Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le système français d'assurance vieillesse, bâti à la Libération sur les principes de répartition, de contributivité et d'équité, participe du pacte social de notre pays.
Depuis l'échec du plan Juppé en 1995, sa préservation était menacée par la tentation de l'immobilisme, par une contestation largement irrationnelle du principe même de la réforme, par une crispation sur tous les corporatismes et par un consensus national implicite sur les cessations précoces d'activité.
Or les échéances démographiques sont inéluctables. Le vieillissement de la population tend mécaniquement à dégrader le rapport entre le nombre des retraités et celui des cotisants amenés à financer leurs pensions.
Avec 12 millions de retraités aujourd'hui et 20 millions en 2020, comment faire l'économie d'une vraie réforme ?
Une autre solution aurait pu consister à recourir à l'emprunt pour financer les prestations sociales. Mais c'est un réflexe à courte vue : le recours à la dette n'est pas indolore. Il n'aurait fait que transférer la charge des retraites sur d'autres, plus tard. Accepter un déficit structurel de l'assurance vieillesse aurait conduit à faire porter sur les générations futures notre actuel bien-être.
L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 me donne aujourd'hui l'opportunité de présenter un premier bilan de la réforme des retraites votée l'an dernier ; c'est aussi l'occasion pour nous d'envisager quelles devront être les prochaines étapes pour consolider, à long terme, la branche vieillesse de la sécurité sociale ; je vous proposerai enfin, mes chers collègues, de nous pencher sur l'emploi des séniors pour inverser la tendance à la cessation précoce d'activité professionnelle qui existe dans notre pays.
Le premier point que je souhaite aborder est le bilan de la réforme des retraites votée voici un an, qui est encourageant.
Ce texte a amorcé des changements structurels et a apporté de vraies améliorations au moment où le choc démographique annoncé ces dernières années a commencé à faire sentir ses effets et au moment où le régime spécial de retraites des industries électriques et gazières a dû être adapté en raison de contraintes comptables internationales.
Cette réforme des retraites a été dans un premier temps généreuse, et je me place ici sur le plan des chiffres et des faits et non sur celui de la polémique. L'objectif principal du texte était d'anticiper les déséquilibres financiers futurs.
Ainsi, dans ce contexte difficile, le dispositif des carrières longues permettra cette année à plus de 130 000 personnes ayant commencé à travailler à quatorze ans, à quinze ans ou à seize ans de partir à la retraite dès cinquante-six ans, cinquante-sept ans ou cinquante-huit ans.
Cette avancée majeure a un coût, qui est évalué à 1, 3 milliard d'euros pour la seule année 2005. Nous continuons néanmoins de croire à la justice de cette mesure puisque le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale transpose ce dispositif du secteur privé aux trois fonctions publiques.
Dans un premier temps, la réforme des retraites a donc créé de nombreuses dépenses supplémentaires. S'agissant du régime général, à l'horizon de l'année 2020, on peut citer la revalorisation du minimum contributif, qui coûtera 600 millions d'euros par an, le dispositif « carrières longues », qui coûtera 300 millions d'euros par an, ainsi que les mesures en faveur des pluripensionnés, qui coûtera 900 millions d'euros par an. Pour la fonction publique, il s'agit de la création du régime de retraite complémentaire, dont le coût annuel est estimé à 800 millions d'euros.
Au-delà de ces observations, on peut considérer cette réforme comme positive, car elle marque l'amorce de changements structurels. Les mesures réglementaires ont été prises pour qu'elle entre pleinement en application, à quelques réserves près.
J'observe également avec satisfaction que, quelques semaines à peine après son lancement, plus de 600 000 plans d'épargne retraite populaire ont été souscrits.
Autre changement significatif : la suppression progressive du mécanisme des transferts financiers entre régimes spéciaux, la surcompensation, dont nous avions régulièrement souligné les effets pervers.
Je mentionnerai enfin l'accord entre les partenaires sociaux intervenu le 13 novembre 2003 pour la gestion des régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO, qui constitue, pour eux, le pendant de la loi du 21 août 2003.
L'année écoulée a été dominée par un second dossier dont le règlement ne pouvait plus attendre : la réforme du financement du régime de retraite spécial des industries électriques et gazières.
Sans changement, l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2005, de nouvelles normes comptables internationales aurait obligé EDF et GDF à provisionner la totalité de leurs engagements de retraite, et ce pour près de 80 milliards d'euros, c'est-à-dire trois fois plus que leurs fonds propres.
La solution inédite retenue a consisté à préserver le niveau de prestations, y compris pour l'avenir, tout en adossant le régime spécial sur les régimes de retraite de droit commun.
Mes chers collègues, vous vous rappelez certainement que la commission des affaires sociales s'était fermement prononcée en faveur de la neutralité de cette opération pour les assurés sociaux du secteur privé, dont le régime est deux fois moins favorable que celui des gaziers et des électriciens.
Les engagements pris par le Gouvernement ont été tenus : la soulte qui sera acquittée par EDF et GDF a été calculée sur la base la plus juste - celle de la méthode prospective - et s'élève à 7, 7 milliards d'euros pour la seule Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM.
Le deuxième point que je souhaite développer aujourd'hui n'est plus descriptif mais prospectif : la réforme essentielle est derrière nous, mais des efforts doivent encore être produits pour la consolider.
A court terme, deux priorités s'imposent : rétablir la situation financière du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et trouver de nouvelles ressources pour le Fonds de réserve pour les retraites, le F2R.
A plus long terme, il faut rappeler que la loi Fillon a pour échéance l'horizon de l'année 2020 et qu'elle ne réglera pas, à elle seule, tous les problèmes posés par le vieillissement de la population.
A court terme, je le répète, il s'agit en premier lieu de sauvegarder le FSV, qui prend en charge les avantages non contributifs de l'assurance vieillesse.
Face à un taux de chômage qui demeure élevé et compte tenu du coût croissant des avantages familiaux, ses résultats n'ont cessé de se dégrader. Le déficit prévu en 2005 est de 1, 18 milliard d'euros.
Il s'agit en second lieu du F2R. Dès sa conception, cet organisme s'est vu assigner un objectif ambitieux : détenir 150 milliards d'euros de réserves en 2020, grâce à des financements essentiellement exceptionnels qui se sont taris, comme les licences téléphoniques UMTS.
Aujourd'hui, le F2R en est réduit à sa seule ressource fixe : la quote-part de 65 % de la taxe de 2 % sur les revenus des capitaux. Sur cette base réduite, il détiendra au mieux 56 milliards d'euros en 2020. Il faut donc désormais ou bien lui donner un second souffle, en lui affectant de futures recettes de privatisation, ou bien s'interroger sur sa légitimité et réfléchir à l'utilité de son maintien.