Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, en tant que rapporteur du titre VI relatif à la gouvernance, j’ai eu l’occasion de me pencher sur des sujets très divers, aussi essentiels que la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, la réforme des études d’impact et des enquêtes publiques, ou encore la réforme des conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux.
Plusieurs questions importantes restaient en suspens avant la commission mixte paritaire. Un travail approfondi et sérieux avec mon homologue de l’Assemblée nationale, M. Bertrand Pancher, a permis de dégager des solutions tout à fait satisfaisantes, dans un esprit de conciliation remarquable, qui va certainement se poursuivre.
J’évoquerai, tout d’abord, les dispositions relatives aux entreprises et à la consommation.
Nous avons essayé, dans la mesure du possible, de préserver la compétitivité du secteur privé tout en le soumettant à de nouvelles obligations, nécessaires pour assurer la transition environnementale de notre société.
La commission mixte paritaire s’est ainsi prononcée à l’unanimité en faveur d’une extension aux souscripteurs de l’information relative à la prise en compte de critères sociaux, environnementaux et de gouvernance dans la politique d’investissement des gestionnaires d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les OPCVM.
S’agissant ensuite des obligations en matière de, nous avons souhaité que le rapport annuel des entreprises comprenne non seulement des informations sur la manière dont celles-ci prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités, mais également leurs engagements en faveur du développement durable.
À ce sujet, sur l’initiative de mon homologue député Bertrand Pancher, la commission mixte paritaire a décidé de permettre aux institutions représentatives du personnel et aux syndicats de présenter leur avis sur les démarches de responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises.
En outre, le Gouvernement devra présenter tous les trois ans au Parlement un rapport portant notamment sur les actions qu’il promeut en France, en Europe et à l’échelon international pour encourager la responsabilité sociétale des entreprises.
Le sujet de la responsabilité des sociétés mères pour le compte de leurs filiales a été très largement débattu. Depuis l’examen en première lecture de ce texte, j’ai personnellement souhaité revenir à la rédaction du Sénat, pour laquelle je m’étais beaucoup engagé. J’ai été rejoint en cela par la commission mixte paritaire unanime.
En effet, les modifications introduites en séance publique à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, réduisaient excessivement les possibilités de saisine du juge. Surtout, elles encadraient trop strictement la notion de faute commise par la société mère, en la subordonnant à l’existence d’un caractère intentionnel. Sur ce point, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous avons souhaité, à l’unanimité, revenir à la notion de « faute commise par la société mère qui a contribué à l’insuffisance d’actif de la filiale ».
Imaginez la position d’un directeur de filiale auquel on a coupé les vivres ! Quelles décisions croyez-vous qu’il prendra, lui qui a des comptes à rendre à sa société mère sur les résultats de la filiale qu’il dirige ? Il privilégiera tout simplement la production au détriment, notamment, de la sécurité et de l’environnement. C’est humainement compréhensible !
Il revient donc au législateur de prendre ses responsabilités. Le Sénat avait, dans sa grande sagesse, bâti un texte parfaitement équilibré. Il avait l’intention de discuter avec les représentants du MEDEF afin de parvenir à un compromis aussi cohérent que possible, qui permette à notre pays de poursuivre son développement. La croissance, nous le savons, est nécessaire, mais il est également nécessaire que les sociétés mères prennent un véritable engagement moral, au-delà de la seule gestion, d’assumer leurs responsabilités en matière environnementale. Dans le golfe du Mexique, est-ce une filiale ou la société mère British Petroleum qui a réalisé les forages offshore ? Personne ne le sait, mais si la rédaction du Sénat rétablie par la commission mixte paritaire n’est pas adoptée, demain il sera inutile de se poser la question : dans notre pays, ce seront toujours des filiales qui seront mises en cause, et plus jamais des sociétés mères !
Telle est la responsabilité qui nous incombe aujourd’hui : si nous nous dotons d’un tel arsenal législatif, nous éviterons que ne se répètent des épisodes aussi malheureux que la liquidation de Metaleurop, et nous protégerons ainsi la collectivité publique, qui doit trop souvent intervenir en dernier ressort pour pallier les défaillances des sociétés mères. Aujourd’hui, dans le seul département de la Somme, nous avons quatre ou cinq dossiers extrêmement épineux à traiter. Nous avons d’ailleurs beaucoup de mal à obtenir que l’État débloque les fonds nécessaires pour les régler, car c’est bien le contribuable qui va payer !
J’en viens maintenant aux dispositions relatives à la réforme des études d’impact et des enquêtes publiques.
En la matière, je dois avouer que les modifications apportées lors de l’examen du texte par les députés étaient toutes bienvenues, à l’exception de l’introduction de l’article 94 quinquies.
Cet article, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale en commission, posait initialement l’obligation, pour toutes les personnes publiques, de faire participer le public avant la prise de décisions réglementaires ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Peut-être est-il nécessaire de prévoir une consultation du public avant la prise d’un règlement dans le domaine de la gestion des déchets ou de l’assainissement, mais il me semble en tout état de cause difficile de le faire sans avoir consulté les instances représentatives des collectivités territoriales.
Cette nouvelle sujétion concernait donc les collectivités territoriales et leurs établissements publics, alors même que le Sénat n’avait pas eu l’occasion d’examiner en séance publique cette disposition, pourtant potentiellement lourde de contraintes administratives supplémentaires. En outre, les associations d’élus locaux n’avaient pas été consultées pour mesurer l’impact de cette mesure.
Dès lors, la commission mixte paritaire a décidé de ne retenir que les dispositions concernant l’État et ses établissements publics et de réserver l’examen des mesures concernant les collectivités territoriales à la discussion d’un autre texte, qui pourrait prendre la forme d’une proposition de loi.
Il est évident que la Charte de l’environnement, en particulier son article 7, doit trouver une traduction législative, mais pas dans l’urgence, « à la hussarde », sans consulter le Sénat, qui est pourtant, selon les termes mêmes de notre Constitution, le représentant privilégié des collectivités territoriales.
Information du public, reporting social et environnemental, responsabilité des sociétés mères : sur tous ces sujets, la commission mixte paritaire a élaboré des compromis à la fois ambitieux et réalistes, afin que la dynamique du Grenelle de l’environnement demeure féconde et transforme en profondeur, mais intelligemment, nos habitudes et nos modes de vie.