Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la gravité de la crise à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés appelle de la part du Gouvernement une action déterminée pour apporter, dans l’urgence, les réponses nécessaires en vue de restaurer rapidement la confiance dans notre pays.
Toutefois, dans ce contexte, il appartient aussi à l’opposition de faire différentes propositions utiles et constructives, et tel est l’objet de mon intervention.
Je dresserai tout d’abord un premier constat.
Cette crise n’est pas un accident. Elle révèle très clairement l’effondrement de tout un système, fondé sur la doctrine libérale du laisser-faire et alimenté par des pratiques spéculatives irresponsables.
Il faut rappeler que les dérèglements du capitalisme financier ont suscité depuis plusieurs années des analyses alarmistes. Quelques initiatives ont d’ailleurs été prises tant aux États-Unis qu’en Europe pour tenter de canaliser un peu mieux les comportements des acteurs de la finance. Ainsi, en France, le Parlement a été saisi de plusieurs textes sur la sécurité financière, la transposition de la directive sur les marchés d’instruments financiers, le texte sur les OPA, etc.
Or, force est de constater que, depuis 2002, deux lignes politiques se sont en permanence dégagées lors de ces débats parlementaires : une ligne interventionniste, que nous défendons depuis plusieurs années, visant à une meilleure anticipation et une régulation accrue du capitalisme financier et, en face, une ligne gouvernementale, soucieuse de promouvoir un libéralisme déréglementé et de limiter le champ de la régulation financière.
Plusieurs ministres ont ainsi défendu, au Sénat, cette ligne politique, en reprenant plusieurs lois le même leitmotiv. N’avons-nous pas entendu à maintes reprises : « Il faut respecter la grammaire du monde des affaires ! »
Nous devons aujourd’hui nous réjouir de constater un changement radical de la doctrine gouvernementale. Lors de la récente campagne de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait, on s’en souvient, imprudemment proposé d’introduire en France la formule du crédit hypothécaire pour encourager le recours à l’endettement de nos concitoyens. Aujourd’hui, les déclarations du Président de la République, favorable à un contrôle accru des banques et du crédit, illustrent une prise de conscience, hélas ! bien tardive.
Après avoir longtemps sous-estimé cette crise financière – on pourrait citer de nombreuses autres déclarations ministérielles en ce sens –, le Gouvernement s’investit aujourd’hui dans un interventionnisme décidé en urgence face à une crise mondialisée, qui va de plus en plus imprégner l’économie réelle.
Que faire pour rétablir la confiance au plus vite ?
Pour ce qui concerne l’action à très court terme, beaucoup de choses ont déjà été dites, cet après-midi, à l’Assemblée nationale, et ici même depuis le début de la soirée, sur le renforcement de la solvabilité des banques, sur la préservation d’une liquidité suffisante du système, sur les garanties à apporter aux épargnants au travers d’une recapitalisation nécessaire des banques et sur la nécessité d’une transparence accrue.
Au-delà de ces propositions et pour parer aux difficultés croissantes d’une économie réelle gravement fragilisée, nous appelons à la mise en place d’un Fonds national de garantie des prêts ainsi qu’à la prise de mesures ambitieuses de soutien à l’investissement à travers la fiscalité et l’intervention publique, sur le logement par exemple. À cette fin, le lancement d’un grand emprunt européen serait de nature à créer une dynamique de relance.
N’oublions pas, enfin, que la question des rémunérations et du pouvoir d’achat doit être au cœur de tout processus de rétablissement d’une confiance réellement partagée.
J’aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, la place que vous accordez à la confiance partagée et à la préoccupation d’associer l’ensemble de nos concitoyens à la recherche de solutions, notamment à travers l’amélioration du pouvoir d’achat.
Au-delà de cette préoccupation de très court terme, et pour empêcher que cette crise ne se reproduise – telle est sans doute l’intention que vous aviez en sollicitant l’avis du Parlement –, il s’agit de voir dans quelle mesure les modifications législatives peuvent apporter des solutions. Comme nous l’avons toujours répété ici depuis la dernière crise financière, il faut réviser totalement le modèle du capitalisme financier, le modifier pour lui adjoindre des garde-fous.
Dès l’éclatement de la bulle spéculative et la chute d’Enron en 2001-2002, nous appelions ici-même à « une montée en puissance du pouvoir régulateur de l’État face aux risques de surchauffe issus des pratiques spéculatives poussées à l’extrême ».