Intervention de Gisèle Gautier

Réunion du 27 octobre 2010 à 14h30
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Suite de la discussion de deux propositions de loi et adoption du texte de la commission modifié

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui sur la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.

Je rappelle l’intitulé de cette proposition de loi, parce que certains – ou certaines – d’entre vous, qui me connaissent quelque peu, savent que je ne suis pas une partisante inconditionnelle de l’imposition de quotas par la voie législative. J’y suis même opposée, raisonnant sans doute comme beaucoup de femmes qui ont toujours voulu que la position des femmes progresse sur la base de leur crédibilité.

La question des quotas a toujours été plus ou moins un sujet de controverse. Je l’avais d’ailleurs déclaré après le vote de la loi de 2000 sur la parité en politique. Néanmoins, avec le recul, force est de constater que cette mesure a permis d’obtenir des résultats significatifs, même s’il reste beaucoup à faire pour changer les mentalités et les comportements.

L’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas encore devenue une réalité au quotidien. L’émergence d’une volonté politique doit coïncider avec une véritable prise de conscience de l’ensemble de notre société de la nécessité de rééquilibrer les rôles.

Le présent texte pourrait devenir un des leviers de la reconnaissance et de la dynamisation de l’accès des femmes aux instances de décision des entreprises privées et publiques, mais il est pour moi essentiel qu’il soit, une fois voté, complété par des mesures d’accompagnement.

Plusieurs pays européens se sont penchés sur cette problématique. Ils y ont apporté des réponses différentes et ont obtenu des résultats divers. La Norvège, nombre d’intervenants l’ont souligné, est un exemple de la réussite de la politique des quotas. La Finlande, pour sa part, a opté pour un processus volontaire qui lui permet de figurer en tête des pays ayant la plus forte proportion de femmes siégeant au sein de conseils d’administration. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est ainsi !

À ce jour, seuls 26 % des sociétés finlandaises ne comptent pas de femmes dans leur conseil d’administration, selon Mme Leena Linnainmaa, directrice de la chambre de commerce centrale de Finlande, que j’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer dans le cadre des réunions du Conseil de l’Europe. Dans ce pays, la prise en compte des qualités de l’entreprenariat féminin a permis l’amélioration rapide de la représentation des femmes dans les conseils d’administration. C’est avant tout le code de gouvernance des entreprises qui a imposé que les deux genres y soient représentés. L’Italie et les Pays-Bas, pour leur part, préparent une loi visant à imposer un quota de l’ordre de 30 % de femmes dans les conseils d’administration.

De grâce, mes chers collègues, ne nous inspirons pas des mesures prises par la Norvège, qui a choisi de sanctionner le non-respect de la loi par la dissolution des entreprises – décision très grave –, plutôt que de pénaliser les administrateurs.

Le présent texte prévoit, en cas de non-respect des prescriptions de la loi dans les délais impartis, de rendre nulles les nominations et de supprimer les jetons de présence. Ces dispositions me conviennent parfaitement !

L’article 7 de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale prévoit la transmission au Parlement d’un rapport annuel sur la situation comparée des hommes et les femmes, dont la rédaction serait confiée à la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, la DDTEFP.

Mes chers collègues, nous devrons veiller avec une extrême attention au respect du nouveau dispositif que nous allons créer. Trop souvent, ces mesures dites de « bonne intention » restent sans suite : il est donc absolument nécessaire d’établir des statistiques officielles et annuelles. J’insiste sur ce point, car nous avons parfois adopté des mesures qui n’ont pas produit les effets que nous en escomptions. J’en ai quelques exemples très frais en mémoire.

Et que l’on ne vienne pas me dire, comme on le fait parfois, que les femmes ne sont pas préparées ou formées pour assumer des postes de haute responsabilité ! Un véritable vivier existe déjà, dans lequel les entreprises peuvent puiser.

Un constat s’impose – souvenez-vous du rapport sur l’égalité professionnelle établi par la délégation aux droits des femmes lorsque j’en étais présidente : les jeunes femmes font aujourd’hui des études supérieures plus longues et obtiennent des résultats plus brillants que les garçons, et ce dans pratiquement toutes les filières de formation et d’enseignement. Nous disposons donc désormais d’une diversité de profils intéressante qui peut nous permettre de jeter un autre regard sur l’avenir.

Quelles stratégies, quelles attitudes positives faut-il adopter pour accompagner cette future loi ? Car ne l’oublions pas, mes chers collègues, la loi est nécessaire, mais elle doit s’accompagner de mesures incitatives.

Les pays anglo-saxons ont pris l’habitude de travailler en réseau, c’est ce que l’on appelle familièrement le « réseautage ». On entend beaucoup parler de cette méthode, qui fonctionne bien et donne des résultats très positifs : il n’y a pas de raison qu’il en aille autrement chez nous ! D’ailleurs, cette formule commence à apparaître en France, je pense au women’s club de Deauville, mais aussi à bien d’autres organisations. Nous devons la renforcer par tous les moyens possibles : clubs, échanges nationaux et internationaux, rencontres des savoirs… Elle se met en place doucement, de façon assez modeste. Il convient donc d’encourager son développement.

Il existe d’autres facteurs incitatifs, notamment la mise en pratique du principe de solidarité, c’est-à-dire l’apport d’un soutien par des personnes expérimentées. Nous ne parvenons pas, en France, à organiser la solidarité entre les hommes et les femmes, … et c’est bien dommage !

Un autre facteur incitatif réside dans la féminisation des intitulés des métiers. Cela peut sembler mineur, mais je suis convaincue que cette féminisation participe de la promotion de la place des femmes dans les différentes filières économiques réputées comme des bastions masculins.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion