Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis ne peut appeler, par la présentation de cette motion tendant à opposer la question préalable, qu'un rejet global des dispositions qu'il contient.
Il serait même presque inutile, à l'issue de la discussion générale, de revenir encore plus précisément sur quelques-unes de ces dispositions. En effet, ce projet paraît accuser cette année un caractère profondément technique, dénué de tout élément de réforme ou véritablement spectaculaire, l'essentiel ayant été fait : c'est une sorte de projet de loi tout à fait ordinaire, si l'on peut dire.
Pour autant, ce dont il est question aujourd'hui, ce n'est pas seulement d'un dispositif purement technique, susceptible de motiver un large consensus de la représentation nationale, c'est de la mise en oeuvre, comptable et surtout financière, des deux « réformes » dont nous avons eu l'occasion de débattre au cours de ces deux dernières années, au détour de sessions extraordinaires à plus d'un titre, portant d'abord sur le devenir de notre assurance vieillesse et ensuite sur celui de notre assurance maladie.
Mais ce qui revient aussi fortement dans nos débats, ce qui sous-tend leur contenu, ce qui est bel et bien l'essentiel, de notre point de vue, c'est la question suivante : que devient en réalité le droit du Parlement à débattre de la protection sociale dans une loi de financement aussi étroitement bornée que celle dont nous aurons, à défaut d'adopter cette question préalable, à discuter ?
Je ferai donc en préliminaire un petit rappel historique sur ce que le gouvernement en place de 1995 à 1997, dans la foulée du plan Juppé, a voulu faire des lois de financement.
A l'époque, M. Hervé Gaymard, ministre délégué, déclarait : « Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez examiner le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Il est inutile d'insister auprès de vous sur l'importance de ce texte, qui se situe au coeur de la réforme de la sécurité sociale.
« Vous savez également à quel point il est nécessaire que la première des lois de financement de la sécurité sociale puisse être présentée au Parlement dès l'automne prochain. Loin de remettre en cause la réforme, les chiffres récemment publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale soulignent l'impérieuse nécessité de conduire le navire à bon port.
« Au-delà des aléas de la conjoncture, le redressement des comptes et la sauvegarde de notre système de sécurité sociale exigent courage, constance et persévérance. Comme toute réforme de structure, la réforme de la sécurité sociale doit être jugée sur le long terme.
« Mais aucune solution durable et réaliste n'est plus concevable en ce domaine sans que la représentation nationale soit mise en mesure d'effectuer régulièrement et solennellement les choix fondamentaux.
« Il appartiendra ensuite aux pouvoirs publics, aux partenaires sociaux, aux professions de santé et, en définitive, aux assurés sociaux de faire leurs les objectifs que vous voterez. En effet, seul le Parlement dispose de la légitimité qui permettra d'arbitrer sereinement entre les exigences de protection sociale de nos concitoyens et les contraintes économiques et financières qui s'imposent à tous. »
Le moins que l'on puisse dire, une fois rappelée cette conception générale des lois de financement, c'est que nous en sommes loin aujourd'hui.
Après quelques années de répit, dues à la relance de l'activité économique entre 1997 et 2001, la protection sociale se retrouve de nouveau, et singulièrement depuis 2002, dans une situation financière préoccupante, puisque tout a basculé dans le déficit.
Et quelles réponses nous a proposé votre Gouvernement ?
Sur le plan comptable et financier, l'augmentation des prélèvements sur les ménages et la réduction de la quotité des remboursements.
Sur le plan institutionnel, une sophistication approfondie du contrôle technocratique qui s'accentuera par le biais du renforcement des pouvoirs des directeurs d'agences régionales d'hospitalisation, la création de la Haute autorité de santé et in fine la négation des droits de la représentation nationale, celle-ci n'étant habilitée qu'à observer cette montée en puissance de la technocratie sociale...
M. le ministre continuait : « Il en va ainsi de la conception des lois de financement : il s'agira de lois courtes, qui comporteront une double dimension politique et financière. En effet, ces deux caractéristiques les distinguent des lois de finances. »
M. Gaymard a d'ailleurs précisé, à la suite de l'interrogation de M. le président de la commission des affaires sociales, qu'il n'était pas question de fusionner la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.