Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 16 novembre 2004 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Discussion générale

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est un texte d'ampleur limitée, comme l'a dit Philippe Douste-Blazy tout à l'heure. En effet, il fait suite aux votes de trois réformes sociales : la réforme des retraites, la réforme de l'assurance maladie, la réforme du financement de la solidarité nationale pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Nous sommes dans un contexte de dégradation financière sans précédent des comptes de la sécurité sociale. Le régime général connaîtra en effet en 2004 son déficit le plus élevé jamais atteint après trois années de dégradation exponentielle. Son solde financier est en effet passé d'un excédent de 1, 2 milliard d'euros en 2001 à un déficit de 14 milliards d'euros en 2004, soit une détérioration moyenne de 5 milliards d'euros par an sur la période.

Ce déficit est presque exclusivement concentré sur la branche maladie du régime général, même si, pour la première fois depuis dix ans, toutes les branches seront déficitaires en 2004.

De plus, il faut s'inquiéter de la situation particulièrement dégradée du régime de protection sociale agricole, qui devrait connaître un besoin de financement de l'ordre de 900 millions d'euros en 2004 et de 1, 5 milliard d'euros en 2005. Je rappelle que, à compter du 1er janvier 2005, le nouveau Fonds de financement des prestations des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui a le statut d'un établissement public administratif, reprendra les attributions du traditionnel BAPSA.

Le plafond d'avances de trésorerie de ce régime sera au demeurant relevé de manière importante en 2005, puisqu'il passera de 4, 1 milliards d'euros à 6, 2 milliards d'euros, ce qui donnera au FFIPSA une capacité d'emprunt plus importante. En revanche, le plafond d'avances de trésorerie du régime général sera ramené de 33 milliards d'euros à 13 milliards d'euros.

Cette dégradation des comptes sociaux a eu des conséquences inéluctables en termes d'évolution des prélèvements sociaux. Les prélèvements sociaux constituent en effet une part croissante du PIB puisqu'ils représentaient 20, 5 % en 1997 et 21, 8 % en 2003. Cette part devrait s'établir en 2004 à 20, 5 % et à 20, 6 % en 2005, en raison notamment de mesures de changement de périmètre liées à la disparition du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC.

Les administrations de sécurité sociale captent aujourd'hui près de la moitié de nos prélèvements obligatoires, qui représenteront 43, 7 % du PIB en 2005, ce qui témoigne du besoin de financement engendré par les dépenses sociales de notre pays.

A travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le Gouvernement se propose de relever le défi de l'amélioration des comptes sociaux et s'inscrit dans le droit-fil des réformes sociales déjà mises en oeuvre. Ces réformes suffiront-elles à assurer la « soutenabilité » à moyen terme de nos finances sociales ? Qu'il me soit aujourd'hui permis d'en douter.

Deux mesures de recettes contenues dans ce projet de loi méritent notre attention.

D'une part, les mutuelles et les institutions de prévoyance seront placées sur un pied d'égalité avec les institutions financières au regard de l'assujettissement à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la fameuse C3S, alors que l'assujettissement à cette contribution variait jusqu'à présent en fonction de la forme juridique de l'organisme concerné. Je rappelle que le produit total de la C3S atteint 3, 33 milliards d'euros en 2004.

D'autre part, un nouvel article introduit par l'Assemblée nationale prévoit une mesure de coordination avec le projet de loi de finances pour 2005, qui fixe la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs. La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, devrait ainsi, conformément aux dispositions de la loi relative à l'assurance maladie, voir le produit qui lui est affecté majoré. Elle recevra ainsi 32, 5 % du produit du droit de consommation sur les tabacs, soit 3, 07 milliards d'euros. Cette évolution se fait au détriment de la part affectée à l'Etat, qui passera de 25, 91 % à 14, 83 %.

Toutefois, le produit total du droit de consommation sur les tabacs a progressé bien moins que prévu en 2004, puisqu'il devrait s'élever à 9, 25 milliards d'euros alors que 10 milliards d'euros étaient attendus. Faut-il s'en plaindre ? La campagne anti-tabac a porté ses fruits, mais c'est le financement même de la sécurité sociale par le tabac qui est en cause.

Par ailleurs, la part affectée à la CNAMTS a été majorée de 90 millions d'euros pour compenser partiellement le transfert, prévu par l'article 77 du projet de loi de finances, du produit de la contribution sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés au fonds de financement de la CMU, qui devrait atteindre 370 millions d'euros en 2005.

Quant aux objectifs de dépenses fixés dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, ils s'établissent à 361, 7 milliards d'euros, en augmentation de 4, 2 % par rapport aux objectifs révisés pour 2004. L'évolution de l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité, décès apparaît particulièrement optimiste. En effet, une grande incertitude pèse aujourd'hui sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée contenues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Je voudrais maintenant vous présenter rapidement la situation de chacune des branches de la sécurité sociale. Toutefois, je n'insisterai ni sur la branche maladie ni sur la branche accident du travail, qui feront, demain, l'objet d'un débat ici même.

La commission des comptes de la sécurité sociale évalue le déficit de la branche maladie à 13, 2 milliards d'euros en 2004. Il devrait s'améliorer en 2005 pour atteindre 8 milliards d'euros.

Cette branche a été en constant déficit depuis le début des années quatre-vingt-dix. Toutefois, la dégradation du solde de l'assurance maladie s'est accélérée depuis la fin de cette décennie. En effet, le déficit de l'assurance maladie était inférieur à 1 milliard d'euros en 1999, il atteignait environ 2 milliards d'euros en 2000 et en 2001. Il a augmenté de près de 4 milliards d'euros chaque année depuis 2002, pour atteindre un record historique en 2004.

Même au plus fort de la croissance économique, l'assurance maladie n'a jamais retrouvé un solde positif ; c'est pourquoi on peut estimer que son niveau de déficit interdit aujourd'hui tout retour spontané à l'équilibre. Cette branche est en effet confrontée avant tout à une crise de dépenses liée, notamment, au comportement des différents acteurs, à l'allongement de la durée de vie de la population et au progrès technique, qui entraînent une accélération particulièrement vive du rythme de progression de l'ONDAM. Cette crise de dépenses est en outre aggravée par le ralentissement de la conjoncture économique, qui a rendu moins dynamique l'assiette des cotisations sociales, à savoir la masse salariale, créant par là même un effet de ciseau entre recettes et dépenses.

Toutefois, la décélération du rythme de progression des dépenses d'assurance maladie constatée en 2003 et en 2004 est encourageante.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le Gouvernement a choisi de fixer la progression de l'ONDAM à 3, 2 % par rapport à l'ONDAM pour 2004 rebasé. Cette prévision me parait très optimiste, voire irréaliste, dans la mesure où une grande incertitude pèse encore aujourd'hui sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée mises en oeuvre par la loi du 13 août 2004. Effectivement, leur réussite suppose des efforts importants de tous les acteurs et un changement des comportements qui devraient porter leurs fruits sur le long terme, même si nous notons en fin d'année une amélioration notable.

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