Intervention de Michel Mercier

Réunion du 17 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Michel Mercier, garde des sceaux :

Ce projet de loi vise aussi à enrichir les formations de jugement de la présence de la société civile, car les magistrats bénéficieront du regard neuf de ses représentants. Pour le dire en un mot, cette présence est le gage d’une justice plus proche, moins formelle, plus en prise avec les attentes des Français.

À cet égard, le jeune enseignant poursuit dans ces termes : « Soulever la complexité, pour les gens, de mettre entre parenthèses leur vie professionnelle pour être juré en correctionnelle, ça ne me convainc pas : oui, ça peut être compliqué, mais c’est aussi ça, appartenir à une démocratie. » Il me semble que ce jeune homme explique particulièrement bien l’objet premier de ce projet de loi. Je ne suis pas sûr de faire mieux, mais je m’emploierai malgré tout à vous en communiquer la substantifique moelle.

Cette réforme modifiera forcément les pratiques des magistrats professionnels dans le sens d’une justice plus intelligible pour nos concitoyens. Elle permettra également à ces derniers de mieux appréhender l’office du juge, de se réapproprier les décisions de justice et, ainsi, de rapprocher justice et société civile.

Au sein des tribunaux correctionnels, les citoyens assesseurs participeront, dès la première instance, au jugement des délits qui portent quotidiennement atteinte à la sécurité et à la tranquillité.

Monsieur le rapporteur, par rapport au texte initial du projet de loi, vous avez élargi le champ de compétence des formations comprenant des citoyens assesseurs, afin de lui donner plus de clarté et de cohérence. Ainsi, cette formation sera compétente, dès la première instance, pour tous les délits d’atteinte aux personnes, à leur intégrité physique ou morale, à leur identité ou à leur environnement, sous réserve bien sûr, dans chacun de ces cas, que la peine encourue soit supérieure ou égale à cinq ans, et que ces délits ne relèvent pas de la compétence du tribunal correctionnel siégeant à juge unique.

Cette extension du périmètre de compétence porte, par exemple, sur les infractions relatives à la détention ou à l’enregistrement d’images pédopornographiques, à l’administration de substances nuisibles, à l’abus de faiblesse, au délaissement de mineurs aggravé, au traitement illégal de données à caractère personnel, à l’usurpation d’identité et aux délits d’atteinte à l’environnement punis de plus de cinq ans. Je me réjouis que la logique du projet de loi soit maintenue, voire renforcée du fait de cet élargissement de compétence.

En revanche, les citoyens assesseurs ne participeront pas au jugement des contentieux spécialisés qui, depuis plusieurs années maintenant et en raison de leur particulière technicité, sont confiés à des magistrats spécialisés, rompus aux subtilités juridiques et techniques de ces procédures. Je rappelle que le Gouvernement poursuit ce mouvement de spécialisation des contentieux les plus complexes : le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, qui a été examiné et adopté récemment par la Haute Assemblée, en témoigne.

La composition des formations de jugement, conformément aux exigences constitutionnelles qui imposent une majorité de magistrats professionnels, consistera en un collège de cinq personnes comprenant trois magistrats et deux citoyens assesseurs.

L’unicité de la formation est, j’y insiste, préservée. Il n’y aura pas, d’une part, les magistrats professionnels et, d’autre part, les citoyens assesseurs. Ces cinq personnes auront à juger ensemble, le temps d’une audience, une série d’affaires et chacune d’entre elles aura le même poids lors du délibéré ; plusieurs garanties procédurales sont prévues à cet effet.

Le projet de loi prévoit également la participation des citoyens assesseurs auprès des magistrats du tribunal de l’application des peines et des chambres de l’application des peines pour toutes les décisions modifiant ou aménageant des peines, telles que la libération conditionnelle ou le relèvement de la période de sûreté, dès lors que la peine prononcée est supérieure à cinq ans d’emprisonnement. Il est, en effet, apparu légitime d’associer les citoyens à des décisions qui, pour 80 % d’entre elles, modifient l’exécution de peines prononcées par les cours d’assises, et donc par des formations comprenant des jurés.

La procédure de sélection des citoyens assesseurs repose sur le principe du tirage au sort, à partir des listes préparatoires aux jurys d’assises. Elle est assortie de mécanismes permettant de s’assurer que les citoyens tirés au sort sont aptes à participer à l’acte de juger.

Ces garanties sont renforcées par rapport à celles qui sont exigées pour les jurés. En effet, les citoyens appelés à siéger ne peuvent être récusés en début d’audience, comme c’est le cas pour les jurés d’assises. Ils font partie intégrante de la formation appelée à juger, au même titre que les magistrats.

La commission des lois a utilement simplifié les modalités de désignation des citoyens assesseurs, même si je regrette qu’elle n’ait pas souhaité conserver les garanties d’impartialité et de moralité que nous avions expressément mentionnées, mais je pense que la commission reviendra sur ces deux points ultérieurement.

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