Intervention de André Vantomme

Réunion du 16 novembre 2004 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Discussion générale

Photo de André VantommeAndré Vantomme :

Le principe de l'examen par le Parlement des comptes de la sécurité sociale a été formalisé dans l'article 34 de la Constitution.

Au regard de votre projet de loi, monsieur le ministre, il appartient au Parlement de contrôler l'évolution annuelle des dépenses et des recettes de la sécurité sociale, d'apprécier le déficit prévisionnel et les moyens de nature à assurer l'équilibre des comptes, mais aussi de se prononcer sur les orientations des politiques de la santé, de la famille et de l'assurance vieillesse.

Les sénateurs socialistes ont eu la possibilité de vous faire part de leur désaccord et de leurs craintes au regard de votre politique. Partageant leur propos, je n'y reviendrai pas, souhaitant m'exprimer plus spécifiquement sur deux problèmes : le développement de la médecine nucléaire et la place de la psychiatrie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier point que je souhaite aborder à l'occasion de ce débat concerne la médecine nucléaire.

L'an dernier, j'avais appelé l'attention de votre prédécesseur sur le retard de notre pays dans ce domaine, notamment au regard du nombre de tomographes à émission de positons.

Le tomographe à émission de positons oeuvre dans trois grands domaines médicaux : la cancérologie, la cardiologie et la neurologie. Ce matériel de haute technologie utilise la scintigraphie, technique médicale qui informe sur le fonctionnement d'un organe et pas seulement sur sa forme.

La scintigraphie permet d'approcher par l'image les anomalies biologiques et moléculaires caractéristiques d'un processus pathologique, et non plus seulement les déformations anatomiques tardives que la maladie fera subir à l'organe touché.

Inutile de dire, monsieur le ministre, que le corps médical trouve beaucoup de satisfactions et fonde beaucoup d'espoirs dans l'utilisation de cet équipement pour affronter les maladies.

En réponse à la question que je lui posais sur les mesures envisagées pour accélérer l'équipement de notre pays en tomographes à émission de positons et résorber son retard par rapport à d'autres pays, M. Mattei m'avait indiqué que l'objectif était d'acquérir soixante-quinze appareils avant la fin de 2007.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser si cet objectif est aussi le vôtre, ce qui a été fait en 2004 dans ce domaine et ce qui est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ?

Le second point que je souhaite aborder concerne la place de la psychiatrie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Voilà quelques jours, un grand journal du soir titrait : « Dépression, anxiété, suicide : les chiffres d'un mal français ».

L'article relate les résultats d'une enquête conduite par l'Organisation mondiale de la santé avec l'aide de votre ministère sur le thème : « Santé mentale en population générale ». Menée auprès de 36 000 personnes, de 1999 à 2003, les résultats de cette enquête sont jugés spectaculaires et inquiétants.

Trois pourcentages illustrent ce mal-être : 11 % des personnes interrogées ont été repérées comme ayant connu un épisode dépressif dans les deux semaines précédant l'enquête ; 12, 8 % ont affirmé souffrir d'anxiété généralisée et 0, 7 % déclarent avoir fait une tentative de suicide récemment.

Face à ce constat, étayé par une étude d'importance menée avec la collaboration de vos services, monsieur le ministre, nous nous devons de réagir.

Réagir, c'est d'abord nous interroger : la réponse de la politique de santé publique est-elle adaptée aux situations rencontrées face aux souffrances psychiques et à la maladie mentale ?

La santé, cette formidable exigence sociale, se manifeste tout au long de la vie, du tout début à l'extrême fin, avec des exigences de plus en plus fortes, de plus en plus appréciées et jugées par nos concitoyens.

La psychiatrie s'inscrit pleinement dans cette exigence sociétale. Elle est de plus en plus sollicitée.

Prenons l'exemple des hôpitaux psychiatriques. Que constatons-nous ? Plusieurs éléments : augmentation des admissions, saturation des taux d'occupation dans les zones urbaines, montée inexorable du taux de patients hospitalisés sous contrainte, accroissement des événements de violence et de l'insécurité...

Mais l'évolution de la santé mentale ne saurait être appréciée uniquement au regard de l'hospitalisation. Pardonnez-moi de vous imposer quelques chiffes à l'appui de cette opinion.

En 1999, 1 100 000 personnes adultes ont été soignées dans les secteurs de psychiatrie générale, dont 86 % en ambulatoire, 11 % à temps partiel et 27 % en hospitalisation à temps complet.

En 2000, 432 000 enfants et adolescents ont été soignés dans les secteurs de psychiatrie infanto- juvéniles, soit 97 % en ambulatoire, 10 % à temps partiel et 3 % à temps complet.

Il serait présomptueux de ma part de vouloir, dans le temps limité qui m'est imparti, dresser un bilan exhaustif des dispositions prises pour le développement de la santé mentale et de la psychiatrie.

En revanche, une question majeure se pose : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prévoit-il des moyens nécessaires et suffisants pour la santé mentale et la psychiatrie ?

La réponse à cette question, monsieur le ministre, n'est pas simple. Elle se complique surtout à partir du moment où l'on constate que l'ONDAM 2005 mélange les soins de suite et de réadaptation avec la psychiatrie.

A plusieurs reprises, les professionnels responsables de secteurs de santé mentale ont solennellement appelé votre attention sur la nécessité de disposer d'informations et de garanties sur le financement national de la discipline psychiatrique, la grande oubliée des priorités de santé publique.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas dire clairement quels moyens sont affectés aux personnes souffrant de troubles psychiques ? Cette façon de faire permettrait de disposer d'éléments objectifs pour apprécier les mesures nouvelles nécessaires et éviter un détournement vers d'autres secteurs plus visibles médiatiquement.

L'enveloppe des soins des personnes souffrant de troubles psychiatriques mérite mieux que d'être une variable d'ajustement d'autres besoins. Il vous appartient de proposer que les arbitrages nationaux rendus soient clairs et transparents au moyen de l'identification d'un ONDAM 2005 spécifique pour la psychiatrie.

De grâce ! Evitons des transferts d'activités de médecine, chirurgie, obstétrique - MCO - vers les soins de suite et de réadaptation - SSR -, intervenant notamment dans le secteur privé lucratif, dans le cadre de la « boite noire » constituée actuellement par l'ONDAM commun aux soins de suite et de réadaptation et à la psychiatrie.

Agir autrement reviendrait, dans l'opacité, à pénaliser une nouvelle fois une psychiatrie oubliée des arbitrages budgétaires et victime d'opérations de recomposition qui lui sont étrangères.

Nous déposerons des amendements pour ce faire, en insistant une nouvelle fois sur l'importance du sujet. La psychiatrie est sollicitée pour un champ immense. Aux pathologies qui relèvent spécifiquement de la psychiatrie s'ajoute le vaste domaine de la souffrance psychique. La santé mentale est au coeur des problématiques de cohésion sociale, du décloisonnement entre le sanitaire et le social et des valeurs du service public hospitalier. Tout cela mérite sûrement un ONDAM spécifique.

Monsieur le ministre, cette reconnaissance spécifique de la place de la psychiatrie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est d'autant plus nécessaire que ce secteur de la médecine souffre d'une augmentation constante de demande de soins de la part de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion