Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis, au Canada, en Inde ou en Australie, les projets de recherche et d’exploitation du gaz de schiste en France semblent se multiplier. En témoignent les trois permis accordés par arrêté du précédent ministre chargé de l’énergie, en date du 1er mars 2010. Cela concerne Montélimar, Villeneuve-de-Berg et, pour le département de l’Aveyron, Nant, au cœur du parc naturel régional des Grands Causses.
Des millions d’euros, dit-on, sont prêts à être investis en faveur de ce qu’il est convenu d’appeler un gaz « non conventionnel ». On le trouve en fracturant hydrologiquement des couches géologiques dans les veines des roches comportant des hydrocarbures et du charbon pour capter le méthane par une série de forages verticaux.
Comme ce fut le cas naguère avec le nucléaire, la concertation a été totalement absente dans cette prise de décision, l’État, une nouvelle fois, ayant décidé seul, sans consulter personne.
Cette décision a été prise quasiment « en catimini ». Les populations, les associations et les élus des territoires concernés n’ont eu connaissance de ces projets que par hasard.
Rien de précis ne leur fut communiqué par les pouvoirs publics quant à l’intérêt économique de ces opérations, aux risques qu’elles peuvent faire courir à l’environnement ou à la dépendance de Total face à son partenaire texan. Cette société américaine est seule capable, semble-t-il, de maîtriser aujourd’hui les techniques d’exploitation du gaz de schiste, avec des règles de sécurité qui ne sont pas les mêmes qu’en France.
Je ne suis pas a priori opposé à toute recherche sur les énergies permettant à la France de réduire sa dépendance énergétique. Mais je dois témoigner de l’inquiétude des populations, des responsables associatifs et des élus du territoire.
Ces élus, en particulier le maire de Nant, M. Bernard Saquet, sont totalement opposés comme moi à une telle exploitation sur leur territoire.
Trois questions se posent, selon moi, légitimement.
Premièrement, quel est l’état des informations encore contradictoires sur les réserves de ces gaz et hydrocarbures coincés dans les roches mères, exploitables et extractibles ?
Deuxièmement, comment va-t-on résoudre le problème environnemental causé par la très importante utilisation d’eau nécessaire à la fracturation desdites roches – 10 000 à 20 000 mètres cubes pour chaque puits ?
Troisièmement, quelles garanties aurons-nous, s’agissant de la sûreté des forages, que le gaz et les solvants chimiques ne remonteront pas dans les nappes phréatiques qui alimentent les réseaux d’eau potable ? Quel sera l’organisme indépendant qui assurera le contrôle ?
Au-delà de l’opacité qui entoure encore cette autorisation d’exploiter le gaz de schiste en Aveyron, il faut savoir qu’elle concerne le territoire du Larzac. Or celui-ci constitue non seulement une réserve naturelle de premier ordre, mais encore une très importante réserve d’eau potable. Cette décision prise par le Gouvernement est en totale contradiction avec nombre de plans, de schémas ou de chartes, élaborés de surcroît en partenariat avec l’État et les autres collectivités territoriales – région, département, commune.
Un énorme travail d’inventaire environnemental a été effectué depuis des années sur ce territoire, plus particulièrement dans les réserves en eau et leur fragilité dans les reliefs karstiques.
S’ajoutent à l’absurdité de cette décision la mise en danger de l’AOC roquefort, la mise en cause de tous les efforts accomplis dans le domaine du tourisme, ainsi que dans celui du patrimoine culturel et naturel entrepris par la région Midi-Pyrénées et le département de l’Aveyron.
Monsieur le secrétaire d'État, en sus des réponses aux trois questions précédentes, pourriez-vous dire également à la représentation nationale où en sont les projets d’exploitation du gaz de schiste en France et, plus particulièrement, dans le sud de l’Aveyron. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Que répond-il à la demande de moratoire formulée par de très nombreuses collectivités, toutes tendances politiques confondues, qui vont du département de l’Aveyron, de l’Hérault, de la région Midi-Pyrénées, à l’Ardèche, et je pourrais en citer bien d’autres encore ? Je vous remercie de bien vouloir m’éclairer sur ce point.