Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 9 mai 2006 à 21h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Article 5 bis

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Cet amendement vise à supprimer l'article 5 bis, introduit par l'Assemblée nationale et qui prévoit que le montant de la rémunération pour copie privée tiendra compte des incidences de l'utilisation effective des mesures techniques de protection sur les usages des consommateurs.

La rémunération pour copie privée a été instituée par la loi de juillet 1985 pour apporter aux auteurs et artistes-interprètes une compensation pour le préjudice que portait à leurs intérêts le développement des pratiques de copie.

Elle est versée par le fabricant ou l'importateur de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé et la commission pour copie privée tient compte du type de support et de la durée d'enregistrement qu'il permet.

Si nous comprenons bien la disposition introduite par l'Assemblée nationale, ses conséquences pour l'exception pour copie privée nous semblent dangereuses.

Premièrement, avec les mesures techniques de protection, on restreint potentiellement l'exercice de l'exception pour copie privée puisqu'un utilisateur ne pourra peut-être plus copier pour son usage personnel et dans le cadre privé un bien légalement acquis.

Dans ce cas, on peut se demander s'il est encore logique de prélever une rémunération pour copie privée sur les supports vierges s'il n'est plus possible techniquement de faire une copie.

Deuxièmement, si l'exercice de l'exception pour copie privée n'est pas devenu impossible du fait des mesures techniques de protection, prévoir dans la loi que le montant de la rémunération pour copie privée dépendra de l'utilisation des mesures techniques nous semble également dangereux.

En effet, cela veut dire qu'à terme le montant de la rémunération pour copie privée sera réduit puisque, avec les mesures techniques de protection, les consommateurs ne pourront plus faire de copie. Logiquement, la rémunération pour copie privée sera de moins en moins alimentée par la redevance sur les supports vierges, qui eux-mêmes, tels les CD ou les cassettes VHS, vont peu à peu disparaître. Ensuite, cette rémunération disparaîtra purement et simplement, faute de pouvoir bénéficier de cette exception.

Il faut bien s'en rendre compte, derrière cette disposition, c'est le financement du secteur culturel qui peut être menacé. En 2005, plus de 160 millions d'euros sont affectés à la rémunération des ayants droit via les sociétés de répartition des droits et la loi prévoit que 25 % de cette somme, soit 40 millions d'euros, sont alloués à des aides à la création artistique, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d'artistes.

Je m'adresse donc aux élus locaux, qui connaissent l'importance des festivals et des manifestations pour la vie culturelle et économique de leur région. Sans ces financements, issus directement de l'exception pour copie privée, ce sont des structures et des festivals qui pourraient être partiellement remis en cause.

Au moment où le spectacle vivant connaît une crise, il me semble dangereux de réduire encore une de ses sources de financement.

L'article 5 bis nous semble menacer la rémunération pour copie privée qui, avec l'utilisation des mesures techniques de protection, peut être amenée à disparaître. Il s'agit donc, en supprimant ce texte, de la sauvegarder.

Cela conduira peut-être aussi à réfléchir dès aujourd'hui aux nouvelles sources sur lesquelles la redevance pour copie privée pourrait être prélevée dans le monde numérique. Plusieurs pistes en ce sens ont déjà été évoquées précédemment.

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