Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 17 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

La vérité est douloureuse et ressortit à une responsabilité collective : en matière de budget public alloué au système judiciaire, la France se classe maintenant au trente-septième rang sur quarante-trois pays, derrière l’Azerbaïdjan. Le budget total annuel alloué aux services judiciaires n’a augmenté, dans notre pays, que de 0, 8 % entre 2006 et 2008, alors que la moyenne européenne est de plus de 17 %.

Quelle thérapie utilisez-vous pour traiter ce vrai problème ? Une inflation législative et réglementaire inégalée, axée sur des faits divers médiatisés.

La vérité, c’est que le Gouvernement submerge le Parlement de projets de loi pour modifier plusieurs fois par an notre législation pénale, créant lui-même l’insécurité juridique et, souvent, la contradiction, si ce n’est parfois l’incohérence. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de se reporter aux déclarations successives faites par vos prédécesseurs à cette même tribune depuis trois ans, l’arlésienne du nouveau code de procédure pénale n’étant qu’une péripétie parmi d’autres…

Suite à votre demande, monsieur le ministre, relative à l’affaire de Pornic, le 21 mars 2011, le Conseil supérieur de la magistrature vous adressait un avis dans lequel il notait l’accumulation de rapports divers depuis 2002, insistant sur le fait que « la majorité des recommandations proposées n’a pas été suivie d’effets ». Avec un certain humour, il recommandait qu’« une mission de suivi des propositions soit instituée », ajoutant que « la lutte efficace contre la récidive nécessite une stabilité législative ». Enfin, il insistait sur l’insuffisance des moyens matériels.

Stabilité législative, renforcement des moyens humains et matériels : c’est strictement l’inverse de votre politique !

Votre définition des objectifs officiellement visés est lapidaire : « Le projet de loi entend renforcer la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. La cohésion sociale et le respect du pacte républicain ne pourront qu’en être renforcés. »

Au-delà de sa lourdeur grammaticale, le message n’est que médiatique, visant les délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population, et les décisions relatives à l’application des peines.

Soyons directs : le pays a-t-il connu un quelconque mouvement de citoyens manifestant pour la création de citoyens assesseurs ? Avons-nous été submergés de pétitions en ce sens ? Un seul syndicat de magistrats ou de membres des forces de l’ordre, un seul organisme représentatif des avocats a-t-il émis cette proposition, qui n’est pas davantage issue des travaux des assemblées ? Même le Conseil national des barreaux, le 14 mai, a demandé le report de ce projet et la mise en place d’une concertation.

Monsieur le rapporteur, vous avez auditionné en urgence et dans la solitude vingt-six personnes hors ministère. Quelle est la synthèse de leurs opinions ? Vous avez en effet indiqué dans votre rapport, à propos des jurés, que « leur présence dès le stade du tribunal correctionnel pose problème ».

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