Intervention de Gaston Flosse

Réunion du 7 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Outre-mer

Photo de Gaston FlosseGaston Flosse :

Monsieur le ministre, votre budget, d'un montant de 1, 898 milliard d'euros pour la mission « Outre-mer », marque le passage à l'application pleine et entière de la loi organique du 1er août 2001.

Cette mission ne retrace toutefois pas la totalité de l'effort budgétaire consenti en faveur de l'outre-mer, puisque celui-ci atteint, cette année, 11 milliards d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport à 2005.

Le rappel de ces chiffres me permet de saluer une nouvelle fois la dynamique de solidarité et d'aide au développement de l'outre-mer voulue par le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre.

Cette dynamique se traduit notamment, pour la Polynésie française, par le transfert de 151 millions d'euros de crédits de paiement en faveur de la dotation globale de développement économique de notre pays et de 57 millions d'euros gérés jusque-là par le ministère de la santé et finançant diverses actions de santé et de protection sociale.

Permettez-moi d'aborder maintenant une question qui, je le sais, intéresse le maire que vous êtes : le fonctionnement des communes polynésiennes.

Les responsabilités de ces dernières, encore très jeunes pour la plupart, se développent, mais leurs moyens humains et financiers ne sont pas à la hauteur des attentes des populations.

Alors qu'est mise en oeuvre la loi organique de février 2004 qui a transféré aux communes des charges nouvelles importantes, telles que le traitement des déchets et celui des eaux usées, et que la très importante réforme de la fonction publique communale approche de sa mise en application, il est impératif de doter les communes de moyens financiers adéquats.

Ceux-ci proviennent, pour partie, des dotations de l'État et, pour l'essentiel, de l'affectation d'une partie des recettes fiscales du pays par l'intermédiaire du Fonds intercommunal de péréquation, le FIP. Mais ces moyens sont malheureusement insuffisants, particulièrement pour les communes des archipels dépourvues de ressources propres. Sans la participation complémentaire de la délégation au développement des communes, que j'avais instaurée pour financer les projets d'équipement, ces derniers seraient inexistants.

Pour répondre à ces besoins financiers, le président Temaru a pris l'engagement, à plusieurs reprises, d'augmenter de 2 % la participation du pays au FIP. L'assemblée de la Polynésie française a voté à l'unanimité cette augmentation, le 23 mars dernier.

Vous avez préparé un projet de décret portant de 15 % à 17 % le niveau de prélèvement sur les recettes fiscales du budget polynésien au bénéfice du FIP. Le ministre des finances du gouvernement de la Polynésie française avait confirmé que cette augmentation du prélèvement serait inscrite au budget de 2006.

Or, malgré toutes ces promesses, réitérées le 9 mai dernier dans le discours qu'il a prononcé lors du congrès des maires de Polynésie française, le président Temaru vient de donner un avis défavorable à votre projet de décret. Il est vrai que ce manquement à la parole donnée lui est habituel !

C'est pourquoi je vous demande d'accorder aux communes cette augmentation du FIP. On ne peut jouer avec le destin des communes et de leur population de cette manière !

Dans la loi d'orientation de 1994, nous avions obtenu que l'État finance deux points du FIP. Il est temps, monsieur le ministre, de prévoir une nouvelle participation de l'État, de deux autres points supplémentaires.

Je suis en effet convaincu que l'avenir de la Polynésie française passe par la modernisation de ses quarante-huit communes, qui sont les mieux à même d'adapter à la base l'organisation de la vie collective. II faut impérativement aider nos communes !

Je souhaite maintenant vous livrer quelques réflexions sur le projet de loi d'orientation.

Monsieur le ministre, je suis opposé à ce projet en l'état actuel des choses, c'est-à-dire tant que le président Temaru n'aura pas arrêté pour le pays une politique claire et précise, car à ce jour aucune direction, aucun axe n'ont été donnés à l'action du pouvoir en place.

J'y suis également opposé tant que le président Temaru réclamera à cor et à cri l'indépendance de la Polynésie française.

Ce qui est grave, c'est que M. Temaru a trompé les électeurs polynésiens, à qui il a affirmé tout au long de sa campagne électorale de 2004-2005 que l'indépendance de la Polynésie n'était pas à l'ordre du jour et ne le serait pas avant quinze ans ou vingt ans. Or, depuis son accession au pouvoir en mai 2004, il ne cesse de clamer haut et fort son désir d'indépendance.

Ainsi, le 7 août 2004, lors du sommet du Forum d'Apia, il a dit, parlant de la Polynésie française : « J'ai honte de ce nom-là. »

De même, le 3 mars 2005, sur Europe 1, il déclarait : « Je suis indépendantiste, et fier de l'être. »

Le 1er août 2005, sur RFO, de retour du Vanuatu, il a affirmé : « Je serai le premier président de la Polynésie indépendante, si Dieu le veut. »

Je terminerai par une dernière citation faite sur Radio bleue, la radio d'Emile Vernaudon, résumant parfaitement sa position : « L'accession de notre pays à l'indépendance, c'est la priorité des priorités. » et il a confirmé ces propos dans les mêmes termes à l'assemblée de la Polynésie française, le jeudi 2 décembre dernier.

Toutes ces déclarations, choisies parmi une liste fort longue en faveur de la souveraineté de la Polynésie, troublent une grande partie de notre population. En effet, dans leur grande majorité, les Polynésiens sont profondément attachés à la France.

Ces appels à l'indépendance présentent de surcroît le risque, monsieur le ministre, que vous soyez tenté, pour reprendre une expression que Béatrice Vernaudon a employée dans un discours prononcé à l'Assemblée nationale le 17 novembre dernier, de « fermer les robinets ». Elle soutient pourtant l'indépendantiste Oscar Temaru !

Les Polynésiens sont, je le répète, en grande majorité opposés à l'indépendance. C'est donc à eux qu'il faut aujourd'hui penser lorsqu'il est question de la solidarité de l'État !

Le président de l'Assemblée de la Polynésie française rend l'État responsable du marasme que connaît la Polynésie française aujourd'hui. Au cours d'une conférence de presse tenue le 28 novembre, il expliquait en substance que, si le gouvernement Temaru se voyait contraint d'augmenter les impôts et les taxes, c'était en raison du « désengagement de l'État », qui, selon lui, a obligé le pays à prendre des mesures très contraignantes. Si M. Géros avait lu le projet de loi de finances pour 2006, il aurait constaté que l'État tient ses engagements !

Ces éléments vous donneront, je l'espère, une idée plus claire des méthodes et de l'intention de M. Temaru, qui cherche ouvertement à susciter l'hostilité des Polynésiens à l'égard de la France, faisant croire que, l'État n'étant plus solidaire de nos populations, l'indépendance devient alors le seul recours.

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