A moyen et long termes, au-delà de la limite de 2020, des mesures doivent être préparées pour faire face à un vieillissement de la population qui fera sentir ses effets jusqu'en 2040, voire au-delà.
Par ailleurs, nous savons que la réforme de 2003 ne couvre qu'environ 40 % du besoin global de financement. Le solde repose sur le scénario macro-économique d'une baisse du taux de chômage - de 5 % à l'horizon de l'année 2020 - autorisant un transfert des excédents de l'assurance chômage vers la branche vieillesse.
Enfin, il faut tenir compte des engagements hors bilan, qui correspondent aux retraites des fonctionnaires : 850 milliards d'euros, dont pas un euros n'a été provisionné.
En conséquence, il est clair que la réforme de 2003 n'était que la première étape d'un processus de consolidation.
Il nous faut aussi désamorcer quelques bombes potentielles. Je pense, par exemple, au déséquilibre des régimes spéciaux ou au régime des agents publics de La Poste, qui n'ont pas davantage été provisionnés.
Comment faire face à 18 milliards d'euros d'engagement à la RATP, à 57 milliards d'euros à La Poste et peut-être à 70 milliards d'euros à la SNCF ? La généralisation du schéma d'adossement retenu pour les industries électriques et gazières, les IEG, justifié par les caractéristiques spécifiques d'EDF et GDF, ne me semble pas être ici la bonne solution.
Je pense aussi à certaines failles du code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment à deux d'entre elles.
La première est l'indemnité temporaire majorant la pension des fonctionnaires qui résident outre-mer : elle atteint jusqu'à 75 % en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Dans son rapport pour 2003, la Cour des comptes a sévèrement critiqué ce dispositif réglementaire datant de 1952 : pour 20 000 bénéficiaires, dont le nombre augmente rapidement, le coût annuel est aujourd'hui de 181, 5 millions d'euros !
La commission des finances du Sénat avait établi le même diagnostic. Nous nous félicitons en particulier des démarches entreprises l'an dernier par son président, Jean Arthuis, et par son rapporteur général, Philippe Marini, visant à remettre à plat ce dispositif que nous jugeons également, pour notre part, injustifié. Nous regrettons que l'amendement qu'ils avaient déposé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004 n'ait pas abouti. Nous ne trouverions pas illégitime que ces décrets soient prochainement abrogés.
La seconde faille est l'application par le juge administratif français de la jurisprudence européenne sur l'égalité des hommes et des femmes en matière de liquidation de pension de retraite pour les parents de trois enfants et qui attestent de quinze ans de services, point qui a été relevé aussi par la Cour des compte. Une loi de 1924 réservait cet avantage familial aux mères ; le juge l'a étendu aux pères.
Or, dans la fonction publique, un départ en retraite sur six intervient sur cette base à un âge moyen de cinquante et un ans, mais parfois dès trente-cinq ans ou quarante ans ! La généralisation du dispositif dénature et surtout menace cet avantage familial, car 30 % des hommes dans la fonction publique sont pères de trois enfants. On crée ainsi un nouveau mécanisme de préretraite qui coûterait 1, 3 milliard d'euros par an en régime de croisière. Ce niveau de dépense est bien entendu insoutenable ; il peut remettre en cause la pérennité de la mesure pour les femmes, en rendant son abrogation pour tous inévitable.
Dernier domaine où la réflexion doit être anticipée : les négociations à venir sur la pénibilité.
Ce concept recouvre une réalité incontestable, mais il faudra le définir avec beaucoup de subtilité pour qu'il ne remette pas en cause l'allongement de la durée d'activité décidé par la réforme de 2003.
Je reviendrai enfin brièvement sur des thèmes chers à commission des affaires sociales : le renforcement de la transparence et l'amélioration des règles de fonctionnement de l'assurance vieillesse.
Je n'évoquerai, à ce titre, que trois impératifs : repenser les règles de la compensation démographique entre les régimes ; mettre en place, comme nous le demandons depuis un certain nombre d'années, pour les fonctionnaires de l'État, une véritable caisse de retraite, comme la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, qui assure ce rôle depuis 1945 pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; enfin, améliorer le fonctionnement du service des pensions de l'État.
Au total, le chantier des retraites est loin d'être clos.
J'en viens à mon troisième point : le législateur ne peut pas tout faire. La loi du 21 août 2003 ne constituait qu'une condition nécessaire, mais non suffisante, au succès de la réforme.