Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 27 octobre 2010 à 14h30
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Suite de la discussion de deux propositions de loi et adoption du texte de la commission modifié

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, auteur de la proposition de loi n° 291 :

En effet ! Je tiens à remercier, à cet instant, Mme Des Esgaulx, qui s’était engagée, le 29 avril dernier, avec l’appui de M. le président de la commission des lois, à ce que ce texte soit examiné en séance publique et fasse l’objet d’un vote.

Les deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui ont pour objet d’assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance, selon un même calendrier, mais elles diffèrent sur deux sujets essentiels : le périmètre d’application du dispositif, tout d’abord, et surtout le recours à la limitation du cumul des mandats sociaux pour atteindre l’objectif visé. Pour notre part, nous croyons davantage en la pertinence d’une telle mesure : il nous semble plus rationnel de s’appuyer sur une limitation du cumul des mandats sociaux que d’invoquer les écarts de taux de testostérone entre hommes et femmes, comme a pu le faire Mme Lagarde lors du Forum mondial des femmes ! §

Outre la représentation des femmes, je suis convaincue que la crise financière, ses causes, ses effets nous obligent à repenser plus largement la gouvernance des sociétés, au moins sur trois points : la responsabilité des administrateurs, les rémunérations et la responsabilité des entreprises.

S’agissant des rémunérations, nous avions déposé une proposition de loi sur ce sujet, qui a été débattue au Sénat le 4 novembre 2008, et nous y revenons sans cesse lors de l’élaboration des lois de financement de la sécurité sociale et des lois de finances, d’autant que l’on a pu constater, passé le plus fort de la crise, le retour des pires excès en matière de rémunérations variables.

Pour ce qui concerne le rôle et la diversité sociale et culturelle des administrateurs dans une économie et une finance mondialisées, je veux croire que notre débat d’aujourd’hui permettra d’avancer sur ce sujet.

Quant à la responsabilité sociale et environnementale introduite par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, on voit bien que celle-ci est contournée et qu’il faudra y revenir.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier, sur l’initiative de M. Copé et de Mme Zimmermann, a indéniablement donné un coup d’accélérateur à la progression du nombre de femmes dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Leur proportion au sein des conseils des entreprises du CAC 40 est passée de 10, 5 % à 15, 3 %, et le code de gouvernement d’entreprise élaboré par l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et le MEDEF préconise, au travers de l’une de ses recommandations, une meilleure représentation des femmes. Une lecture optimiste des assemblées générales d’actionnaires du printemps dernier nous autorise à penser que le mouvement est engagé et qu’il ne s’inversera pas.

Pour autant, si l’on entre dans le détail des chiffres, on relève que vingt-trois sociétés du CAC 40 n’accueillent qu’une femme dans leur conseil et que deux seulement en comptent quatre. Par conséquent, si la porte est entrouverte, elle n’en demeure pas moins très largement fermée.

Quant aux entreprises à participation publique, leurs conseils d’administration ne comprennent que 13 % de femmes, et encore ce chiffre n’est-il atteint, pour l’essentiel, que grâce aux administrateurs salariés des anciennes sociétés publiques privatisées dans le mouvement de 1986.

À titre d’exemple, le conseil du groupe La Poste, qui a été nommé en mars 2010 à la suite de la transformation de l’établissement public industriel et commercial en société anonyme à capital public, compte une proportion de femmes supérieure à la moyenne du CAC 40, ce qui mérite d’être salué, mais l’État n’a nommé qu’une femme, et ce sont les salariés et les usagers qui en ont désigné quatre. Quant à EDF, à Renault ou à France Télécom, leurs conseils accueillent moins de femmes que la moyenne du CAC 40. Pourtant, comme l’ont souligné Mmes Garriaud-Maylam et Des Esgaulx, Mme Lagarde avait déclaré, avant la tenue du Forum mondial des femmes, avoir fait établir par l’Agence des participations de l’État une liste d’une trentaine de femmes ayant le niveau de compétence requis. Nous suivrons donc très attentivement le sort qui leur sera réservé lors du renouvellement des mandats d’administrateur, par exemple chez EADS, dont le conseil ne comporte aucune femme.

Cela étant, le groupe socialiste est intimement persuadé que le meilleur moyen d’atteindre l’objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes est de limiter le nombre de mandats détenus par les administrateurs.

Nous divergeons sur ce point, madame Des Esgaulx. Vous avez utilisé un argument de forme consistant à renvoyer une telle disposition à un texte spécifique, mais l’expérience montre que, en matière de parité, il en va des sociétés comme de la vie politique. Vous partagez sans doute notre conviction qu’il est nécessaire d’instaurer une limitation du cumul des mandats sociaux, mais vous reportez sa traduction législative à plus tard.

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