Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la politique en faveur de la francophonie ne fait pas recette, il faut bien le reconnaître, et n'alimente que très rarement l'actualité.
Pourtant, la promotion de la langue française et des valeurs qu'elle véhicule ne me semble pas être un combat d'arrière-garde, au contraire : faire entendre la voix de la France dans le monde permet l'existence d'une autre option culturelle face à la domination du monde anglo-américain et contribue à l'affirmation de notre propre identité.
Malheureusement, le projet de budget pour 2006 se caractérise par l'absence de stratégie et d'objectifs clairement définis. Il est à craindre, dans ces conditions, que les maux dont souffre la francophonie ne se perpétuent.
Le premier de ces maux est d'ordre structurel : la promotion de la francophonie reste insérée dans un dispositif complexe, formé d'une multitude d'opérateurs, ce qui rend difficilement lisibles les actions menées.
Cette complexité institutionnelle, source d'inefficacité, se double d'un manque de moyens. Ainsi, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », dont dépend en grande partie la promotion de la francophonie, s'élèvent à 2, 36 milliards d'euros, ce qui équivaut, à périmètre constant, à une diminution de 2, 13 % par rapport à l'exercice 2005.
Par ailleurs, les crédits de paiement et les autorisations d'engagement inscrits au titre du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » enregistrent, quant à eux, à structure constante, une baisse de 2, 19 %.
En ce qui concerne les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui sont rattachés à ce dernier programme, après avoir diminué de 7, 58 millions d'euros en 2005, ils devaient subir, en 2006, une nouvelle baisse de 2 millions d'euros. À cet égard, je me réjouis que le Sénat les ait rétablis : nous en avons débattu cet après-midi.
Quant aux crédits de paiement du programme « Rayonnement culturel et scientifique », ils connaissent, eux aussi, une diminution, de plus de 3 %. Au sein de ce programme, les moyens consacrés à l'animation de notre réseau culturel, constitué notamment de 151 centres culturels, s'élèvent à un peu plus de 18 millions d'euros, soit une baisse de 546 000 euros par rapport à l'an passé. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le ministère des affaires étrangères, faute d'une politique immobilière cohérente, est souvent amené à louer des locaux pour héberger les centres culturels.
Cela étant, dans un contexte budgétaire contraint, la francophonie souffre avant tout, je l'ai dit, d'une absence de stratégie globale. La dispersion des actions conduites fait écho à la dilution des crédits au sein de missions et de programmes hétérogènes.
Par conséquent, pour un surcroît d'efficacité, des priorités devraient être fixées, le numérique me paraissant à cet égard incontournable.
En effet, malgré une progression récente, la place du français sur la toile reste faible : il est employé à concurrence de seulement 5 % par les internautes, loin derrière l'anglais, bien entendu. Or, à l'heure de l'Internet, la francophonie sera numérique ou ne sera pas.
Multiplicité des acteurs, moyens en baisse, stratégie difficilement lisible : aucune des trois faiblesses inhérentes à la francophonie n'a été ainsi réellement prise en compte dans le projet de budget pour 2006. De ce point de vue, madame la ministre, l'application de la LOLF, qui devait être inspirée par la culture de la performance, est à mon sens un rendez-vous manqué.