Intervention de Alain Anziani

Réunion du 17 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Aujourd’hui, bien entendu, vous souhaitez les cuisiner à votre façon : en les réduisant. Pour cela, vous mettez en place des peines planchers ou, en matière d’immigration, des mesures administratives.

Je le sais bien, monsieur le garde des sceaux, vous allez nous assurer que cette réforme a un autre objet, à savoir rapprocher la justice des citoyens. Mais, sincèrement, comme le faisait remarquer Jean-Pierre Michel, voyez l’intitulé de votre texte : « Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale […] ». Qu’est-ce que cela signifie, littéralement ? Que les magistrats ne sont pas eux-mêmes des citoyens ! Cette formulation pour le moins maladroite explique précisément la méfiance suscitée par ce texte.

D’ailleurs, de quelle justice pénale nous parlez-vous ? En fait, vous scindez la justice en deux : d’un côté, il y aura la justice qui traitera des délits portant « une atteinte particulièrement grave à la cohésion sociale du pays », à savoir les violences, les vols avec violence, les violences conjugales habituelles, les agressions sexuelles, les atteintes à l’environnement, l’usurpation d’identité ; d’un autre côté, il y aura une autre justice, celle qui traitera des affaires de corruption, des délits d’initiés, des infractions économiques, des scandales financiers ou du monde des affaires, autant d’infractions qui, si l’on en croit votre raisonnement, ne menaceraient pas la cohésion sociale de notre pays et dont le jugement ne requerrait pas la présence du peuple.

Je ne suis pas sûr que les citoyens dont vous voulez nous rapprocher s’y retrouvent.

En réalité, vous voulez encadrer les magistrats, que vous jugez trop laxistes, par des citoyens, que vous espérez plus sévères.

La conséquence est immédiate : vous limitez le pouvoir du juge, qu’il s’agisse de celui de prononcer des peines, celui d’accorder des libérations conditionnelles ou celui de juger des mineurs.

Sur ces deux derniers points, vous proposez qu’un citoyen chasse l’autre. C’est quelque peu paradoxal.

En matière d’application des peines, l’assesseur citoyen assistera désormais les magistrats. En appel, il remplacera le représentant de l’association d’aide aux victimes et le représentant de l’association de réinsertion, qui interviennent déjà. Dans une matière aussi complexe, quel est l’intérêt de remplacer un citoyen qualifié, reconnu pour sa compétence et son intérêt pour la justice par quelqu’un qui, au fond, n’aura ni cette expérience, ni cette compétence, ni cet intérêt ? Nous n’en voyons qu’un : rendre plus difficiles les libérations conditionnelles.

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