Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 7 décembre 2005 à 22h30
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a, de mon point de vue, quelque paradoxe, pour le rapporteur des crédits de la francophonie, à intervenir cette année dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

La nouvelle présentation budgétaire se traduit, en effet, par un éparpillement des crédits consacrés à la langue française et à la francophonie, avec six actions rattachées à quatre programmes différents relevant, eux-mêmes, de trois missions distinctes, et ce pour les seuls ministères de la culture et des affaires étrangères. La nouvelle présentation budgétaire se traduit aussi par un rattachement de l'essentiel des crédits de la francophonie multilatérale à l'« aide publique au développement », à l'exception de TV5, dont le financement relève, lui, de la mission « Action extérieure de l'État » que nous avons étudiée tout à l'heure.

De telles modalités me paraissent critiquables, et pas seulement en raison de cette dispersion artificielle.

Le rattachement de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » trahit, à mes yeux, une conception dépassée, qui voit dans la francophonie un prolongement de la coopération, alors que les sphères géographiques de ces deux politiques ne cessent de se disjoindre.

Je n'entends pas minimiser le rôle que l'Afrique francophone continuera de jouer, à l'avenir, dans la défense internationale du français, mais je souhaite que nous n'oublions pas que le statut international de notre langue se joue aujourd'hui également en Europe, et tout particulièrement dans les institutions européennes, ainsi que dans les grands pays émergents - Chine, Inde, Brésil, Mexique et Russie.

Cette imputation budgétaire me paraît d'autant plus regrettable qu'elle risque de contribuer à figer une organisation gouvernementale qui n'est pas optimale. À notre sens, plutôt que d'être rattachée à la coopération, la francophonie devrait l'être aux relations culturelles extérieures, audiovisuel compris.

J'en viens aux crédits prévus pour 2006.

Les crédits inscrits sur l'action 05 « Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement », d'un montant de 58, 4 millions d'euros, devraient permettre de reconduire les dotations consacrées, via le Fonds multilatéral unique, au financement des quatre premiers opérateurs de la francophonie : l'Agence intergouvernementale de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Association internationale des maires francophones et l'Université Senghor. Ces crédits ne m'inspirent pas d'inquiétudes particulières, même si je relève que la justification au premier euro mériterait d'être un peu plus précise l'année prochaine, ne serait-ce que pour les subventions versées aux associations.

Le financement du programme de bourses en faveur de la mobilité m'inquiète davantage : sur les 10 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2005 et qui devaient être versés à l'Agence universitaire de la francophonie dans le cadre du plan de relance de Beyrouth, seuls 3 millions d'euros étaient, semble-t-il, en passe de l'être. Peut-être pourrez-vous nous le confirmer, madame la ministre, et nous indiquer s'il est envisagé, et comment, de couvrir le solde des 7 millions d'euros restants ?

J'ai constaté, en outre, que ce programme de bourses, qui répond à de véritables besoins, n'est pas mentionné dans les documents budgétaires pour 2006 à l'action 03 « Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement », où il devrait pourtant figurer.

J'espère que cette omission, dans un document encore imparfait, résulte d'une lacune, plutôt que d'une remise en question d'un programme auquel nous sommes attachés. Je souhaiterais que vous nous apportiez, sur ce sujet, les éclaircissements nécessaires.

En conclusion, je veux saluer le succès qu'a constitué l'adoption par l'UNESCO de la convention pour la diversité culturelle. La très large majorité qu'elle a suscitée - 148 voix pour, 2 contre, et 4 abstentions - témoigne de l'écho que rencontre aujourd'hui dans le monde notre combat pour la diversité culturelle et pour le multilinguisme, qui en est le corollaire.

Nous devons maintenant rester attentifs à l'interprétation qui sera donnée de son article 20, qui précise les relations de cette convention avec les autres accords existants, et inviter nos partenaires de l'Union européenne et de la francophonie, qui ont été à nos côtés pour l'adoption de ce texte, à engager sa ratification dans les meilleurs délais pour assurer rapidement son entrée en vigueur.

À titre personnel, je forme le voeu que le Gouvernement fasse adopter pour le 21 mars, journée de la francophonie, un projet de loi autorisant la ratification de la convention, et que l'Assemblée nationale ait la possibilité, dans les mêmes délais, d'examiner la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française, que le Sénat a adoptée à l'unanimité le 10 novembre dernier.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », et tout particulièrement à ceux de la francophonie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion