Madame le ministre, nous sommes tous d'accord pour dire que l'aide au développement est une nécessité et un devoir.
Nous sommes tous d'accord pour dire - et le Président de la République l'a rappelé ces jours derniers ; vous étiez à ses côtés à Bamako - que la France a une mission spécifique, notamment en Afrique - ailleurs aussi, certes - mais, en particulier en Afrique, compte tenu du passé et de l'attachement qu'éprouvent la plupart des pays africains pour la France et de la confiance qu'ils nous témoignent.
C'est vrai qu'il faut augmenter les crédits. Mais je crois qu'on pourrait toujours les augmenter, cela n'en serait pas moins insuffisant.
À mon sens, ce qui est aujourd'hui le plus nécessaire, c'est l'aide technique. J'adore l'Afrique. J'y suis allé très souvent dans de nombreux pays. Mon sentiment, c'est que la quasi-totalité des pays africains, pour ne pas dire la totalité, sont potentiellement capables de l'autosuffisance alimentaire. Le plus urgent et le plus important, c'est d'accompagner pour qu'on tire véritablement la substance de ce potentiel.
Je vais étayer mon propos par un exemple précis. J'ai été pendant un peu plus de dix ans président du conseil général de la Seine-Maritime. Nous avons engagé des actions extrêmement fortes, en particulier au Burkina-Faso. J'étais d'ailleurs aux côtés de Mme Chirac quand a été inauguré l'hôpital pour enfant de Ouagadougou. Nous avons financé des puits, des écoles et des dispensaires. J'ai posé la première pierre et j'ai coupé le ruban d'un collège. Et je me souviens d'avoir revu un jeune élève de cet établissement au côté du président Kompaoré lorsqu'il est venu à Rouen voilà quelques années. Cela montre que l'action avait été efficace.
Madame le ministre, je voudrais polariser mon propos sur un exemple encore plus précis. Notre dernier investissement a été consacré à une maison de l'enfant, à la demande des responsables publics de la province de Bam, située à cent kilomètres au nord de Ouagadougou, sur le site de Congussi, où il y a des enfants abandonnés. Le préfet nous a demandé d'aider à financer cette maison, en précisant qu'il serait préférable d'en confier la gestion à une communauté de religieuses burkinabées implantées là-bas.
Il en a donc été décidé ainsi. Nous avons élaboré un projet original, en nous appuyant, pour la maîtrise d'oeuvre, sur l'école d'ingénieurs de Ouagadougou, dirigée par un Français. Cette école a conçu le projet, l'a suivi et a sécurisé les financements. En contrepartie, les études des jeunes étudiants, originaires d'un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest, ont pu être en partie financées.
Ce projet était conduit sous la responsabilité de l'évêché de Ouagadougou. La maison de l'enfant est en voie d'achèvement, mais l'inauguration n'a pas encore eu lieu. J'ai reçu à sa demande, voilà quinze jours, l'évêque de Ouagadougou, qui m'a dit qu'il fallait maintenant faire fonctionner la structure. Pour cela, de l'argent sera bien sûr nécessaire, mais il a surtout souhaité que nous l'aidions à créer, à côté de l'établissement, qui est magnifique, un pôle de développement économique, lequel permettra d'assurer à la fois la subsistance des enfants et un développement tous azimuts de la région. Nous allons nous lancer dans cette expérimentation, et nous comptons sur votre aide, madame le ministre.
Bien entendu, à l'heure actuelle, aucun pays, pas même le nôtre, n'a les moyens de rémunérer les techniciens qui pourraient accompagner la mise en oeuvre d'un tel projet. Cependant, nous disposons d'une ressource potentielle extraordinaire, et c'est sur ce point que je voudrais mettre l'accent, madame le ministre.
En France, beaucoup de personnes prennent encore leur retraite relativement jeunes. Certaines d'entre elles accueillent ce moment avec satisfaction, mais d'autres le craignent, parce qu'elles estiment avoir encore quelque chose à apporter. L'expérimentation que je souhaite mettre en place consisterait donc à s'appuyer sur de jeunes retraités volontaires, ayant beaucoup à donner aux autres, pour assurer par roulement un accompagnement des projets. Je pense que c'est ainsi que l'on pourrait réussir. Telle est en tout cas la suggestion que je voulais faire, madame le ministre.
Certes, il faut de l'argent, il en faut certainement beaucoup, mais il faut surtout, à mon avis, afin que l'ensemble des pays que j'ai évoqués puissent devenir de plus en plus autonomes, que nous les aidions à se développer par eux-mêmes. Sinon, l'un des problèmes majeurs que nous connaissons aujourd'hui, celui de l'immigration clandestine, continuera à s'aggraver. Accompagner les pays africains dans leur démarche de développement contribuera aussi à régler les problèmes que nous rencontrons, car leurs habitants seront alors disposés à rester chez eux, parce qu'ils s'y sentiront bien.
On dit souvent qu'il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que lui donner un poisson : tel est le sens de ma réflexion.