Intervention de Paul Raoult

Réunion du 28 juin 2010 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme d’un processus de près de trois ans, pour adopter définitivement la dernière version du Grenelle II, issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Au fil de ce très long parcours, nous avons beaucoup discuté, beaucoup amendé. Par conséquent, quelle n’a pas été ma surprise de voir la commission mixte paritaire sortir de son chapeau un certain nombre d’amendements qui n’avaient même pas été débattus dans les deux assemblées…

Ainsi va le processus législatif dans notre pays : quatorze parlementaires ont toute latitude pour présenter in extremis des amendements tendant à raboter le texte élaboré par les chambres du Parlement. Il est très décevant que notre travail soit ainsi remis en cause à la dernière minute.

Cela étant dit, je voudrais maintenant rappeler, car je ne suis pas persuadé que tous les membres de la majorité en soient réellement convaincus, que la biodiversité est une dimension essentielle du vivant, un enjeu vital pour les sociétés humaines, pour les biens et services qu’elles procurent. Elle est importante pour la qualité de l’eau et de l’air, la régulation du climat, la pollinisation, la régénération de la fertilité des sols et tous biens primaires nécessaires à l’agriculture et à l’industrie.

Or on sait bien que la biodiversité s’effondre aujourd’hui, dans le monde comme en France, et que c’est l’équilibre écologique dans son ensemble qui est en jeu. La majorité des espèces animales et végétales sont concernées. La disparition de la biodiversité constitue, avec le réchauffement climatique, la plus grande problématique actuelle : 40 % de l’économie dépend de la biodiversité. Mais, en France métropolitaine, une espèce d’oiseaux sur quatre, une espèce d’amphibiens ou de reptiles sur cinq, une espèce de mammifères sur dix risquent de disparaître.

La démarche du Grenelle, qui a permis d’associer toutes les parties prenantes, était et demeure positive et novatrice. C’est dans cet esprit que nous avions voté à l’unanimité le Grenelle I.

Cependant, la prolongation des discussions pendant des mois a peut-être retardé à l’excès la prise de décisions, tandis que les catastrophes écologiques s’accumulaient : de la Vendée au Var, il ne manque pas d’exemples qui montrent l’urgence d’agir pour protéger l’environnement.

Pourtant, les travaux de la commission mixte paritaire m’ont semblé marqués par la frilosité et la crispation, en raison des pressions exercées par des acteurs économiques plus ou moins bien intentionnés.

J’ai du mal à croire que le bon état des eaux pourra être obtenu d’ici à 2015 ! Jusqu’à présent, les résultats restent décevants en matière de concentration en nitrates et de pollution par les produits phytosanitaires.

Avec la trame verte et bleue, nous disposons aujourd'hui d’outils pour sauvegarder la biodiversité, mais encore faudrait-il que nous disposions aussi des moyens de les financer et de la capacité de renforcer les connaissances nécessaires à l’identification et à la gestion de la diversité biologique des territoires concernés.

Il serait certainement possible, et la discussion a d’ailleurs déjà été engagée, d’introduire un critère d’éco-conditionnalité dans la fixation de la dotation globale de fonctionnement.

En outre, pourquoi accepter que des exploitations ayant reçu le label HVE puissent cultiver des OGM ? Pourquoi avoir diminué le degré d’opposabilité de la trame verte et bleue aux documents d’urbanisme ? On sait très bien en effet qu’en se bornant à la notion de « prise en compte », on a fortement affaibli le texte, en particulier en ce qui concerne les infrastructures linéaires de l’État. En commission mixte paritaire, une petite majorité de sénateurs et de députés a cru bon de remettre en cause, à la dernière minute, l’équilibre politique qui avait été patiemment négocié pendant des mois…

Voilà ce qui suscite aujourd'hui ma déception.

Il faut continuer à engager des campagnes pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques agricoles, mais il me semble que nous devons légiférer avec plus de force pour accélérer le mouvement. S’agissant de l’abandon de l’usage de certains produits phytosanitaires, la formulation retenue dans le projet de loi me paraît bien laxiste.

De même, il nous faut continuer à valoriser les déchets verts et à faire des économies d’énergie. Je constate que, dans de nombreux départements ou régions, des efforts en ce sens sont d’ores et déjà consentis, que l’État doit soutenir.

Par ailleurs, dans un avenir rapproché, un organisme intergouvernemental d’experts en biodiversité, sur le modèle du GIEC, le groupe international d’experts sur l’évolution du climat, devra être créé.

Le développement d’un système de paiement des services environnementaux est aussi une idée importante, qui doit faire son chemin. Cela permettrait que les agriculteurs cessent de ne voir dans l’écologie qu’une entrave à leur productivité. Il faut raisonner sur le long terme et admettre que les agriculteurs qui acceptent de diminuer leur productivité, d’utiliser moins d’engrais et de produits phytosanitaires doivent être rétribués en contrepartie du service environnemental qu’ils rendent, en particulier si leur exploitation se situe sur les territoires d’alimentation de champs captants.

Il est donc indispensable de reconnaître les services rendus à la nature et à la société et de leur donner un prix : notre responsabilité politique est en jeu, et nous devons partager cette conviction profonde avec les forces vives de notre pays.

Nous continuons à exercer une trop forte pression sur l’environnement, mais nous disposons aujourd'hui d’une boîte à outils : il nous faut définir des objectifs ambitieux et concrets, accompagnés de moyens financiers qui soient à la hauteur des enjeux.

S’agissant maintenant de l’éolien, …

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