Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, loin de moi la tentation de souligner l’ironie de l’histoire qui conduit les plus fervents apôtres de la dérégulation, les plus féroces pourfendeurs de l’État, à appeler ce dernier au secours pour surmonter ce qu’ils présentent comme une crise et où je vois, moi, une remise en cause fondamentale d’un modèle hier encore considéré comme indépassable : le libéralisme économique.
D’autres l’ont dit avant moi et ils ont eu raison : il y a eu des signes avant-coureurs de la fragilité d’une économie financiarisée, opaque, où les profits de court terme l’emportent sur toute autre considération – la morale publique, le lien avec l’économie réelle, l’impact sur l’emploi, l’environnement ou la santé.
Ces signes ont été ignorés par le Gouvernement, convaincu il y a encore quelques jours que la crise financière ne traverserait pas davantage l’Atlantique que le nuage de Tchernobyl les frontières nationales…
Aucune mesure préventive de régulation n’a été mise en place.
Il s’agit désormais, dans l’urgence, d’éviter l’écroulement général du système bancaire, la raréfaction du crédit et l’effet domino sur des pans entiers de l’économie.
Au-delà, il faut admettre que la crise actuelle n’est pas un simple incident de parcours : elle aura des conséquences majeures.
Il serait incompréhensible de mobiliser toutes les énergies pour sauver les banques si les responsabilités de ceux qui nous ont conduits au bord du désastre, les yeux fermés, mais les parachutes en or déployés, n’étaient pas établies. Ce serait encore plus incompréhensible si le soin de mettre en place des règles rigoureuses devait être confié aux mêmes demain !
Il serait obscène, monsieur le ministre, de mobiliser l’essentiel des moyens dont vous disposez pour soutenir les banques si tout n’était pas fait, par ailleurs, pour soutenir les personnes les plus modestes, celles qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté, celles qui, parce qu’elles travaillent dans un secteur exposé ou dans une petite entreprise fragilisée par le report des chantiers ou la rareté du crédit, risquent de perdre leur emploi.
Comment admettre, au moment même où l’on appelle l’État au secours, que soient supprimés massivement des postes de fonctionnaires ? Comment expliquer l’effondrement programmé du budget du logement social et l’absence de moyens budgétaires permettant de concrétiser les engagements du Grenelle de l’environnement et de réaliser les tramways, les métros, les bus, sans lesquels nous serons incapables de nous adapter à la nouvelle donne énergétique ?
Est-ce bien le moment de priver des villes pauvres des moyens qui permettent de limiter la casse ? Êtes-vous au courant, monsieur le ministre, qu’il faudrait ne plus tenir compte du pourcentage de logements sociaux dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine ? Comme si les villes qui ont beaucoup de logements sociaux – je ne parle pas de 20 % de logements sociaux, un chiffre qui continue à donner de l’urticaire à certains d’entre vous, mais de 30 %, de 35 %, de 40 %, voire davantage – n’avaient pas, autant que les autres, plus que les autres, besoin du soutien de l’État pour répondre aux attentes de leurs populations !
Ma question est simple, monsieur le ministre : le Gouvernement ne considère-t-il ce court débat au Parlement, sans vote, que comme un mauvais moment à passer ou envisage-t-il de prendre la mesure de la situation et de revoir en profondeur le projet de loi de finances concocté dans la béatitude de l’été ?