Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 29 septembre 2009 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Article 27, amendement 383

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Vous le savez, nous sommes, et nous l’avons toujours été, en total désaccord avec le marché européen des droits à polluer, qui n’a pas prouvé à ce jour son efficacité.

Jeudi dernier, lors de l’audition des ministres au sujet de la taxe carbone, nombreux sont ceux qui ont exprimé leurs interrogations quant à l’efficacité de ce système

Tout d’abord, ils se sont interrogés sur la lenteur de l’évolution de ce mécanisme pour qu’il devienne une réelle contrainte pour les entreprises – les quotas restent gratuits jusqu’en 2013 –, alors que, partout dans les discours, on nous parle de l’urgence de changer nos comportements.

Les interrogations ont ensuite porté sur les risques de fraudes et de spéculations, dont les ministres se sont eux-mêmes fait l’écho.

L’idée d’une régulation puissante au niveau européen, voire mondial, puisque ce marché est voué, à terme, à dépasser les limites de l’Union européenne, a été évoquée. Mais les piétinements de la négociation internationale s’agissant de la gouvernance des marchés ne sont vraiment pas là pour nous rassurer.

De plus, des incertitudes demeurent quant à l’efficacité de ce marché en période de ralentissement de l’activité économique. Peut-être est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle le rapport de la mission Climat de la Caisse des dépôts et consignations sur le fonctionnement du marché européen des crédits d’émission, qui était prévu pour début 2009, n’a toujours pas été rendu.

La crise économique aurait justement dû mettre un terme aux illusions de la régulation par le jeu de l’offre et de la demande, tant elle a démontré les dangers d’une sophistication financière et spéculative.

Le marché européen des crédits d’émissions était une expérience : la mise en pratique d’un modèle théorique à une échelle significative. Or nous ne croyons pas que ce marché sera efficace pour entraîner une transition rapide des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre vers des modes de production décarbonés.

Nous devrions pouvoir, au niveau national et/ou européen, bénéficier d’une gouvernance forte et responsable, capable d’imposer les mesures nécessaires face à une situation d’urgence et d’une gravité sans précédent.

À l’inverse – et ce constat est symptomatique de l’affaiblissement de l’État face aux entreprises –, plutôt que des objectifs contraignants de réduction ou une taxe sur leurs activités émettrices de gaz à effet de serre, les entreprises ont obtenu le droit de spéculer sur le prix de la tonne de carbone… en se voyant accorder des crédits d’émissions gratuits jusqu’en 2013 !

De plus, comble de l’injustice, on nous demande aujourd’hui de taxer les individus, alors que l’on a proposé cette solution aux entreprises les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre.

En effet, la taxe carbone, dans son projet actuel, vise les consommations d’énergie, mais exempte les industries de production d’électricité et l’ensemble des installations soumises au système européen de quotas de CO2 pour leur éviter une prétendue « double peine ».

Le résultat de ce système, contraire à la logique, est que l’on soumet les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre aux obligations les moins contraignantes, et que la fiscalité carbone pèsera essentiellement sur les consommateurs d’énergie finale, sans nullement réorienter en amont les modes de production de l’énergie.

Nous préconisons donc l’arrêt de cette « usine à gaz » que représente le marché du carbone et l’élargissement de la taxe carbone aux secteurs les plus fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

Nous refusons la marchandisation des droits à polluer, qui n’est qu’une adaptation à nos préoccupations modernes du principe des indulgences. Jusqu’où ira ce marché de dupes ? Jusqu’où pouvons-nous accepter que la responsabilité s’achète, ou pire, se négocie, devienne une valeur sur laquelle on puisse spéculer ?

Par lucidité, car nous pensons que ce système n’est pas efficace, mais aussi par éthique, nous demandons donc l’abrogation du marché européen des crédits d’émissions et de la qualité de biens meubles négociables pour les certificats de réduction d’émissions.

Vous voudrez bien considérer, monsieur le président, que j’ai également défendu l’amendement n° 383.

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