Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Mandat des conseillers à l'assemblée des français de l'étranger — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise est aussi simple qu’importante : simple, car elle est dictée par le bon sens ; importante, car si le Sénat veut bien l’adopter, elle permettra une organisation réaliste et, espérons-le, efficace des prochaines échéances démocratiques à l’étranger.

Je ne veux pas anticiper sur ce qui va vous être brillamment exposé par M. Hyest, rapporteur de cette proposition de loi. Néanmoins, je me félicite de ce qu’il ait aussi bien cerné, dans son excellent rapport, les enjeux de mon texte.

Le problème qui nous occupe aujourd’hui est le suivant : trop de tours de scrutin doivent se tenir en trop peu de temps, dans des conditions trop différentes.

En 2012, les Français de l’étranger voteront, comme leurs concitoyens de métropole, pour l’élection du Président de la République et, pour la première fois, pour celle de leurs députés. Mais, à l’étranger, un cinquième tour de scrutin devrait être organisé en juin de la même année pour le renouvellement de la moitié de l’Assemblée des Français de l’étranger, laquelle constitue le collège électoral des douze sénateurs des Français de l’étranger.

Mes chers collègues, il est impossible de mobiliser cinq fois en deux mois l’électorat français à l’étranger. Il ne s’agit pas seulement d’une question de délais trop courts. En effet, les modalités de participation au vote pour ces deux élections diffèrent en tout : délai entre les deux tours, nombre de procurations admissible, possibilité de voter à distance, par voie postale ou électronique, etc. Le seul point commun entre ces deux élections, c’est le corps électoral : ceux qui ont souhaité voter à l’étranger pour la présidentielle seront réputés vouloir voter également à l’étranger pour les législatives.

La situation, on le voit, est déjà compliquée. Elle s’aggrave encore avec nos élections locales. Pourrait-on imaginer que se tiennent des élections municipales en juin 2012 en métropole ? On ne peut pas organiser le renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’étranger cette même année : non seulement les modalités de participation au vote sont encore différentes de celles des deux élections précédentes, mais le corps électoral est lui aussi différent.

Il faut également souligner le très important problème de la participation électorale à l’étranger pour faire pleinement comprendre que le corps électoral n’y est pas facile à mobiliser, a fortiori cinq fois en deux mois.

Nous proposons donc de décaler d’une année le scrutin local.

Pourquoi cette solution s’est-elle imposée ?

Tout d’abord, elle ne représentera pas une surcharge de travail pour l’administration consulaire, bien au contraire. C’est pourquoi la direction des Français à l’étranger du Quai d’Orsay a déjà exprimé son soutien à ce texte.

Une autre solution avait été proposée, consistant à coupler ces élections locales avec le premier tour des élections législatives.

Un premier argument avait été avancé pour appuyer cette proposition : la médiatisation de ces premières élections législatives destinées aux Français résidant à l’étranger profiterait aux élections à l’AFE, qui souffrent d’une abstention endémique.

En réalité, en 1994, lorsque les élections à l’AFE avaient été couplées avec les élections européennes, si la participation aux premières avait certes été meilleure, la participation aux secondes avait baissé de presque neuf points.

Second argument, il serait plus simple d’organiser les deux scrutins en même temps. Or cela est faux ! L’administration devrait alors assumer la même charge de travail, mais en disposant de deux fois moins de temps. Le jour du scrutin, il faudrait en effet mobiliser deux fois plus de personnel, dans deux fois plus de bureaux de vote. Ainsi, le nombre de ceux-ci dépasserait le millier. Par exemple, au lieu d’ouvrir vingt bureaux de vote à Montréal, comme en 2007, il faudrait en prévoir quarante, réquisitionner quatre-vingts fonctionnaires pour toute une journée dans cette seule ville et trouver autant d’assesseurs, ce qui est impossible. Il faudrait donc s’attendre à de très nombreux recours.

En outre, les votes à distance seraient sources de beaucoup d’erreurs, en raison de la simultanéité des scrutins : erreurs de bulletin ou d’enveloppe, oubli de voter pour l’un ou l’autre scrutin…

C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables au couplage d’élections aussi différentes. Il vaut mieux reporter l’élection des conseillers à l’AFE, pour plus de sérénité.

Cependant, une telle solution est-elle conforme à la Constitution ? Oui, et c’est le deuxième élément qui justifie mon initiative.

La prorogation des mandats est parfaitement constitutionnelle – le Sénat est bien placé pour le savoir – si elle permet de répondre de façon proportionnée à l’exigence de clarté des enjeux électoraux.

Que l’on me permette de rappeler les conditions imposées par les sages du Conseil constitutionnel : la prorogation du mandat doit être justifiée par des considérations d’intérêt général et cette modification doit avoir un caractère exceptionnel et transitoire.

Or certains de nos collègues ont pu proposer de reporter ces élections locales à 2014, afin qu’elles coïncident avec celles des nouveaux conseillers territoriaux. Il s’agirait d’un symbole intéressant pour les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, mais un report de deux ans, justifié par le renforcement du poids institutionnel de l’AFE, ne répond pas aux critères que j’ai évoqués.

La troisième raison qui fonde la solution que je vous propose est la conviction des élus des Français de l’étranger.

Quelle est-elle ? Après plusieurs mois de débat, les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger se sont prononcés, lors d’un vote en séance plénière, très majoritairement en faveur de cette solution.

Mes chers collègues, il est toujours suspect de rallonger un mandat ; nous en sommes tous conscients, et c’est pourquoi seule une loi peut le faire.

Je me félicite de ce qu’un réel débat sur ce texte se soit instauré au sein même de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ses membres n’ont pas sauté sur l’occasion de reculer la fin de leur mandat ; en réalité, beaucoup ont été très difficiles à convaincre.

Mes chers collègues, l’actualité internationale nous donne une nouvelle fois la preuve, s’il en était besoin, que les Français de l’étranger vivent parfois dans des pays où les valeurs démocratiques ne sont pas défendues avec autant de vigueur que dans le nôtre. Je les crois donc particulièrement sensibles à la défense de l’intérêt général : les membres de l’AFE n’auraient pas été convaincus par une proposition de loi qui aurait discrédité leur mandat.

Or, aujourd’hui, c’est en prorogeant leur mandat d’une année qu’on défendra le mieux la démocratie, la sincérité des suffrages et la clarté des enjeux démocratiques.

Je conclurai en soulignant que je suis très reconnaissant au Sénat et au groupe UMP d’avoir bien voulu inscrire l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour, pourtant très chargé, de notre assemblée. Je suis heureux que le Sénat prouve, une fois encore, qu’il est à l’écoute des Français établis hors de France et de leurs représentants.

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