Intervention de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Réunion du 7 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Outre-mer

Photo de Soibahadine Ibrahim RamadaniSoibahadine Ibrahim Ramadani :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté conforte l'engagement de l'État outre-mer dans un contexte marqué tout à la fois par une croissance démographique forte, des difficultés de financement de l'investissement, un taux de chômage élevé et des flux migratoires importants.

S'agissant de Mayotte, la loi fixe l'objectif d'identité législative en 2010 et prévoit, parallèlement à la mise à niveau juridique, des contrats de rattrapage économique, d'adaptation des finances publiques et d'amélioration progressive des prestations familiales et sociales.

Je voudrais d'abord, monsieur le ministre, vous dire ma satisfaction de constater que ce projet de budget améliore sensiblement les finances des collectivités locales. Je pense, notamment, à la dotation de rattrapage et au fonds de péréquation des communes, ou encore à la dotation de construction et d'équipement des établissements scolaires du premier degré. Quant à la réforme de l'état civil, qui est essentielle pour fixer l'identité des personnes et qui est menée en parallèle avec un travail de cadastre et de régularisation foncière, elle fait l'objet d'une dotation exceptionnelle qui respecte le montant annuel de 300 000 euros prévu à cet effet.

Je profite cependant de cette occasion pour vous rappeler, monsieur le ministre, que plus de 6 000 dossiers s'entassent devant la commission de révision de l'état civil à Mayotte, faute de moyens humains. En effet, le sixième poste de secrétaire n'est toujours pas créé, à quoi il faut ajouter la question du devenir des quarante rapporteurs d'état civil à la fin de la mission de la commission.

À ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que, dans un projet de loi en cours d'examen, il est bien prévu de prolonger de manière indéterminée la durée d'activité de cette commission ?

Je souhaite, pour ma part, que ces dotations, qui arrivent à échéance en 2006 et 2007, soient prorogées jusqu'à l'extension dans l'île du code des douanes et du code général des impôts.

Je veux également me réjouir du déplafonnement des allocations familiales à Mayotte, grâce au concours de la Haute Assemblée et du Gouvernement.

Il s'agit maintenant de faire en sorte que le décret d'application du nouveau dispositif s'inscrive dans une logique de rattrapage et revalorise dès le ler janvier 2006 le montant de ces allocations, qui s'élèvent aujourd'hui à 40, 29 euros pour un enfant, à 64, 50 euros pour deux enfants et à 77, 37 euros pour trois enfants.

Naturellement, il faudra, dans la même logique, revaloriser le montant de l'allocation de rentrée scolaire, qui est à l'heure actuelle de 49 euros par enfant, ainsi que celui de l'allocation logement, afin que nous puissions nous rapprocher progressivement des normes nationales.

Enfin, je voudrais saluer l'effort consenti dans ce projet de budget pour améliorer le financement de la convention de développement État-Mayotte, à hauteur de 16, 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 8, 7 millions d'euros en crédits de paiement pour 2006, sans oublier les mesures envisagées dans le domaine social : ticket modérateur, protection sociale, etc.

Monsieur le ministre, je souhaiterais maintenant vous faire part des inquiétudes des communes de Mayotte et de leurs groupements s'agissant des crédits de paiement et des perspectives budgétaires pour 2006.

Selon le rapport du trésorier général de Mayotte, la situation de trésorerie des dix-sept communes de l'île était, à la date du 21 novembre 2005 - mais cela n'a pas changé depuis - la suivante : la trésorerie atteignait 3 515 millions d'euros, les dettes 3 496 millions d'euros. Quant à la trésorerie corrigée, elle s'élevait à 17 000 euros pour clore l'exercice 2005, et ce, je le répète, pour les dix-sept communes concernées.

Selon le trésorier général, cette situation résulte du retard constaté au sein des services de l'État dans le versement des subventions d'investissement et des crédits de paiement alors que, dans le même temps, les communes et leurs groupements étaient encouragés à investir.

Le président de l'Association des maires de Mayotte n'a d'ailleurs pas manqué de tirer la sonnette d'alarme sur cet état de fait à la tribune de la Journée de l'outre-mer, le 21 novembre dernier.

Quant aux établissements publics de coopération intercommunale, leur situation n'est guère meilleure. Ainsi, pour le syndicat mixte d'investissement pour l'aménagement de Mayotte, les besoins en crédits de paiement, à la même date, atteignaient 6 millions d'euros, alors que la trésorerie actuelle s'élevait à 265 638 d'euros et que les crédits de paiement annoncés atteignaient 3 millions d'euros, dont 1 million d'euros en provenance de l'État et 2 millions d'euros en provenance du conseil général de Mayotte.

Quant aux perspectives budgétaires pour 2006, elles paraissent bien sombres. En effet, si rien ne change, la plupart des communes ne pourront que présenter un budget en déséquilibre.

Par ailleurs, au moment où elles préparent leur budget prévisionnel pour 2006, nous ne savons toujours pas quel sera, en 2006, le montant de la dotation globale de fonctionnement ; quant à l'évolution annoncée de cette dotation, elle est de l'ordre de 2, 73 %, ce qui est insuffisant.

En outre, en l'absence de la quote-part « ultrapériphéricité », une compensation est nécessaire, qu'il conviendra de répercuter sur le calcul de la quote-part « outre-mer » de la dotation d'aménagement en fonction d'un ratio démographique.

Si tel n'était pas le cas, la situation des recettes de nos communes ne pourrait que s'en trouver aggravée, faute, chacun le sait, d'une fiscalité locale et de la possibilité d'émarger sur les subventions de l'octroi de mer, Mayotte n'étant pas encore considérée comme une région ultrapériphérique de l'Europe.

L'immigration clandestine constitue le deuxième sujet d'inquiétude des Mahorais. En effet, dans les pays d'origine - Comores ou Madagascar essentiellement -, les conditions de vie, de santé et d'éducation des populations continuent de se dégrader, ce qui amplifie le déséquilibre régional et, par voie de conséquence, incite au départ vers Mayotte.

Nos frontières maritimes restent largement perméables. Certes, trois embarcations ont été interceptées récemment, ce dont nous devons nous féliciter, mais d'autres réussissent encore à contourner le dispositif de surveillance.

À Mayotte proprement dit, le navire Marie-Galante, tant attendu, est arrivé depuis le 30 novembre. Or, jusqu'à présent, les Mahorais n'ont pas eu le sentiment d'assister à un vaste mouvement de retour volontaire au pays, notamment vers les Comores.

Je tiens, à cet égard, à saluer la création de deux commissions parlementaires qui vont travailler sur le sujet, et je forme le voeu que, dans leur rapport, des mesures novatrices soient proposées.

En conclusion, je dirai qu'il convient de se tourner vers l'avenir.

Les contrats de développement État-Mayotte arrivent à terme en 2006 pour le contrat de plan prorogé, et en 2007 pour la convention de développement. J'exprime ici le souhait qu'ils soient reconduits selon le calendrier prévu. Or, pour ce faire, il conviendrait d'entamer les discussions dès la fin du premier semestre 2006.

Parallèlement, il me paraît souhaitable qu'une réflexion soit menée concernant la durée de ces contrats, qui coïncident presque toujours avec les échéances électorales.

Puisque nous disposons désormais d'une loi de programme pour quinze ans et d'un plan d'aménagement et de développement durable pour vingt ans, une périodicité de dix ans pour ces contrats de développement me semble de nature à assurer une meilleure lisibilité des programmes et des actions à conduire.

Monsieur le ministre, je réitère la volonté des Mahorais de disposer d'une piste longue, d'un deuxième quai en eau profonde et d'accéder au haut débit. Certes, je sais que tout cela coûte cher. C'est pourquoi il conviendra de concrétiser l'engagement du Président de la République visant à faire de Mayotte une région ultrapériphérique de l'Europe, à l'instar des DOM, des îles Canaries, des Açores et de Madère.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je voterai votre projet de budget pour 2006.

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