Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2006 de la mission « Aide publique au développement », que nous examinons aujourd'hui avec les deux missions qui lui sont associées, « Prêt à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux », reflète pleinement la priorité que le Gouvernement accorde au développement des pays du Sud.
Le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux, qui sont aujourd'hui devenus consensuels au sein de la communauté internationale. Nous avons pu le constater lors du sommet des Nations unies en septembre dernier : plus de la moitié de la déclaration finale concernait le développement. Je peux vous affirmer que ces résultats, inespérés quelques jours encore avant le sommet, ont bien constitué un succès pour la France.
La priorité a également été donnée au développement par le G 8, lors de son dernier sommet qui s'est tenu en juillet à Gleneagles. À cette occasion, une nouvelle initiative a été prise en matière d'annulation de dettes. Un amendement, que je vous soumettrai tout à l'heure, a pour objet l'ouverture de 580 millions d'euros d'autorisations d'engagement. Ces modifications vous sont présentées tardivement, car leurs contours techniques n'ont été dessinés que cet automne, après l'approbation du projet de loi de finances en conseil des ministres.
Les orientations définies par le Président de la République se résument en trois priorités que nous déclinons sur la scène internationale : premièrement, les buts ultimes de l'aide sont les objectifs du Millénaire pour le développement, à savoir réduire de moitié l'incidence de la pauvreté dans le monde d'ici à 2015 ; deuxièmement, notre soutien doit concerner au premier chef l'Afrique, car ce continent ne bénéficie pas suffisamment des effets positifs de la mondialisation ; troisièmement, l'aide publique au développement doit être augmentée, grâce à l'appui des budgets des États, mais également par des sources innovantes de financement. Je reviendrai sur ce dernier point.
Cet accent mis sur le développement est bien entendu un acte de générosité, mais c'est également une nécessité, comme l'ont souligné les rapporteurs, en évoquant l'actualité récente. En effet, les vagues d'émigrants clandestins vont nécessairement prendre de l'ampleur si la misère et l'absence d'emplois persistent au Sud. Il en est de même de la propagation de maladies contagieuses ou du terrorisme international, qui ne connaissent pas les frontières.
C'est en particulier une intention forte du Gouvernement que de mieux prendre en compte les migrations internationales dans la mise en oeuvre de notre aide. Il y a urgence en la matière, et, comme l'a souligné M. Othily, la Guyane, comme l'ensemble de l'outre-mer, est en première ligne face à l'immigration clandestine. Le sujet est complexe et, à bien des égards, encore vierge pour les économistes du développement.
C'est pourquoi nous entendons renforcer notre analyse sur ce thème et tirer toutes les leçons des premières expériences positives que nous avons pu réaliser. À cet égard, je pense en particulier au co-développement, qui consiste à inciter les immigrés à faire profiter leur pays d'origine de l'expérience qu'ils ont acquise au Nord. Je pense aussi à la microfinance, qui permet par exemple à de petits artisans de s'acheter quelques outils pour produire dans leur village, et que l'on peut encourager par un meilleur usage des fonds que les émigrés transfèrent à leur famille. Je crois comme vous, monsieur Revet, que tous ces petits projets sont importants, et que nos jeunes retraités peuvent apporter toute leur expérience en aidant à leur mise en oeuvre.
Au-delà, notre aide vise également à augmenter notre influence dans le monde, en particulier pour mettre en avant les idées françaises d'une mondialisation mieux régulée et de la préservation de la diversité culturelle.
De ce point de vue, les rapporteurs ont souligné l'importance de tout ce qui concerne la formation, qu'il s'agisse de l'éducation des élites locales ou de l'accueil d'étudiants étrangers en France. Je suis d'accord avec eux. En effet, si l'on prend en compte l'éducation de base que nous apportons aux élèves nationaux dans les écoles françaises, les bourses que nous dispensons chaque année et les étudiants que nous formons gratuitement dans nos universités, c'est, au total, 1 milliard d'euros environ, sur les 8, 2 milliards d'euros de notre aide publique pour 2006, que nous prévoyons de consacrer à cette politique.
Il nous faudra, à l'avenir, comme pour l'ensemble des autres composantes de notre aide, améliorer notre capacité de pilotage. Cela est particulièrement vrai s'agissant de certains grands pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil, qui sont dans le champ de cette mission budgétaire, et avec lesquels nous devons renforcer notre partenariat.
Bien entendu, quand je parle d'influence, je n'oublie pas des aspects plus concrets, qu'ont soulignés Mme Brisepierre, MM. Del Picchia et Guerry, s'agissant de la nécessité, pour les pays partenaires, de respecter leurs engagements à l'égard de ceux de nos compatriotes qui ont cotisé à leurs caisses de retraite. Nous comptons bien utiliser le levier que constitue notre aide au développement pour obtenir ces paiements.