L’article 6 est la transposition pour Radio France des dispositions de l’article 5 concernant France Télévisions. Il est donc aussi scandaleux que l’article qui le précède et il se justifie aussi peu. Par conséquent, nous souhaitons vivement sa suppression.
Le paysage audiovisuel public que nous préparent les articles 5 à 9 est triste et accablant : un audiovisuel public affaibli financièrement et, de ce fait, insularisé culturellement, en même temps que rendu dépendant du pouvoir exécutif.
De ce pouvoir exécutif dépendront les instances dirigeantes de la télévision publique, de la radio publique et de l’audiovisuel extérieur.
C’est un bien vaste territoire sur lequel le Président de la République souhaite avoir la mainmise.
Si l’on met ces éléments en parallèle avec le fait que le dirigeant du plus gros groupe audiovisuel français est un ami proche de ce même président, il est permis de s’inquiéter pour l’avenir.
De telles craintes sont justifiées par l’article dont nous discutons. Rien, absolument rien ne motivait la transformation du mode de nomination du président d’une société nationale dont le fonctionnement est, à l’heure actuelle, très satisfaisant. Rien, dans la lettre de mission de M. Sarkozy à M. Copé de février 2008, n’a de rapport avec de telles dispositions. Aucun des objectifs affichés pour cette réforme ne permet de comprendre ces mesures, qui sont en fait des cavaliers législatifs, si l’on admet qu’il s’agissait au départ de « soustraire la télévision à l’emprise de l’audimat ».
On connaît l’argument répété à l’envi par le Président de la République et ses partisans dans cette affaire : le CSA est la main de l’exécutif, il est hypocrite de prétendre le contraire ; soyons transparents et laissons donc l’exécutif nommer lui-même le président de France Télévisions ! Voilà un sophisme parfait, qui pourra entrer dans les manuels de rhétorique et rendre songeurs les futurs étudiants de Sciences Po.
La radio publique française se porte bien, les programmes qu’elle produit sont exemplaires en termes de diversité culturelle et de pluralisme politique : France Inter, France Info, France Bleue, France Musique et France Culture remplissent remarquablement leurs missions de service public et leur rôle, essentiel pour la démocratie, de médias indépendants.
Le spectre d’une nomination du PDG par le Président de la République viendrait sans aucun doute mettre à mal cette indépendance.
Nous parlons aujourd’hui de secteurs particuliers : les sociétés de télévision et de radio, notamment publiques, produisent de l’imaginaire collectif, du lien social, de l’espace de débat démocratique. De ce point de vue, elles sont fondamentalement différentes des sociétés qui gèrent des aiguillages ou des pistes d’atterrissage ; il n’y a, dans mes propos, aucun mépris à l’égard de ces sociétés. L’indépendance des sociétés de télévision et de radio est vitale pour la démocratie ; il faut la protéger farouchement.
C’est là une question essentielle à laquelle chaque parlementaire doit réfléchir en son âme et conscience, une question qui ne peut souffrir une fausse conception de la loyauté, car la première des loyautés d’un parlementaire doit être dirigée vers les citoyens qui l’ont élu. Il est impossible, en la matière, de se retrancher derrière un quelconque mot d’ordre ou une consigne de vote.
C’est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement de suppression de l’article 6.