Intervention de David Assouline

Réunion du 9 mai 2006 à 16h00
Volontariat associatif et engagement éducatif — Vote sur l'ensemble

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Notre volonté de soutenir le mouvement associatif, énormément fragilisé par votre politique, mais qui a plus que jamais besoin de signaux positifs, aurait justifié de confirmer en deuxième lecture notre abstention de la première lecture.

Cette abstention était le signe de notre esprit d'ouverture dans un débat qui, pour nous, ne faisait que commencer. Lors de la clôture de la discussion en première lecture, je me permettais même d'espérer que la navette produirait encore des éléments nouveaux et positifs qui amélioreraient le texte dans le sens que nous souhaitons.

Nous ne pouvons que nous désoler du résultat final de la navette, qui est probablement le fruit de la radicalisation du Gouvernement et de la majorité en matière de libéralisation du droit du travail. En effet, le groupe UMP de l'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement, a rendu tout à fait inacceptable la rédaction du titre II relatif à l'engagement éducatif, qui nous posait déjà beaucoup de difficultés dans sa version initiale.

La modification de l'article 11, qui bouleverse totalement l'économie du dispositif en permettant à des organismes à but lucratif d'en bénéficier, suffit à justifier notre opposition à ce qu'est devenu ce projet de loi. Pour ajouter à l'inacceptable, les quelques amendements que notre groupe avait réussi, je vous le rappelle, à vous faire accepter en première lecture pour améliorer le titre Ier, parfois avec l'appui d'ailleurs du rapporteur et de la commission, ont été supprimés.

Malgré le recul du Gouvernement sur le contrat première embauche sous la pression, très forte, du mouvement social, l'oeuvre de démantèlement de notre droit du travail continue. Preuve en a été donnée avec l'examen de ce projet de loi et la modification dont je viens de parler.

La nature même du volontariat associatif, au carrefour du bénévolat et du salariat, reste imprécise. Les explications du ministre pour clarifier son statut sont d'ailleurs parfois contradictoires.

On nous affirme ainsi que le volontariat doit recouvrir une activité à temps plein et que son indemnisation doit permettre au volontaire d'avoir des conditions de vie décentes. Or le montant annoncé de l'indemnité de volontariat serait, aux termes du projet de décret, de 400 euros mensuels, sans que le sort d'éventuels avantages en nature soit clairement fixé. Seront-ils compris dans l'indemnité ? Pourront-ils venir en supplément ? Pourraient-ils même y suppléer ?

Cette question n'est pas neutre, et amène bien à s'interroger sur la nature même du volontariat, qui n'est pas du bénévolat. Activité à temps plein sans pouvoir être qualifiée de travail salarié, le volontariat semble décidément un dispositif bien mal ficelé, sur lequel nous nous posons bien des questions.

Monsieur le ministre, le titre Ier de votre texte nous laisse donc un fort goût d'inachevé. Le mouvement associatif, qui l'a réclamé, et nous-mêmes, qui avons réfléchi sur ce sujet et voulons nous engager plus avant, espérions et espérons encore d'un tel dispositif. Mais, pour cela, il faut de la clarté. Or ce texte suscite de nombreuses interrogations auxquelles aucune réponse n'a été apportée, ni avant ni pendant son examen par le Parlement.

Soyons précis : avec une indemnité de 400 euros par mois, soit un montant inférieur à celui du RMI, il est évident qu'on ne peut vivre décemment. Dès lors, il faut ou bien disposer d'un hébergement gratuit ou bien pouvoir vivre des revenus de son patrimoine, comme je l'ai dit tout à l'heure.

À ces conditions, le volontariat sera réservé à des personnes ayant une certaine aisance financière ou aux femmes au foyer désireuses de s'engager, pour un petit complément de revenu non imposable, dans le semi-bénévolat. Mais ces dernières pourront-elles accepter une mission à temps plein ?

Quant aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, a priori les premiers visés par ce dispositif même s'il ne leur est pas exclusivement réservé, beaucoup d'entre eux sont étudiants. On voit mal comment ils pourraient s'engager dans une mission de volontariat si celle-ci les mobilise nécessairement à plein temps, en contrepartie d'une indemnité inférieure à la rémunération qu'assure un job à temps partiel. Si l'on veut rassembler beaucoup de volontaires, il faut quand même répondre à cette question très concrète.

Ces questions suscitent une autre interrogation chez les élus locaux, que nous représentons, monsieur le ministre. En définitive, le volontariat associatif n'aurait-il pas vocation à se substituer au dispositif des emplois-jeunes, supprimés, pour des raisons purement idéologiques, d'un trait de plume par l'UMP revenue au pouvoir, mais qui permettait de financer de véritables emplois associatifs avec l'aide de l'État ?

Ne s'agirait-il pas, une nouvelle fois, de laisser les collectivités territoriales se débrouiller avec la question du financement des associations ? Et sans même que soit envisagé, ni d'ailleurs évoqué, un transfert de charges de l'État vers les collectivités locales, alors que nous avons bien assisté là à un désengagement de l'État...

Le statut de volontaire associatif, qui reste donc bien fragile au terme de cette deuxième lecture, n'a pas été totalement dénaturé par les députés UMP, comme l'a été le dispositif du titre II, instaurant une dérogation au droit commun du travail en faveur de l'engagement éducatif.

En l'état actuel du texte, nous ne pouvons qu'être totalement opposés au bénéfice de l'ouverture de l'engagement éducatif au secteur marchand. Nous avons tenté d'y remédier, mais vous préférez vous obstiner dans la voie de la précarisation des conditions de travail de plus en plus de salariés, dans de plus en plus de secteurs.

Nous ne pouvons donc cautionner cette nouvelle dérogation au droit commun du travail et à ses garanties fondamentales. Les syndicats du secteur de l'animation socioculturelle et sportive ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ont exigé ensemble, dans une grande unité syndicale, le retrait du dispositif d'engagement éducatif, notamment pour cette raison.

Aujourd'hui, les opérateurs privés de vacances et de loisirs organisés, à but clairement lucratif, vont en effet pouvoir utiliser le contrat d'engagement éducatif en employant des animateurs à qui ils seront désormais en droit d'offrir une rémunération largement inférieure au SMIC.

Par ailleurs, les dispositions issues de l'Assemblée nationale prétendant instaurer davantage de transparence dans le secteur associatif procèdent, en réalité, d'une démarche suspicieuse, ignorante de la réalité du secteur associatif à but non lucratif, déjà soumis à des obligations légales de transparence des comptes, qu'il faut bien entendu confirmer.

Nous nous sommes exprimés longuement sur ces points dans la défense de nos amendements tendant à la suppression de ces dispositions néfastes et inutiles ; je n'y reviens donc pas.

Il est vraiment regrettable que le débat en deuxième lecture sur un sujet aussi important que l'emploi dans le secteur de l'économie sociale et solidaire n'ait pas été davantage ouvert. Il aurait été souhaitable, sur un sujet comme celui-là, d'obtenir un consensus de notre Assemblée. Et c'était possible. Mais tout était ficelé d'avance de par la volonté du Gouvernement de faire adopter ce texte conforme. À quoi sert la navette parlementaire si le droit d'amendement est nié dans les faits ?

Nous avions, en première lecture, fait preuve d'ouverture en nous abstenant sur le projet de loi. Nous ne pouvons en faire autant en deuxième lecture. L'économie du texte a été profondément déséquilibrée par l'Assemblée nationale, qui ne s'est pas bornée à ajouter des éléments inacceptables à nos yeux, mais qui a également supprimé les quelques avancées issues d'amendements que vous-même, monsieur le ministre, aviez acceptés ici en première lecture. Ce mépris, non seulement pour l'opposition et pour notre travail, mais encore pour la chambre où nous siégeons, est absolument inacceptable.

Compte tenu de la politique de l'emploi que mène ce gouvernement, compte tenu du manque d'ouverture de la majorité à l'égard de nos propositions, compte tenu des apports néfastes de l'Assemblée nationale sur le volet de l'engagement éducatif, et vu les nouvelles contraintes pesant dorénavant sur les associations, nous voterons contre ce texte en deuxième lecture.

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