Intervention de Nadine Morano

Réunion du 27 octobre 2010 à 14h30
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion de deux propositions de loi

Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi n° 223 a pour objet de permettre une augmentation significative de la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises.

Déposée sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale, cette proposition de loi tend à répondre aux évolutions de notre société et à un droit inscrit dans notre Constitution. En effet, aux termes de l’article 1er de la Constitution, modifiée récemment sur ce point, « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Victor Hugo disait : « Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme. » Deux siècles après, nous continuons à lutter pour que les femmes et les hommes aient un droit égal à avoir un destin !

Ce texte s’inscrit dans la dynamique insufflée par le Gouvernement dans ce domaine. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un objectif majeur, au regard duquel chacun est appelé à prendre ses responsabilités. Le Président de la République et le Premier ministre ont inscrit ce sujet à l’agenda social dès 2009. Il s’agit d’un axe fort de l’action du ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Or, en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, beaucoup de choses restent à faire, beaucoup d’habitudes restent à bousculer. Nous l’avons fait dans le projet de loi portant réforme des retraites, avec Éric Woerth, en revenant sur bon nombre d’idées reçues. Les inégalités en matière de retraite sont désormais, pour la plupart des femmes, le résultat des inégalités subies au cours de la carrière. Il faut donc agir sur les véritables causes des écarts de pension entre hommes et femmes : les inégalités en termes de salaire, de promotion et d’accès à la formation.

Grâce à notre réforme des retraites, les congés de maternité ne seront plus pénalisants pour le montant des retraites des femmes, car les indemnités journalières versées en pareil cas seront portées au compte.

Nous avons également ouvert la possibilité aux entreprises de faire en sorte que les périodes de congés familiaux ne soient pas pénalisantes pour les retraites. Les entreprises pourront, par accord collectif, décider de verser dans le cadre des congés familiaux – notamment en cas de congé parental – les cotisations ou contributions destinées à financer les régimes de retraite complémentaire. La part salariale correspondant à ces cotisations ou contributions n’est en effet pas assimilable, en cas de prise en charge par l’employeur, à une rémunération pour les six premiers mois de prise en charge à compter du début du congé.

Surtout, le Gouvernement a mis en place un dispositif pour pénaliser l’absence d’actions en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Ce dispositif sera applicable aux entreprises d’au moins 50 salariés et prendra la forme d’un prélèvement de 1 % sur la masse salariale brute. Cette pénalité sera applicable dès le 1er janvier 2012 et, jusqu’à cette date, nous accompagnerons les entreprises pour mettre ce plan en place.

De plus, nous avons voulu faire en sorte que les entreprises soient transparentes sur le sujet, ce qui valorisera les plus vertueuses d’entre elles. Nous savons que l’image de l’entreprise peut avoir une incidence, notamment sur sa capacité à attirer des clients, mais également des candidates ou des candidats au recrutement. La loi prévoira l’obligation de rendre publiques des informations sur le contenu du diagnostic et du plan en matière d’égalité professionnelle.

Nous avons en outre appelé l’ensemble des acteurs à faire des propositions et à prendre leurs responsabilités. Ainsi, dès novembre 2009, le ministre du travail a saisi les partenaires sociaux d’orientations, afin qu’ils puissent faire avancer la question par leurs discussions.

C’est aussi dans cet esprit que le Premier ministre a souhaité, lors de l’installation de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, que celui-ci puisse être force de proposition en vue d’évolutions législatives.

En particulier, il est nécessaire de faire en sorte que la place des femmes dans les entreprises soit conforme à leur place dans la société. L’augmentation du nombre de femmes dans les conseils d’administration des sociétés est le moyen de permettre aux femmes de trouver leur juste place dans les entreprises.

La présente proposition de loi s’inscrit dans cette démarche d’amélioration de la carrière des femmes et de leur accès à des postes de responsabilité, en ciblant un élément hautement symbolique de leur place dans les lieux de pouvoir. En ce domaine aussi, notre pays est loin d’être exemplaire.

J’ai noté avec attention que, depuis l’annonce de cette initiative parlementaire, la proportion de femmes dans les conseils d’administration est passée de 10 % en 2009 à près de 16 % aujourd’hui. En outre, les grandes entreprises, sous l’impulsion du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées – l’AFEP –, ont adopté une charte. Je salue ces évolutions. Elles méritent bien sûr d’être confortées et complétées.

Je veux affirmer l’idée, encore rejetée par trop d’acteurs économiques et politiques, que la mixité dans les conseils d’administration, comme dans toute instance de direction, est une chance pour les entreprises. De nombreuses études l’ont montré : elle constitue la marque d’une gouvernance en relation avec la réalité du marché du travail et des compétences existantes dans le pays. Bref, la mixité est un gage de bonne gouvernance !

Sur la question précise des conseils d’administration, le groupe UMP et les parlementaires ont souhaité prendre l’initiative.

Je veux saluer le travail exemplaire réalisé par Mme le rapporteur de la commission des lois, Marie-Hélène Des Esgaulx, qui a procédé à de nombreuses auditions et beaucoup écouté. Elle s’est ainsi fait une idée claire, précise et partagée des objectifs visés au travers de cette proposition de loi et des dispositions à mettre en place pour les atteindre.

D’ailleurs, je tiens aussi à souligner la persévérance de celles et ceux qui, sur toutes les travées de cette assemblée, ont effectué un véritable travail de rapprochement pour mieux faire valoir l’égalité professionnelle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes satisfaits de l’équilibre global du texte et des avancées apportées par vos soins. Grâce à vous, la France sera le deuxième pays européen, après la Norvège, à conduire une politique aussi volontariste dans ce domaine.

Dans six ans, grâce à ce texte, les grandes sociétés cotées et les entreprises de plus de 500 salariés réalisant un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Un premier palier de 20 % est fixé à l’échéance de la première assemblée générale se tenant dans la troisième année suivant la promulgation de la loi.

Les sociétés qui ne respecteront pas cet objectif verront les nominations au conseil d’administration frappées de nullité, mais sans que cela entraîne la nullité des délibérations. C’est une nuance d’importance par rapport au texte qui a été voté à l’Assemblée nationale : la suppression de la nullité des délibérations permet de maintenir une stabilité juridique indispensable au développement économique des entreprises visées.

La disposition la plus innovante à mes yeux consiste à suspendre le versement des jetons de présence des membres du conseil d’administration et à le rétablir une fois la composition du conseil d’administration devenue régulière. Je ne doute pas que ces mesures suscitent, comme vous le souhaitez, un « électrochoc » au sein de nombreux conseils d’administration.

Je suis persuadée que le débat d’aujourd'hui permettra encore d’enrichir le texte. Que les choses soient claires : l’objet de cette proposition de loi est non pas d’empêcher les entreprises de fonctionner, ce qui pénaliserait les salariés, l’emploi et l’économie tout entière, mais de provoquer une évolution en matière d’égalité professionnelle.

Cette réforme, nous l’avons voulue pragmatique.

Cela implique, d’abord, que les entreprises bénéficient d’un délai minimal de mise en œuvre du nouveau dispositif.

Cela suppose, ensuite, de proposer un mécanisme simple, pour éviter la création d’une « usine à gaz ».

Cela commande, enfin, d’exclure momentanément du champ du dispositif les établissements publics industriels et commerciaux qui ne sont pas régis par la loi du 26 juillet 1983, ainsi que les établissements publics administratifs, en raison de leur très grande hétérogénéité. Je crois, en effet, qu’il faut à tout prix éviter de créer un dispositif trop complexe, ce qui imposerait la refonte des décrets.

Comme l’État doit être exemplaire, nous voulons trouver les voies et les moyens d’aboutir au résultat souhaité le plus rapidement possible. Voilà pourquoi Françoise Guégot, députée de la Seine-Maritime, a été nommée parlementaire en mission auprès d’Éric Woerth et de Georges Tron afin d’identifier les obstacles qui demeurent au sein des trois versants de la fonction publique en matière d’égalité professionnelle, en termes de déroulement de carrière et de représentation féminine aux postes de décision et dans les instances de concertation.

À ce propos, je tiens à saluer les recommandations de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes au sujet de la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration faites en juin 2010, recommandations qui mentionnaient déjà la question des délais d’application de ce texte pour les établissements publics administratifs. Nous comptons sur la vigilance de cet organisme et l’expertise de ses membres pour suivre la mise en œuvre de cette réforme et faire toutes propositions utiles.

L’instauration de quotas dans les conseils d’administration des entreprises cotées et des entreprises les plus importantes est un pas important, qui s’inscrit dans le cadre de notre politique globale en matière de promotion des femmes à des postes de responsabilité.

De ce point de vue, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les entreprises ne sont pas, tant s’en faut, les seules responsables de la situation existante.

Les résistances à l’égalité professionnelle proviennent d’abord de représentations culturelles, que nous devons faire évoluer dans tous les domaines, notamment l’éducation et les médias. Notre tâche est donc aussi de travailler sur une certaine vision de l’homme et de la femme, transmise jour après jour à nos enfants, et de lutter contre les stéréotypes sexistes et les déterminismes sexués qui en découlent. C’est ce à quoi nous nous employons.

Nous nous sommes par exemple rendu compte, dans le cadre de la commission présidée par Michèle Reiser, que, dans les médias, les hommes sont consultés comme « savants », quand les femmes le sont plus volontiers comme « profanes » : en effet, 20 % d’entre elles seulement sont sollicitées comme expertes, contre 80 % comme simples témoins.

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