Une nouvelle fois, et après avoir rencontré récemment une délégation d'anciens exploitants de mon département, je souhaite qu'un point précis puisse être fait sur les conditions de la mise en oeuvre de la retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs instituée par la loi du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.
Je souhaite rappeler très rapidement le problème qui nous est posé par le décret n° 2003-146. En effet, son application fait apparaître deux catégories de retraités : d'une part, ceux qui ont pris leur retraite avant le 1er janvier 1997 et qui doivent justifier de trente-deux ans et demi d'activité agricole non salariée, dont dix-sept ans et demi en qualité de chef d'exploitation à titre exclusif ou principal ; d'autre part, ceux qui ont pris leur retraite après le 1er janvier 1997 et qui doivent simplement justifier de trente-sept ans et demi de cotisation, tous régimes confondus, dont dix-sept ans et demi en qualité de chef d'exploitation.
L'application de ces dispositions dans le département de l'Aude « élimine » 12 200 retraités sur 15 525. C'est dire ! En Languedoc-Roussillon, 58 512 anciens exploitants, sur les 73 000 retraités agricoles que compte la région, sont écartés du bénéfice de la retraite complémentaire.
Comment une telle situation ne susciterait-elle pas colère et incompréhension ?
En janvier dernier, j'avais insisté sur le caractère particulièrement ubuesque et injuste d'un tel dispositif, en citant des exemples précis. Je n'y reviens pas, d'autant que M. le ministre de l'agriculture m'avait semblé en prendre bonne note. Il m'avait d'ailleurs répondu en ces termes : « Sur ce point, le Gouvernement reste ouvert à la discussion. Lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2005, dans le cadre des arbitrages qui concerneront mon ministère, (...) nous pourrons tenter de résoudre les problèmes que vous avez illustrés de manière fort éclairante au moyen de cas individuels. Cela montre une fois de plus que, lorsqu'on met en place des règles, la situation individuelle des personnes peut faire apparaître la nécessité d'apporter un certain nombre d'améliorations. » On ne saurait mieux dire...
Rendez-vous était donc pris, semble-t-il, pour la période de préparation du projet de loi de finances pour 2005. Par conséquent, j'ai déposé ma question orale le 5 août dernier, c'est-à-dire le plus en amont possible de cette préparation budgétaire, et j'interviens aujourd'hui, à quelques jours seulement de la discussion budgétaire, ici, au Sénat.
Deux solutions sont proposées au Gouvernement.
La première consisterait à laisser aux anciens exploitants le libre choix de l'une ou de l'autre des conditions fixées par le décret. La seconde consisterait à accorder aux anciens exploitants la retraite complémentaire au prorata de leur carrière. Ainsi, celui qui aurait cotisé durant trente ans pourrait percevoir les trente trente-septièmes de la retraite complémentaire. Dans la même logique, celui qui aurait cotisé vingt ans percevrait les vingt trente-septièmes de la retraite complémentaire, et ainsi de suite.
Voilà deux solutions pour sortir de l'injustice, monsieur le secrétaire d'Etat. Quoi qu'il en soit, il faut modifier ce décret « couperet » qui écarte un nombre considérable d'anciens exploitants du bénéfice des dispositions d'une loi que nous, parlementaires, avions adoptée à l'unanimité. Nous considérions, en effet, qu'il s'agissait là, précisément, d'une avancée sociale majeure, porteuse de justice et d'équité. Or, du fait de l'application de ce décret, nous ne retrouvons ni l'équité ni la justice.
Pour conclure, je le rappelle encore une fois, en l'espèce, nous traitons de la situation d'hommes et de femmes parmi les plus âgés des anciens exploitants, qui ont travaillé durement toute leur vie.
Pouvez-vous donc me confirmer aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, que, conformément aux propos que M. le ministre de l'agriculture a tenus en janvier dernier, nous allons avancer, enfin, dans le traitement de cet important dossier.