Mais reconnaissons, comme chacun s'accorde à le penser, qu'une partie seulement du chemin est derrière nous. A ce titre, le cas de la branche maladie, qui totalise plus des neuf dixièmes du déficit total de la sécurité sociale, est emblématique. La réforme du 13 août dernier ne portait que sur 45 % des dépenses. Elle ne traitait que de l'ambulatoire et du médicament sans s'attaquer à l'ensemble du système hospitalier.
L'impression dominante est que l'on ne maîtrise pas intellectuellement le système. D'ailleurs, comment résoudre un déficit permanent lorsque l'on se prive d'intervenir sur 55 % des dépenses ?
Pourtant, dans le domaine hospitalier, des économies sont possibles. Pour ne prendre qu'un exemple, je citerai la mise en place dans mon département d'un numéro 15 bis avec des médecins libéraux qui a sensiblement désengorgé les urgences. Il est aussi indispensable de rationaliser la gestion et les projets médicaux hospitaliers.
Enfin, il est urgent de revoir la gouvernance des hôpitaux publics. Le pouvoir de décision ne devrait-il pas être mieux partagé entre les médecins et les agents administratifs dans le cadre d'un directoire à l'autonomie accrue ? L'assurance maladie ne devrait-elle pas exercer un pouvoir de contrôle plus incisif ?
Ma collègue Valérie Létard développera ces différents points demain, lors du débat consacré à la santé. Elle traitera aussi du report des charges des hôpitaux insuffisamment pris en compte dans votre projet, ainsi que de la disparition de l'allégement des charges pour les établissements sanitaires privés instauré lors du passage aux 35 heures.
Un autre problème n'est pas traité : celui de la démographie médicale. Je ne pense pas un instant que vous pensiez l'utiliser pour résoudre le déficit de l'assurance maladie : moins de médecins, moins de soins, moins de dépenses. Alors comment comptez-vous faire, monsieur le ministre, face à ce problème ?
Lors de l'examen de la réforme de l'assurance maladie, le Sénat avait adopté, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste, un amendement tendant à moduler la rémunération des médecins qui s'installeraient dans des déserts médicaux. Où en est la mise en oeuvre de ce premier jalon d'une politique destinée à rééquilibrer l'offre de soins ?
Continuons à parler franc, monsieur le ministre. Vous savez très bien que les lois sur les retraites et la santé ne permettront pas de faire face aux besoins de financement à venir, d'autant que les chiffres annoncés à la représentation nationale sont très largement sous-estimés ou... surestimés.
Prenons l'exemple de l'ONDAM que vous nous proposez de voter. Un affichage à 3, 2 % est irréaliste, tout le monde en convient. Avec un point de plus, nous serions certainement plus proches de la réalité. Une telle sous-estimation alimente la technique du « rebasage » et fait perdre au vote du Parlement et au projet gouvernemental toute leur crédibilité. C'est justement ce qu'il faut éviter. Face à une situation aussi difficile, nous pensons que notre système de protection sociale a un besoin urgent, d'une part, de transparence et, d'autre part, de refonte de son financement.
La transparence, question majeure, est directement liée à la nécessaire réforme du cadre organique du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut réformer les ordonnances de 1996. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait pris l'engagement de le faire. La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances pour le budget de l'Etat était une occasion à saisir.
Il faut aussi exploiter les synergies qui peuvent naître entre les deux textes pour transposer aux lois de financement de la sécurité sociale le principe de sincérité budgétaire ou, dans le même ordre d'idée, pour instaurer de vrais budgets annexes de la sécurité sociale et shunter toute tentative de débudgétisation de dépenses sociales.
Il nous faut aussi traduire le principe d'équilibre. Il est anormal que le Parlement ne se prononce pas explicitement sur le montant de la subvention d'équilibre qu'il est prêt à assumer.
Telles sont les grandes lignes qui, à notre avis, devront présider à la réforme à venir.
Quoi qu'il en soit, au-delà du cadre juridique, le mode de financement de la sécurité sociale ne nous semble plus adapté au monde actuel.
Alors que la logique de notre protection sociale est une logique de solidarité, celle-ci est toujours financée sur la base de principes assuranciels. En d'autres termes, nous ne voyons pas pourquoi la sécurité sociale continue d'être principalement financée par des cotisations assises sur le travail.
Ce système est d'autant plus regrettable qu'il conduit à des effets récessifs. Le conserver n'est-il pas anti-économique dans un univers de plus en plus concurrentiel ? Aussi le débat portant sur le projet de loi est-il directement lié à la discussion que nous avons eu la semaine dernière ici même sur l'évolution des prélèvements obligatoires.