Vous avez donc accepté un obstacle supplémentaire au retrait des pesticides dangereux de nos pratiques agricoles, ce dont s’est réjouie bruyamment la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
Sans doute y avait-il moins de fées rassemblées au-dessus du berceau du bisphénol A et le sacrifice était-il moins douloureux que pour certaines molécules utilisées en agriculture. Mais, sur ce dossier comme sur ceux des phtalates contenus dans les jouets, des éthers de glycol présents dans les peintures ou de l’insecticide Gaucho utilisé en agriculture, il faut remercier et féliciter de leur action les lanceurs d’alertes associatifs et les chercheurs indépendants. Mesdames les secrétaires d’État, comment se fait-il que ces alertes ne viennent jamais des services ad hoc de nos administrations ? Une partie de la réponse est sans doute dans la question…
J’en viens aux énergies renouvelables.
On a vu des cohortes de défenseurs presque fanatiques de l’énergie nucléaire lancer de rudes attaques contre l’éolien. Les pires amendements n’ont pu aboutir à l’Assemblée nationale, mais certaines dispositions inacceptables demeurent, qui constituent des freins très sérieux au développement de cette filière. Celle-ci ne suffira pas, évidemment, à répondre au défi du changement climatique. Néanmoins, elle n’est pas dépourvue d’intérêt, ne serait-ce qu’au regard du potentiel de création d’emplois non délocalisables qu’elle recèle.
Le projet de loi prévoit que les éoliennes ne pourront être installées à moins de 500 mètres des habitations. Or, fixer une distance unique, applicable sur tout le territoire national, ne permet pas de tenir compte de la morphologie des lieux ni des conditions locales. De fait, selon les territoires concernés, une distance de 500 mètres pourra être soit excessive, soit insuffisante.
La majorité présidentielle sonne ainsi le glas du petit et du moyen éolien, celui qui aurait pu être porté par les coopératives communales, des sociétés d’économie mixte pouvant construire des éoliennes en accord avec les agriculteurs, les petits artisans et les communautés de communes.
Bien que le Gouvernement ait prévu d’écarter le nucléaire des débats du Grenelle, il a pourtant décidé d’introduire cette question à l’article 94 quater, en permettant d’accroître de façon significative des rejets radioactifs si cela ne résulte pas d’une « modification notable » d’une installation ou de son exploitation ! À lui seul, cet article scandaleux devrait suffire à vous convaincre qu’aucune voix écologiste ne saurait soutenir ce projet de loi ! On mesure le soulagement des gestionnaires du site de La Hague, en butte depuis des années à la colère des gouvernements irlandais et anglais, qui savent isoler dans les eaux de l’océan Atlantique et de la mer du Nord les rejets radioactifs de notre usine de retraitement.
Cette référence au nucléaire me permet de resituer dans un contexte plus global la question de la cohérence générale non écologique de l’action gouvernementale.
L’autosatisfaction n’est pas de mise, la méthode Coué ne suffit pas ! Au moment même où l’on nous présente la dernière mouture du projet de loi Grenelle II, le Gouvernement vient de signer la déclaration d’utilité publique de la ligne haute tension Cotentin-Maine, utilité pourtant plus que contestée ! Il nous prépare en outre un projet de loi réorganisant le marché de l’électricité qui ouvre le secteur du nucléaire à la concurrence, ainsi qu’un projet de loi de modernisation de l’agriculture qui ne modifie en rien notre modèle agricole !
Mesdames les secrétaires d’État, le ministre chargé de l’environnement connaît, quel que soit le gouvernement, de très grands moments de solitude face aux habitudes, aux hésitations, aux clientèles, aux raisonnements à courte vue, aux lobbies et aux préjugés. Je pensais que les temps avaient un peu changé, que les esprits avaient évolué, mais la réalité est assez dure : la situation écologique se dégrade bien plus vite que les esprits n’avancent et que la législation ne progresse.
Vous comprendrez que nous ne fassions pas nôtres les conclusions de la CMP. Nous voterons donc contre elles, en attendant avec impatience le Grenelle III, que Mme Jouanno elle-même appelle de ses vœux, à très juste titre !