Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 27 octobre 2010 à 14h30
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Suite de la discussion de deux propositions de loi et adoption du texte de la commission modifié

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le triptyque de valeurs qui constitue notre pacte républicain, l’égalité tient une place particulière.

La promotion de l’égalité a été et est toujours au cœur de nombreuses politiques publiques. Depuis les années soixante-dix, cet idéal, décliné dans les milieux professionnels, a inspiré de nombreuses mesures incitatives visant à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a même inscrit dans notre Constitution que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Cependant, force est de le constater, en dépit de cette ambition affirmée, les efforts consentis pour parvenir à l’égalité des sexes dans le monde de l’entreprise n’ont pas complètement atteint leur objectif. En l’occurrence, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

La féminisation des organes décisionnels des entreprises a, certes, progressé ces dernières années, mais les hommes restent largement détenteurs des postes à responsabilités, occupant en moyenne 72, 9 % de ceux-ci.

De plus, selon certaines études, la situation minoritaire des femmes est d’autant plus prégnante que l’entreprise est plus importante. Ainsi, dans les entreprises de moins de dix salariés, 18, 5 % des postes de décision sont occupés par des femmes, mais cette proportion tombe à 10, 5 % dans les entreprises du CAC 40.

L’insuffisante représentation des femmes dans les instances dirigeantes des grandes sociétés n’est pas un mal typiquement français. Les moyennes établies par la direction générale « emploi, affaires sociales et égalité des chances » de la Commission européenne montrent que seulement 3 % des présidents des instances dirigeantes des entreprises cotées en bourse et 11 % des membres des conseils de direction de ces mêmes entreprises sont des femmes.

Plusieurs études scientifiques et économiques publiées ces dernières années ont, par ailleurs, établi une corrélation entre la féminisation de l’entreprise et sa performance économique. Un vivier de femmes compétentes pour accéder aux postes à responsabilités des grandes entreprises existe pourtant en France, et il est temps, en 2010, de mettre tout en œuvre pour que l’égalité professionnelle des femmes et des hommes soit une réalité !

Les textes de Mme Bricq et de M. Copé, soumis aujourd’hui à notre examen de manière conjointe, vont dans ce sens. Au nom du groupe UMP, je m’en réjouis. Ils visent à assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration ou de surveillance des entreprises publiques et privées.

Sur l’initiative de Mme le rapporteur de la commission des lois, Marie-Hélène Des Esgaulx, ces deux propositions de loi ont été profondément modifiées. Elles s’articulent désormais autour de quatre dispositions principales.

Le texte fixe tout d’abord la proportion minimale de mandataires sociaux de chaque sexe à 40 %. Le choix d’un tel seuil se justifie par la nécessité de ménager une certaine souplesse, permettant d’accompagner l’évolution de la composition des conseils d’administration tout en influant sur elle.

Ensuite, le champ d’application de cette proposition de loi est relativement large, puisque ses dispositions s’appliqueront non seulement aux entreprises cotées en bourse, mais aussi aux sociétés employant au moins 500 salariés et présentant un chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros.

Le choix de viser les entreprises cotées en bourse se justifie pleinement au regard de leur capacité à recourir à l’épargne publique. De plus, le dédoublement du critère de chiffre d’affaires avec celui du total de bilan permettra d’appliquer ce texte aux holdings, dont le chiffre d’affaires peut être minime alors que le portefeuille d’actions détenu est important. Ainsi, entre 1 400 et 2 000 entreprises devraient être concernées par ce dispositif. Nous nous en réjouissons.

Mme le rapporteur de la commission des lois a souhaité ajouter que les établissements publics qui n’ont pas le statut d’entreprise publique au sens de la loi de 1983 ne seront pas soumis au seuil de 40 %. En effet, certains de ces établissements n’ayant pas de conseil d’administration, il aurait été inconcevable de leur appliquer une telle législation.

En outre, Mme le rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Joëlle Garriaud-Maylam, a estimé, dans l’une de ses recommandations, que l’État devait être exemplaire en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration. À cet égard, une mission sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique a été confiée à la députée Françoise Guégot. La nécessaire exemplarité de l’État en la matière fera donc l’objet d’une étude spécifique.

Par ailleurs, le présent texte prévoit des objectifs qui seront atteints de manière progressive. Comme l’a très justement souligné Mme le rapporteur de la commission des lois, une période d’adaptation sans sanctions est nécessaire afin de ne pas perturber le fonctionnement des conseils d’administration. La proportion minimale de 40 % de mandataires sociaux de chaque sexe devra être atteinte dans les six ans suivant la promulgation de la loi, avec une étape intermédiaire de 20 % à l’échéance de trois ans.

Enfin, l’efficacité d’une telle mesure sera garantie par la mise en place d’un système d’incitation-sanction. En effet, en cas de non-respect de la proportion minimale de 40 % d’administrateurs de chaque sexe au sein des conseils, le versement des jetons de présence des mandataires sociaux sera temporairement suspendu. Si la parité devait être établie a posteriori, les jetons de présence seront rendus avec arriérés. De plus, toute nomination de mandataire effectuée en contradiction avec le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes sera nulle. Nos rapporteurs, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Joëlle Garriaud-Maylam, n’ont cependant pas souhaité retenir comme sanction la nullité des délibérations du conseil auxquelles auraient participé des administrateurs irrégulièrement nommés. En effet, une telle sanction pourrait s’avérer particulièrement dangereuse en termes de sécurité juridique. Si la sanction de nullité peut toucher les délibérations internes, elle peut aussi concerner des tiers, ce qui n’est pas acceptable.

Par ailleurs, les dispositions relatives à la limitation du cumul des mandats initialement contenues dans la proposition de loi de Mme Bricq ont été supprimées. La commission des lois a en effet considéré que de telles mesures ne concernaient pas directement la question de la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration, mais s’inscrivaient davantage dans une réflexion globale sur la manière de professionnaliser ces derniers.

Le présent texte ajoute incontestablement une pierre à l’édifice de la parité entre hommes et femmes, ce dont le groupe UMP se félicite.

À ce titre, je tiens à saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Joëlle Garriaud-Maylam, grâce auquel nous sommes parvenus à un texte juste et équilibré. Le groupe UMP votera la proposition de loi telle que modifiée par la commission des lois.

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