départ en vacances de plus de 1 500 enfants. Notre taux d'encadrement est de 30 % supérieur aux normes et les salaires de nos animateurs sont supérieurs de moitié au montant de l'allocation forfaitaire que vous prévoyez, monsieur le ministre. Dans ces conditions, la masse salariale représente 25 % du coût moyen de nos séjours.

Je sais bien que comparaison n'est pas raison, mais il est tout de même possible d'estimer que la masse salariale ne doit pas, en moyenne, excéder 15 % à 18 % des coûts de séjours. C'est donc bien les coûts d'hébergement, de nourriture, de transports et d'encadrement spécifique qui font peser les charges sont les plus lourdes, et c'est sur celles-ci qu'il serait temps d'agir si l'on veut réellement que le droit aux vacances et aux loisirs deviennent une réalité accessible à tous.

Par ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, grâce à la TVA, l'État engrange des recettes sur ces activités. Le montant de ces prélèvements est finalement presque aussi important que les coûts salariaux de nos séjours.

Décider de ne prendre comme cible que les coûts salariaux des animateurs est bien un choix politique ; cela va de soi, nous ne le partageons pas.

En demandant la suppression de cet article, nous restons convaincus qu'une solution doit être trouvée pour assurer la pérennité de l'activité « vacances » des associations d'éducation populaire.

D'autres voies doivent être explorées et les pouvoirs publics doivent redevenir des partenaires financiers pour ce type d'activité.

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