Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 8 octobre 2008 à 21h30
Crise financière et bancaire — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de son intervention, M. Woerth a évoqué « des pratiques qui n’auraient jamais dû exister ». Au cours des vingt dernières années, les marchés ont subi une triple évolution caractérisée par la déréglementation, la désintermédiation et le décloisonnement.

Une nouvelle logique financière s’est instaurée, caractérisée par la globalisation. Celle-ci a favorisé le financement des entreprises et de l’économie, mais, contrairement à la logique industrielle, la logique financière privilégie le court terme. De nouveaux produits et de nouvelles techniques financières ont vu le jour, qui confirment la priorité donnée à la rentabilité immédiate, la valeur spéculative divergeant parfois de la réalité économique.

La sophistication des marchés financiers s’est considérablement accrue. Nous sommes donc passés d’un capitalisme industriel d’entreprenariat et d’une économie financée par le crédit à un capitalisme financier de marché, où non seulement les entreprises, leurs risques, leurs crédits, mais aussi des ensembles d’entreprises, des indices boursiers ou de prix de matières premières énergétiques, de métaux, de denrées alimentaires et même des indices climatiques, des quotas d’émission de CO2, des variations de taux, se négocient comme des marchandises, le prix d’équilibre du marché n’étant pas forcément le reflet d’une réalité économique d’ensemble mais du résultat de spéculations. De nouveaux produits ont vu le jour, toujours plus sophistiqués, comme les opérations de LBO à effet de levier, les nouveaux produits de titrisation ou les CDS – credit default swaps. Ces produits structurés sont d’une telle complexité qu’ils en deviennent opaques pour le commun des mortels et – pire ! – également pour ceux qui sont chargés de leur commercialisation. On en vient à ignorer ce qu’on acquiert exactement !

Parallèlement, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les nouvelles normes comptables qui ont été imposées. Comment se fait-il que l’Union européenne, et donc la France, ait été aussi apathique pour favoriser une autorégulation des marchés financiers et du système bancaire, où l’efficacité et la stabilité de la profession reposent sur des codes de bonne gouvernance – la compliance – et des normes comptables internationales inspirées des normes américaines, l’IFRS ? Ces nouvelles normes d’origine anglo-saxonne ne vont-elles pas au bout du compte aggraver durablement cette crise ? Les normes généralisées du mark to market visent à valoriser les actifs et les passifs des institutions financières au prix de marché, ce qui a renforcé la volatilité de leurs comptes. Ainsi – et nous en sommes arrivés là aujourd’hui –, lorsque le marché interbancaire est bloqué et que les prix s’effondrent anormalement, de façon temporaire ou sous l’effet d’une spéculation, la banque peut se trouver en défaut, avec un besoin de liquidité pour couvrir la perte, temporaire ou supposée, mesurée à l’instant T. Or, le marché étant moutonnier, la moindre rumeur relative à un problème de liquidité est interprétée comme un potentiel problème de solvabilité, avec le risque de ne pas pouvoir honorer le remboursement de la dette…

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