Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 7 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Outre-mer

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

Monsieur le ministre, tout d'abord, je tiens à vous remercier. En effet, dès votre arrivée au ministère, vous avez rassuré les populations d'outre-mer, renoué le dialogue avec toutes les forces vives et redonné espoir à nos habitants, en préservant la loi de programme. En six mois, avec le Président de la République - dont je tiens à souligner l'engagement à nos côtés - et le ministre de l'agriculture, vous avez réussi à sauver le secteur sucrier des départements d'outre-mer. Ce n'était pas une mince affaire !

À de bons ouvriers on donne de lourdes tâches : permettez-moi donc d'énumérer quelques-uns des défis qu'il nous faut relever pour l'avenir si nous voulons continuer à nous développer.

Le développement à partir de la décentralisation n'est pas seulement votre affaire. C'est celle du Parlement, du Gouvernement, des collectivités locales.

Mais le développement ne va pas naître aujourd'hui parce que j'aurai prononcé quelques mots à cette tribune ! Le développement est une oeuvre de longue haleine, que d'autres avant nous ont engagée et que nous conduisons aujourd'hui avec succès - et parfois aussi avec difficulté - outre-mer.

Parmi les verrous susceptibles de freiner ce développement, on relève d'abord l'insuffisance du nombre de cadres formés outre-mer. Quand 30 % de jeunes quittent le collège sans diplôme ni formation, c'est du gâchis. Or, à l'université de la Réunion, on trouve 5 000 jeunes en première année, 2 000 jeunes en deuxième année, 1 000 jeunes ensuite, et 200 doctorants. On a ainsi broyé l'avenir de milliers de jeunes avec l'argent public, en les livrant ensuite à l'inactivité.

L'intégration sociale de notre jeunesse, soit dans la fonction publique soit dans le domaine de l'activité marchande, est donc le premier grand chantier qu'il faut ouvrir. A cet égard, monsieur le ministre, d'autres collègues de la Réunion et moi-même vous présenterons un rapport, élaboré en accord avec le monde universitaire et le secteur éducatif de l'île. Nous proposerons la mise en place de classes préparatoires à l'entrée à l'université. En effet, les bacheliers qui sortent du système scolaire ne savent pas où aller, et cette incertitude entraîne souvent l'échec.

Par ailleurs, le Gouvernement va bientôt proposer l'entrée en apprentissage à partir de quatorze ans. Cela fait vingt ans que nous plaidons - ma collègue Lucette Michaux-Chevry peut en témoigner - pour la mise en place du collège de la vocation. L'artisanat ou l'enseignement technique ne doivent pas être la sanction d'un échec, mais le point de départ choisi d'un parcours d'intégration dans la vie. Les classes diversifiées à partir de la quatrième doivent se généraliser et, si vous cherchez un terrain d'expérimentation, venez à la Réunion : nous avons commencé à l'expérimenter. Puisque la loi de décentralisation le permet, venez le faire sur place !

Le deuxième grand chantier concerne le logement.

Mon collègue Jacques Gillot vient de le dire, nous ne comprenons pas que, alors que vient d'être votée la loi portant engagement national pour le logement en France - et vous savez à quel point nous sommes français, outre-mer -, il n'y ait pas un engagement national pour le logement outre-mer.

C'est la raison pour laquelle, puisque vous nous avez dit que le logement relevait de la LBU du ministère de l'outre-mer, je vous demande, monsieur le ministre, de sanctuariser, comme l'amendement qui a été voté sur ce sujet le permet, les crédits de la LBU. Au moins, ils ne seront plus rabotés par Bercy !

Mettons en place une programmation pluriannuelle de ces crédits et réglons quelques problèmes qui, actuellement, nous empoisonnent la vie, comme le forfait logement, par exemple, qui est inférieur d'au moins 40 % outre-mer, ce qui paralyse la gestion du logement social.

Je terminerai mon intervention en évoquant le plus pernicieux des cancers qui rongent la société d'outre-mer, celui des monopoles coloniaux.

Monsieur le ministre, vous êtes un homme de dialogue, un homme serein, mais aussi un homme de conviction et déterminé. C'est aussi notre cas !

Deux grands flux de solidarité parcourent l'outre-mer : la solidarité nationale avec l'égalité sociale, la solidarité européenne au service du développement. Mais ce sont toujours les mêmes qui empochent les profits ! Si le coût de la vie à la Réunion, d'après l'association Que choisir, est supérieur de 57 % à celui de la métropole, ...

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