Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 7 décembre 2005 à 22h30
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Nous sommes les derniers en Europe : les États-Unis et les pays scandinaves sont à 30 %, les Britanniques à 10 % et la moyenne de l'Union européenne se situe à 5 %. Ce n'est pas à l'honneur de la France !

Sous la précédente législature, le gouvernement de Lionel Jospin avait ouvert la politique française d'aide au développement aux acteurs non gouvernementaux, en créant le Haut Conseil de la coopération internationale. Celui-ci a permis au chef de l'État de s'appuyer ces dernières années sur les ONG lors des grands rendez-vous internationaux, par exemple pour l'adoption à la quasi-unanimité à l'UNESCO de la Convention internationale pour la diversité culturelle.

Cependant, si elles ont été consultées sur les stratégies sectorielles, les ONG ont été exclues des discussions sur les documents cadres de partenariat, les DCP.

Pourtant, comme l'a rappelé Mme Luc, lors du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement, le CICID, de mai dernier, il était stipulé que « les organisations de solidarité internationale seront davantage associées à la formulation, à la mise en oeuvre comme au suivi de cette politique dans le cadre de la Commission coopération et développement, la CCD ». C'est encore une contradiction flagrante entre vos discours et vos actes.

Madame la ministre, il faut sortir de cette situation. Il est temps de réorganiser en profondeur la manière dont nous associons les ONG à notre politique d'aide publique au développement.

Je vous soumets donc quelques pistes de réformes dont, j'espère, vous tiendrez compte.

Premièrement, il est nécessaire d'associer réellement les organisations de solidarité internationale françaises, ainsi que leurs partenaires du Sud, aux négociations des documents cadres de partenariat.

Deuxièmement, il est indispensable d'améliorer la lisibilité et la prévisibilité de la part du budget de l'aide publique au développement, l'APD, qui passe par les ONG. Or la réforme de la loi organique relative aux lois de finances n'a pas, de ce point de vue, facilité les choses, non plus que le récent transfert de la gestion des secteurs techniques de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, vers l'Agence française de développement.

Madame la ministre, comment comptez-vous atteindre l'objectif de 2, 2 % de l'aide publique transitant par les ONG en cinq ans, de 2004 à 2009 ?

La progression régulière promise lors du CICID devrait être de l'ordre de 36 millions d'euros par an. Or l'année 2005 n'a pas été à la hauteur et le projet de loi de finances pour 2006 ne nous éclaire pas plus sur vos intentions.

Troisièmement, on discute beaucoup des coûts de gestion des ONG. Un récent rapport de la Cour des comptes à ce sujet n'a pourtant rien trouvé de dramatique. Toutefois, ces frais de gestion seraient bien inférieurs si l'État passait aux ONG des commandes publiques régulières, en les aidant à se professionnaliser et, surtout, à s'inscrire dans une programmation pluriannuelle.

Le bénévolat est indispensable, mais la professionnalisation de certains collaborateurs est une urgence. Aujourd'hui, des diplômés de haut niveau perçoivent des salaires inférieurs aux niveaux normaux de rémunération, pour une mission qu'ils exercent parfois au péril de leur vie, comme en témoigne l'enlèvement lundi, à Bagdad, de M. Bernard Planche, cet ingénieur français travaillant pour une ONG.

Et comment répondre, sans moyens nouveaux, à la très forte demande des étudiants diplômés de travailler dans ce secteur ?

Aujourd'hui, on compte environ 200 candidatures pour un poste. C'est dire la mobilisation de nombreux jeunes pour ces tâches de solidarité ! Notre État devrait avoir à coeur de les y aider.

Quatrièmement, il faut développer une vraie complémentarité entre l'Agence française de développement, l'AFD, et les ONG.

Aujourd'hui, l'AFD n'a pratiquement pas d'enveloppe à consacrer aux ONG. Très peu de financements transitent par elles et très peu d'ONG sont sélectionnées en maîtrise d'ouvrage. Pourquoi ne pas créer, au sein de l'AFD, un fonds délégué, sur le modèle du Fonds français pour l'environnement mondial, le FFEM ?

Cinquièmement, votre ministère doit externaliser certaines de ses interventions, déconcentrer des crédits et simplifier les procédures afin de s'adapter aux différentes dimensions des projets et, en contrepartie, renforcer l'évaluation des actions menées.

Enfin, l'État doit inciter les ONG françaises à se coordonner et à se regrouper, sur le modèle de Coordination Sud, par exemple.

Pourquoi, dans le domaine du développement, les ONG françaises n'atteignent-elles pas le niveau de crédibilité obtenu dans le domaine de l'humanitaire par Handicap International ou Médecins Sans Frontières ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire comment vous comptez éviter la marginalisation des ONG et, au contraire, les intégrer pleinement dans la politique publique d'aide au développement ?

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